Couple
Rebondir après une séparation
Qu'elle soit choisie ou subie, une séparation est une épreuve qui bouleverse le cours de notre vie. Comment apprivoiser notre nouvelle vie en solo?
Selon qu'on les prononce ou qu'on les reçoive, les mots «je te quitte» soulagent ou choquent, donnent des ailes ou provoquent un très gros vertige. Moi, je me suis envolée, mais je suis aussi retombée... quelques fois.
J'y réfléchissais depuis longtemps. Nous avions entrepris, trop tard, une thérapie de couple qui a confirmé une chose pour moi: la séparation était inévitable. Pourtant, je n'y arrivais toujours pas. C'est finalement au bout d'heures et d'heures d'une discussion sans fin, un petit matin d'août, que j'ai dit: «C'est fini.»
Une soudaine légèreté m'a aussitôt envahie, moi qui avais cru cela impossible à dire, à faire. Je ne reviendrais plus sur ma décision, c'était clair. Dans les jours qui ont suivi, tout s'ouvrait devant moi. On m'a même offert le job de mes rêves! J'étais enfin disponible pour l'univers et, si j'avais réussi à prononcer les mots «je te quitte» et à les assumer, je pouvais maintenant réussir n'importe quoi.
C'est comme ça que j'ai vécu ma lune de miel avec moi-même. Rien ne m'atteignait. Sur le coup, je me sentais plus forte que jamais.
Ce n'est pas ce qu'a vécu mon amie Julie, presque un an plus tard, quand son conjoint des 14 dernières années, un jeudi soir à l'heure du souper, lui a annoncé qu'il la quittait. «J'étais en état de choc. Je me suis sentie anéantie et je suis littéralement tombée par terre - mes jambes m'ont lâchée», m'a raconté Julie. Après avoir passé quelque temps à pleurer, blottie contre ses trois enfants, elle s'est mise sur le pilote automatique pour tenir le fort, telle une superwoman.
«C'est notre premier réflexe de faire comme si de rien n'était pour continuer à fonctionner. Mais il est dangereux d'éviter de vivre pleinement nos émotions. Il faut savoir les exprimer, affirme le Dr Daniel Dufour, médecin et auteur de Rebondir! et de La blessure d'abandon (Les Éditions de l'Homme). Se couper de ses émotions, ça peut mener à des troubles physiques et psychiques, des maladies, des dépressions, des dépendances.»
Je savais depuis le début que ma nouvelle vie ressemblerait à un parcours de montagnes russes. J'ai donc décidé d'accepter et d'en assumer les hauts autant que les bas. Dans les descentes, j'essaie de ne pas baisser les bras même si, parfois, j'ai envie de crier, de me laisser aller et de fermer les yeux; en ai-je le droit? «Bien sûr, me répond Daniel Dufour. Si, dans le présent, on est bourrée de colère, de peur ou de tristesse, on ne pourra pas reconstruire grand-chose.»
À LIRE AUSSI: Survivre au chagrin d'une peine d'amour
Si Julie n'a jamais douté de ses capacités de mère de famille monoparentale, moi, c'est justement le quotidien qui m'a fait retomber de mon nuage. Je me suis vite sentie incapable de prendre une décision seule. La première fois qu'un de mes fils a eu une montée de fièvre incroyable en pleine nuit, j'ai paniqué. J'avais besoin de consulter l'autre. Même chose quand est venu le temps d'organiser les vacances.
«Quand on a vécu longtemps avec une personne, on a développé des automatismes. Il faut prendre le temps de se reconnecter avec soi dans le présent. C'est de là qu'émerge la personne qu'on est vraiment: on réalise qu'on a de grandes qualités, qu'on est créatif, et ainsi, on retrouve notre confiance», explique le Dr Dufour.
Et pour vivre le moment présent et exprimer ses émotions, ça prend d'abord un réseau. Les meilleures copines avec qui on rit et on se défoule sont indispensables! «Elles ont été hyper importantes dans mon processus de guérison. J'ai aussi consulté un psychologue pour m'outiller quand il y avait un trop-plein d'émotions», dit Julie.
Il y a aussi les activités qui permettent de redorer l'estime de soi. De mon côté, j'ai peint deux soirs par semaine et je participais à des ateliers de photographie quand mon horaire me le permettait. Julie, elle, s'est mise à la course à pied... tous les matins! Une bonne dose d'endorphines qui l'a aidée à gérer son stress.
Dans l'introduction de son livre Rebondir!, le Dr Dufour écrit: «À partir du moment où (les gens) reprennent leur vie en main, ils font preuve d'une capacité de rebondir fabuleuse qui leur permet non seulement de surmonter les épreuves, mais aussi de créer une autre réalité bien plus attrayante que celle à laquelle ils s'étaient habitués.»
Moi, j'y crois. Et si, Julie et moi, on a vécu notre séparation très différemment, on est à la même place aujourd'hui: debout, sur nos deux pieds, confiantes, prêtes à rencontrer quelqu'un, mais pas à tout prix. Parce qu'on a aussi compris que ce n'est jamais «l'autre» qui nous rend heureuses.
Annie-France Charbonneau est séparée depuis quatre ans et élève ses trois garçons (une semaine sur deux). Sa devise: une maman épanouie, des enfants heureux.