Entrepreneuriat
L’impact des femmes au pouvoir: portrait de Mme Pauline Marois, ex-première dame de la province
Photographe : Coup de Pouce
Animée par le désir de servir, Pauline Marois a laissé une trace indélébile dans la sphère politique québécoise.
En assumant la responsabilité de neuf ministères et en devenant la première femme première ministre du Québec, madame Marois fait sans aucun doute partie de celles qui ont contribué à briser le fameux plafond de verre.
Bachelière en service social et détentrice d’une maîtrise en administration des affaires, madame Marois cumule une trentaine d’années de vie politique active et une quinzaine d’années de vie professionnelle dans d’autres domaines. «C’est le parcours de la combattante, dit-elle. Il a été parsemé d’embûches, mais aussi de formidables accomplissements dont je resterai fière jusqu’à la fin de mes jours. Venant d’un milieu modeste, j’ai la chance d’être issue d’une famille très aimante qui m’a beaucoup appuyée, et pour qui l’éducation était essentielle. J’ai un conjoint qui a été un appui formidable tout au long de ma vie professionnelle et personnelle.»
Pour l’ex-première ministre du Québec, son engagement politique s’est vécu à partir de deux idéaux: l’égalité des chances — c’est-à-dire l’égalité entre les hommes et les femmes, la lutte contre la pauvreté, les injustices et les iniquités — et la souveraineté du Québec. «J’ai eu le privilège de servir la population québécoise en occupant neuf ministères, dont celui de la Santé et des Services sociaux, de l’Éducation, de la Famille et de l’Enfance, des Finances, du Revenu, de la Science et de la Technologie.»
En tant que femme, la route lui a-t-elle semblé plus difficile? «Je crois que c’est vrai pour toutes les femmes qui veulent occuper des fonctions de responsabilités, croit- elle. C’est un chemin qui n’a pas été facile. J’avais le sentiment que chaque fois que je montais une marche, je devais prouver que j’étais capable de relever le défi, et ce, malgré des formations solides. En un sens, c’est normal, car il n’y avait pas de modèle. Nous luttons contre 3000 ans d’histoire. Il y a de plus en plus de femmes qui occupent des postes à responsabilités, mais c’est quand même récent.»
Bien malgré elle, madame Marois a aussi été l’un des premiers modèles de conciliation travail-famille. «J’ai eu quatre enfants, dont trois dans un seul mandat, rappelle-t-elle. Chaque fois, je revenais au bureau 15 jours plus tard. Je voulais dire aux femmes que c’était possible d’avoir des enfants et d’être au travail, mais pour beaucoup d’entre elles, ça devenait impossible, voire inaccessible. Pour tout concilier, ça prend des conditions. Ma bataille pour les services n’est pas née en 1997 quand on m’a confié cette responsabilité. En 1981, lorsque j’ai été nommée par René Lévesque ministre d’État à la Condition féminine, je voulais déjà mettre sur pied un service de garde accessible et des congés parentaux. J’ai réalisé mon rêve...»
Convaincue de l’impact des femmes en politique, madame Marois a œuvré à les convaincre d’y faire leur place. «Ce n’était pas facile, admet celle qui s’occupe aujourd’hui de la Fondation pour la langue française. Je sentais qu’elles avaient peur du pouvoir, comme si cela allait les corrompre. J’invitais les femmes à voir le pouvoir comme un moyen puissant qui permet de changer les choses pour rendre le monde meilleur.
En politique, elles ont apporté leur différence et ont changé les règles. Certaines lois ont été portées par les femmes: l’équité salariale, les congés parentaux, le patrimoine familial, la perception automatique de la pension alimentaire, les services de garde, l’équité dans la fonction publique... C’est pour cette raison que je me suis toujours battue: une société ne peut pas se priver de 50 % de ses talents et de sa matière grise. Nous sommes sur le point d’atteindre la zone paritaire au Québec, mais rien n’est gagné. On ne change pas l’histoire en deux générations. Ça prend du temps, mais le fait que les femmes aient été présentes en poli- tique a changé les choses.»
Madame Marois s’appuie sur les données de l’économiste Pierre Fortin pour évoquer les conséquences positives qu’ont eues les femmes au travail sur l’économie du Québec. «Les femmes qui sont retournées sur le marché du travail grâce aux politiques familiales, aux congés parentaux et aux services de garde ont fait augmenter le PIB.
Au Québec, jusqu’à la pandémie, les femmes représentaient le plus haut taux de participation au marché du travail de tous les pays du monde. Cela a fait en sorte d’augmenter la richesse collective, de faire reculer la pauvreté chez les familles et de multiplier les bienfaits sur le développement des enfants. Les femmes entrepreneures sont souvent plus prudentes que les hommes, mais leur réussite est plus grande.
Dans un livret, Monique Jérôme-Forget confirme que l’arrivée des femmes sur les conseils d’administration et dans les hautes directions des entreprises a généralement augmenté le rendement et les a amenés à avoir des codes d’éthique plus rigoureux et à mieux performer. Alors oui, en tant que femmes, nous faisons une différence.»
Ses conseils pour les femmes qui souhaitent atteindre les plus hautes sphères de notre société: «Faites- vous confiance! J’ai, moi aussi, vécu des périodes de doute. Soyez persévérantes et déterminées. Acceptez qu’on ne gagne pas toujours et que la route soit parfois longue. Acceptez de vous battre un peu. Ayez des convictions, de la volonté. Nous traversons toutes des moments de découragement, d’où la nécessité d’être bien entourées.»
CHANGER LE MONDE
«Je crois qu’il faut faire de la place aux jeunes, garçons et filles. C’est à eux que nous léguons la planète. Il faut leur faire davantage de place comme décideurs. Les gouvernements doivent prendre des initiatives, faire preuve d’audace. Même si en cours de route, ça peut être difficile à assumer complètement, ça finira par payer.»
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