Couple
Mélanger amour et affaires: une bonne idée?
Photographe : Shutterstock
Certains couples partagent tout, tout, tout, leur vie personnelle comme leur entreprise.
Conseils pour gagner ce qui peut se révéler une véritable course à obstacles.
Vous les avez peut-être vus à l’émission Dans l’œil du dragon en avril 2020. Tessa Paradis et Jade Tremblay y présentaient Totem, un jeu de développement personnel qui permet de s’amuser tout en découvrant ses forces et ses qualités. Le couple de Saguenay est reparti avec la coquette somme de 75 000 $, un investissement de la dragonne Marie-Josée Richer. Pour eux, tout a commencé en 2015 quand, avec leur ami et associé, Carol Rancourt, ils ont développé le concept de Totem. Le jeu a rapidement connu un vif succès. Il est aujourd’hui distribué en Amérique du Nord et en Europe.
Confiance et communication
Malgré ce démarrage prometteur, Tessa nous confie qu’au départ, elle a hésité à se lancer totalement dans l’aventure et qu’elle n’a intégré l’équipe à temps plein que l’an dernier. Pour sa part, Jade a dû apprendre à respecter le fait que sa conjointe garde une certaine distance pendant quelques années avant de faire le saut définitivement.
«Je suis le fils d’un entrepreneur, et c’était plutôt mon rêve à moi d’avoir une entreprise familiale. Tessa a embarqué à 100% quand elle s’est sentie prête», indique-t-il. Bien lui en a pris, car l’un des secrets de la réussite lorsqu’on démarre une affaire à deux est de le faire avant tout pour soi et pas uniquement pour satisfaire l’autre.
Outre cette prise de recul temporaire, être un couple dans la vie comme dans les affaires ne semble pas leur avoir posé de difficultés majeures. Graphiste de formation, la jeune femme s’occupe de tout ce qui a trait à la création des cartes, des nouveaux produits et de la promotion. De son côté, Jade, qui est ingénieur en informatique, voit à la direction de l’entreprise. Il a aussi conçu une activité de consolidation d’équipe basée sur Totem.
«On se complète et on ne se pile pas sur les pieds!» assure Tessa. Ce mariage de compétences est d’ailleurs un ingrédient du succès, indique Sébastien Boirié, directeur services-conseils et financement chez PME MTL, un organisme montréalais qui regroupe un réseau d’experts en financement et accompagnement des entreprises.
«Lorsque chacun a son propre champ d’action et que les forces sont complémentaires, ça évite les dédoublements décisionnels et réduit du même coup les risques de conflits», explique-t- il. Il cite en exemple un couple qu’il a accompagné dans son projet d’affaires, dont l’un est maître chocolatier et l’autre se consacre aux ventes.
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C’est la même dynamique qui est à l’œuvre du côté d’Ariane Arpin-Delorme et Mike Adams. L’auteure, journaliste et blogueuse a lancé il y a 8 ans Esprit d’Aventure, une agence qui propose des voyages sur mesure. Son conjoint l’a rejointe dans l’entreprise 2 ans plus tard. Ils se partagent les tâches, chacun œuvrant dans le secteur qui correspond le plus à ses habiletés. «Mike voit à la comptabilité et au volet administratif. Je m’occupe des ventes et du service à la clientèle», dit-elle.
La confiance mutuelle et le partage de valeurs similaires sont aussi des clés du succès. «À mes yeux, il est important d’avoir une action positive sur l’environnement et les communautés. Par conséquent, je privilégie les fournisseurs et les partenaires sur le terrain qui correspondent à mes valeurs, et je suis prête à les payer plus cher pour valoriser leur travail. Mike partage ma vision des choses et est donc d’accord avec mes décisions d’affaires», explique-t-elle.
Même son de cloche du côté de Tessa et Jade. «Et s’il arrive que nous ne soyons pas d’accord sur un point, nous prenons le temps d’en discuter. C’est fondamental d’instaurer une communication en profondeur pour éviter les conflits», remarque l’entrepreneure.
Poser les règles du jeu
Si nos quatre entrepreneurs semblent avoir tiré leur épingle du jeu, il n’en reste pas moins que conjuguer amour et affaires peut être semé d’embûches. «La dynamique d’un couple est complexe. En y ajoutant un projet d’entreprise, on accroît encore le niveau de difficulté», constate Alain Reid, psychologue organisationnel et associé au sein de la firme Humance.
Il précise que mettre en place des règles dès le départ peut éviter bien des ennuis. «Il faut aussi bien comprendre ce qu’implique d’être un administrateur ou de gérer des opérations, puis s’assurer de posséder les talents requis pour accomplir les tâches dont on a la responsabilité.
Pour savoir si on a la tête de l’emploi, il est utile de faire un bilan en se posant les bonnes questions. Par exemple, si j’ai un profil artistique, suis-je en mesure d’effectuer de la gestion? Inversement, si je suis davantage versé dans les chiffres, serai-je capable de m’occuper de la promotion?» illustre Alain Reid.
Pour ne pas foncer droit dans le mur, attention aussi à ne pas mélanger les choses et à laisser ses émotions et ses sentiments interférer avec les affaires. Le cas classique est de s’opposer aux décisions relatives à l’entreprise prises par le conjoint, parce qu’on a accumulé des rancœurs dans sa vie de couple.
Alain Reid conseille aussi de prévoir des lieux et des moments pour parler boulot, ainsi que les stratégies à mettre en œuvre si notre vie amoureuse en vient à être affectée. «On doit se donner des temps d’arrêt et s’entendre sur la façon dont on pourra lever le drapeau en cas de besoin», dit-il.
Ariane Arpin-Delorme confirme qu’il n’est pas toujours facile de faire la part des choses, et ce, d’autant que leur agence de voyages est située au premier étage de leur condo. «C’est un défi constant de ne pas trop ramener le travail à la maison. On s’est donc donné des mécanismes: le soir, on discute affaires pendant quelques minutes et ensuite on arrête. Nous avons d’ailleurs un code entre nous pour faire comprendre à l’autre qu’il est temps de passer à autre chose. On dit: “Let’s have a cup of tea”», raconte-t-elle sur un ton amusé, précisant que son conjoint est originaire de Grande-Bretagne.
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Du temps pour soi et son couple
Il faut aussi se rappeler que le travail constitue souvent une loupe grossissante des difficultés vécues par le couple. «C’est pourquoi il est indispensable de séparer autant que possible travail et vie personnelle, et de réserver du temps de qualité avec son conjoint.
On devrait aussi garder du temps pour soi, pour se ressourcer, parce qu’être ensemble 24 heures sur 24, c’est beaucoup!» fait valoir Sébastien Boirié. Aller manger au restaurant, faire une promenade et jouer au tennis avec des amis sont autant de façons de décrocher et de recharger ses batteries.
Filet de sécurité
Il met également en garde ceux qui estiment qu’être des amoureux les dispense de certaines formalités administratives, notamment de la convention entre actionnaires. «Les gens dans les affaires en préparent une systématiquement, alors que les couples n’en ressentent pas toujours le besoin.
C’est pourtant lorsque tout va bien qu’il faut penser à ce qu’on ferait si ça tournait mal», prévient-il. Il recommande aussi d’être bien conseillé en matière de planification financière et d’assurances. «Lorsque les deux revenus proviennent d’une seule source, ça peut être dangereux. Nous suggérons donc à tous nos entrepreneurs de prendre une assurance-vie, de façon à sécuriser les finances de l’entreprise et de la famille en cas de problème», explique-t-il.
Toutefois, être un couple dans les affaires a aussi ses avantages. «Ça donne beaucoup de flexibilité dans la vie de famille, mais aussi pour les activités professionnelles. J’ai accompagné un couple d’entrepreneures qui a effectué sa tournée de promotion à travers le Québec dans une fourgonnette. Elles ont non seulement économisé sur les chambres d’hôtel, puisqu’elles dormaient dans leur véhicule, mais elles ont aussi eu beaucoup de plaisir à visiter la province», conclut-il. Alors, avez-vous ce qu’il faut pour vous lancer?
Listes de critères à cocher avant de se lancer
- Avoir le désir mutuel de fonder une entreprise.
- Tracer la frontière entre les vies amoureuse et entrepreneuriale.
- Séparer les tâches clairement et selon les champs d’expertise.
- Avoir des valeurs similaires.
- Être capable de communiquer.