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Si on s'embrassait?

Si on s'embrassait?

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Avec le succès des Cinquante nuances de Grey, les pratiques sexuelles audacieuses ont pris du galon. Mais qu’en est-il du simple baiser? A-t-il toujours la cote? Décryptage d’un classique.

On joint nos lèvres à celles de l'autre pour dire bonjour ou merci, mais il suffit que nos langues s'entremêlent pour que l'acte se transforme en une véritable promesse d'amour charnel. Dévorant, possessif, doux, passionné ou voluptueux, on dit du baiser profond, ou French kiss, qu'il est le trait d'union entre le corps et l'âme. Et pour cause! Le baiser parle d'émotions autant que de désir. «C'est un mode de séduction qui sert à apprivoiser l'autre et à se mettre au diapason, au même niveau d'intensité amoureuse et sexuelle que lui», affirme la sexologue Sylviane Larose.

On embrasse comme on fait l'amour?

Francis Métivier, coauteur du livre Sexe et philo, croit que le baiser évoque symboliquement le coït. Un parallèle qui rejoint totalement Sylvie, 44 ans. «Quand un homme m'embrasse, je sais comment sera la suite au lit. S'il me donne un baiser du bout des lèvres, il ne sera pas très passionné. De même, s'il fait tourner sa langue comme une machine à laver à spin, il ne sera pas attentif sexuellement», rigole-t-elle.

Un point de vue que ne partage toutefois pas Diane, 54 ans, pour qui être doué au lit ne rime pas nécessairement avec baiser profond. «J'ai toujours détesté embrasser avec la langue, rigole-t-elle. Et pourtant, je me considère comme une bonne amante! Peut-être que je ne me suis jamais remise de ma première expérience! J'avais 12 ans quand mon copain, qui était beaucoup plus grand que moi, m'a soulevée de terre pour m'enfouir sa langue dans le fond de la gorge. J'ai été dégoûtée! Depuis, j'ai toujours préféré les baisers doux et pas trop envahissants.»

Embrasser est une façon d'évaluer la compatibilité d'un partenaire, admet Sylviane Larose, mais il ne faut pas croire que celui ou celle qui embrasse avec doigté fait nécessairement bien l'amour. «Le baiser profond peut dégoûter certaines personnes sensibles à l'odeur de l'haleine ou à la texture de la langue. L'important, c'est que les deux partenaires soient bien dans leurs pratiques sexuelles, que leurs besoins soient comblés.»

 

Petite histoire du baiser

Bien que ses fonctions et ses significations diffèrent d'une tradition à l'autre, selon l'anthropologue canadienne Helen Fisher, auteure du livre Pourquoi nous aimons?, le baiser est pratiqué dans plus de 90% des cultures. Les autres 10% le détestent, mais les partenaires se caressent, se lèchent et se soufflent sur le visage. Ces comportements sont aussi présents chez bon nombre d'animaux: certaines espèces d'oiseaux se donnent des coups de bec, les éléphants mettent leurs trompes dans la bouche de l'autre, les chiens se lèchent le museau et les girafes entrelacent leurs cous.

L'origine du baiser ne fait toutefois pas consensus. Dans son livre Le Baiser, la psychologue Denise Medico-Vergriete explique qu'une hypothèse veut qu'il soit issu de la becquée, un comportement alimentaire préhistorique où la mère buvait de l'eau ou mâchait de la nourriture avant de la glisser entre les lèvres de son bébé. Une autre théorie envisage son origine comme un héritage de ce qu'on appelle le sniffing animal, une pratique qu'on observe lorsque deux chiens se sentent mutuellement avant de s'approcher l'un de l'autre. D'autres chercheurs croient plutôt que le baiser est un équivalent humain du réflexe de fouissement animal, qui permet aux mammifères nouveau-nés de trouver le mamelon maternel.

Si l'origine du baiser est nébuleuse, l'apparition de l'expression French kiss l'est tout autant. La théorie la plus répandue veut que des soldats américains, de passage à Paris lors de la Première Guerre mondiale, aient découvert le baiser profond avec des prostituées. Selon une variante, ces soldats puritains y auraient plutôt découvert la fellation, l'appellation ne désignant, à l'origine, pas qu'un simple baiser. Pour sa part, Julie Enfield, auteure du livre Petite histoire du baiser, croit que les Anglais auraient surtout été inspirés par un couple de Bretons qui passaient leurs journées à s'embrasser avec la langue.

Le baiser: un baromètre du couple

Peu importe d'où vient le baiser, il semblerait que les couples qui s'embrassent et se caressent souvent risquent de durer plus longtemps. Selon Sylviane Larose, le baiser est non seulement le bras armé du désir, il est aussi synonyme d'intimité. «Les couples qui s'embrassaient à leurs débuts et qui cessent de le faire en dehors de la sexualité risquent de perdre leur complicité, prévientelle. Même que l'absence de baisers peut être le symptôme d'un autre malaise. Par exemple, le couple a-t-il un problème au niveau du partage des valeurs? Vit-il des conflits ou a-t-il une sexualité ennuyante?»

La sexologue avoue qu'elle recommande parfois à des couples en difficulté de recommencer à s'embrasser plus souvent et de façon consciente, afin d'identifier et de remettre en question les barrières et les patterns qui ont pu se former au fil du temps. «On peut aussi recommencer à s'embrasser en public, pour retrouver l'excitation de faire quelque chose de défendu, suggère-telle. S'embrasser publiquement permet de flotter un certain temps sur le désir, puisqu'on ne peut pas relâcher la tension sexuelle en faisant l'amour.»

Des couples au défi

Nous avons demandé à cinq couples qui ne s'embrassaient plus ou presque de remettre le baiser au menu de leurs échanges. Pas toujours évident, mais payant au bout du compte.

DÉFI 1: S'embrasser plus souvent

«Je ne sais pas quand nous avons cessé de nous embrasser au quotidien, lance Marie, 41 ans, mère de trois jeunes enfants. Était-ce à la naissance du premier ou du deuxième bébé? On ne le fait pratiquement plus en dehors de notre lit. Mon défi: embrasser mon conjoint au moins une fois par jour, sans que ce soit pour amorcer une relation sexuelle.»

Jour 1, lundi. Quand je suis arrivée pour l'embrasser, il m'a dit: «Qu'est-ce que tu fais?» J'ai répondu: «Je t'embrasse. - Pourquoi? - Mais parce que je t'aime.» Franchement!

Jour 2, mardi. Le matin, pendant qu'il met ses chaussettes, je l'embrasse sur la bouche. Il me dit: «Là, maintenant? - Quoi? Il faut qu'on fasse l'amour chaque fois qu'on s'embrasse?» Les enfants sont entrés dans la chambre pour joindre leurs baisers aux nôtres. Un classique.

Jour 3, mercredi. J'ai oublié de l'embrasser. Pas croyable que je doive y penser autant pour le faire. On est dus pour des vacances en couple, c'est certain.

Jour 4, jeudi. On s'embrasse naturellement pendant la préparation du souper. À un point tel que je ne sais pas lequel de nous est allé vers l'autre. C'est délicieux. Si ce n'était des Mélodilous, l'émission des enfants que nous entendons en arrière-plan, on se croirait seuls. Vite une bouteille de vin! On en profite pour parler de tout et de rien. Si on ne prend plus le temps de s'embrasser, on le prend encore moins pour jaser tranquillement. Doux moment.

Jour 5, vendredi. On a mis les enfants au lit très tôt pour se taper quelques épisodes la série Le Trône de fer. Une soirée de couple, comme tant d'autres. On se prépare des collations, on sort les couvertures et on s'installe... sur deux divans séparés. Je vais l'embrasser tendrement sur son canapé. «Tu préfères faire autre chose?» qu'il me dit. «Peut-être, que je lui réponds, l'air coquin. Mais on pourrait aussi regarder la télé, collés sur le même divan, comme on le faisait avant, non?»

Jour 6, samedi. Le retour du baiser dans notre couple nous galvanise! Au point que nous partons pour une journée complète au spa. Dans les bains, on s'embrasse des heures. On s'aime.

Jour 7, dimanche. À notre retour, alors que je prépare le dîner, mon conjoint m'enlève le couteau des mains. Il me plaque contre le garde-manger et m'embrasse à pleine bouche. «Ouch! La poignée me fait mal au dos!» En temps normal, j'aurais dit: «Pas maintenant, les enfants nous voient», mais je me laisse aller. Il m'embrasse dans le cou, derrière les oreilles... Un enfant me crie: «Maman! J'veux du lait! Mamaaaaaaaan!» Baiser interrompu.

Deux semaines plus tard... Cette semaine de défi m'a permis de réaliser à quel point nous avons pris des mauvais plis avec le temps, comme de regarder la télé chacun dans notre coin. Le baiser servait surtout à initier une relation sexuelle. Maintenant, il nous permet de nous rapprocher pendant la journée.

DÉFI 2: S'embrasser en public

«Je n'ai jamais été à l'aise d'embrasser mon conjoint en public, mais j'ai réussi à le faire trois fois en une semaine, raconte Jaime, 33 ans, mère de deux enfants. J'ai accepté de relever le défi, mais je n'ai pas osé le dire à mon mari. Alors, quand il m'a embrassée après une soirée au restaurant, j'étais vraiment surprise! Ce n'est pas dans ses habitudes, mais nous venions de passer un beau moment. Il m'a prise dans ses bras et il a posé ses lèvres sur les miennes. Wouah! C'était le retour des papillons de mon adolescence! Par contre, j'ai éprouvé moins de plaisir quand on l'a fait chez ses parents. Je ne sais pas pourquoi, mais c'est plus difficile pour moi de le faire devant des gens que je connais. J'ai aimé qu'on s'embrasse au resto, par contre! Cela m'a donné confiance en moi de me sentir désirée devant les gens!»

DÉFI 3: S'embrasser sans faire l'amour pendant une semaine

Comme tous les couples de moins d'un an, Hélène et Daniel, 46 et 45 ans, se bécotent et se donnent des baisers profonds tous les jours. «S'embrasser sans faire l'amour a été terriblement difficile, avoue Hélène. La première semaine, on a réussi à ne pas faire l'amour, mais on ne s'est pas embrassés! rigole-t-elle. Quand on a réalisé qu'il fallait se donner des baisers, on a recommencé la semaine suivante. On a tenu le coup un gros trois jours! La tension sexuelle devenait toujours trop forte et on finissait immanquablement par faire l'amour. Mais forts de notre expérience, on a repris l'exercice et on y est arrivés! On savait qu'il ne fallait plus s'embrasser comme des ados et dépasser le point de non-retour. Quelle expérience! Il s'est installé entre nous une belle tendresse, une sensualité et un sentiment d'union très fort... Tout ça, sans sexe!»

DÉFI 4: Embrasser mieux

«Quand ma femme m'a demandé de relever le défi de l'embrasser mieux pendant une semaine, je lui ai répondu qu'elle n'avait qu'à bien se tenir, lance Stéphane, 38 ans, père de deux enfants. Pas que j'embrasse mal, mais je ne prends pas toujours le temps d'embrasser ma blonde comme je le voudrais.

«Elle se maquillait tranquillement devant le miroir de la salle de bains lorsque je me suis faufilé derrière elle pour l'embrasser doucement dans le cou. J'ai remonté ma bouche tout doucement sur sa nuque et je l'ai embrassée sur le bord des lèvres, que j'ai taquinées un peu avec ma langue. Elle me disait: "On n'a pas le temps", mais j'insistais. Je l'ai assise sur la vanité, en continuant à la couvrir de petits et grands baisers. J'ai pris sa tête entre mes mains et lui ai donné un baiser plus profond. Je recommençais à l'embrasser plus légèrement derrière l'oreille, lorsqu'elle m'a dit, vaincue: "Ok! On va dans la chambre!" "On n'a pas le temps!" que je lui ai répondu satisfait.»

DÉFI 5: Être plus consciente de nos baisers

Annie, 40 ans et mère de deux enfants, voulait utiliser le baiser comme baromètre de son couple. «On s'est embrassés des mois avant de faire l'amour. Puis, les enfants sont arrivés et on est devenus plus sérieux. Quand on se croise, on se dit encore: "Attends une minute, je n'ai pas eu mon bec", mais on s'embrasse surtout lors des rendez-vous qu'on se donne: "À 21 h ce soir, on se voit au salon!" Grâce au défi, on s'est embrassés devant des amis de couple au resto. C'était bien, mais je l'ai fait de manière plus consciente que spontanée. On l'a aussi fait langoureusement pendant que les enfants regardaient un film. C'était si bon qu'on a dû se faufiler discrètement vers le lit! Je crois que notre couple se porte bien, finalement.»

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