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La vérité sur le mensonge

La vérité sur le mensonge

Auteur : Coup de Pouce

Nos gentils mensonges
Tout le monde ment. C'est la pure vérité! Si on se fiait aux résultats de diverses études, notre nez s'allongerait deux fois par jour minimum... «Non, non, votre discours de trois heures ne m'a pas semblé trop long ni trop ennuyant.» «J'aurais beaucoup aimé, mais je suis déjà prise ce soir.» «Cette robe rose saumon et vert te va à ravir.»

Ce ne sont pas de vrais gros mensonges, mais plutôt de gentils mensonges («pieux mensonges») destinés à ne pas blesser, provoquer ou faire réagir celles et ceux qu'on côtoie au quotidien. Comme ils relèvent d'un certain savoir-vivre, ils sont socialement acceptés. Sans eux, on se mettrait souvent dans de beaux draps, car la plupart des gens préfèrent entendre de gentils mensonges plutôt qu'encaisser sans broncher une vérité vexante.

D'après un sondage mené par la firme Léger et Léger en juin 2005, il semblerait que 39 % des Canadiens mentent pour protéger les autres, tandis que 31 % mentent pour se protéger tout court. On a donc fait d'une pierre deux coups: d'un côté, on a ménagé la susceptibilité de notre belle-mère et de l'autre, on s'est peut-être épargné le pire!

Mentir: stratégie anti-conflit
On mentirait surtout à notre tendre moitié, puis aux copines et à nos parents, d'après une étude réalisée auprès de 5 000 femmes en 2004 par le magazine That's Life.

Marie, 34 ans, s'explique. «Ça m'évite bien des bouderies ou des disputes inutiles, admet-elle. Moi, je suis pour la paix dans les ménages. Alors, si un petit mensonge fait en sorte qu'il se sente plus beau ou plus heureux, pourquoi pas! Mais mes mensonges sont toujours simples, directs et sans conséquence pour le futur. Je n'ai pas assez de mémoire pour me lancer dans des histoires compliquées où il faut retenir un tas de détails pour ne pas s'embourber plus tard.»

«Dans certaines circonstances, mentir peut être bien plus facile que dire la vérité, explique Stéphane Bensoussan, psychologue holistique. Et la raison la plus commune, c'est de le faire pour ne pas s'attirer de problèmes.»

En fait, c'est un réflexe qui remonte loin. À l'enfance. La vérité sort-elle vraiment de la bouche des enfants? «Le mensonge de l'enfant ne répond qu'à un seul mobile: éviter la punition, confirme Michel Fize, sociologue au CNRS, à Paris, qui a co-écrit LLes Menteurs, Pourquoi ont-ils peur de la vérité?

Cacher notre vie privée
À mesure qu'on vieillit, la majorité de nos mensonges servent à nous montrer sous un meilleur jour. Ça va? Oui, je vais bien... Alors qu'on attend les résultats d'une mammographie à cause d'une petite bosse qui nous cause bien des tracas... En éludant la question, on s'épargne une conversation qui pourrait être désagréable ou douloureuse, tout en protégeant des faits intimes qu'on ne tient pas nécessairement à dévoiler sur la place publique.

À moins d'être très proche de la personne qui s'enquiert ainsi de notre santé ou de notre moral, on a le droit de se faire évasive. «Entre le mensonge et la sincérité, il y a cette espèce de zone que j'appelle le jardin secret, poursuit Michel Fize. Quel intérêt y a-t-il à dire qu'on a passé une mauvaise journée? Il est tout à fait légitime de vouloir garder nos états d'âme pour nous. Quand on se lance, il faut être vraiment sûr de soi et, plus encore, faire confiance aux autres et à leur capacité de compréhension.»Pour rire ou pour attirer l'attention?
Quand on maquille la réalité chaque fois que l'occasion se présente en pêchant dans un répertoire improvisé d'anecdotes abracadabrantes, on abuse peut-être un brin. «Il est beaucoup plus simple de justifier une absence au bureau à cause d'une grand-mère qui en est à sa troisième ou quatrième agonie que d'admettre qu'on était incapable de lâcher le dernier Harry Potter», confie Jacinthe, une ex-comptable de 39 ans en réorientation de carrière qui a toujours le chic de se sortir des pires situations en débitant des craques.

«Il faut juste lâcher un peu la bride à notre imaginaire et jouer d'audace. En tout cas, ça marche pour moi, et mon expérience m'amène à penser que plus le mensonge est gros, plus les gens sont portés à me croire! Quand je me suis cassé le bras, j'ai même fait gober à ma cousine que George Clooney en personne, qui tournait à ce moment-là à Montréal, avait signé mon plâtre!»

«Pour certaines personnes, il peut être le seul moyen d'avoir de l'attention et de se montrer intéressantes, souligne Stéphane Bensoussan. Elles se trouvent ordinaires et exagèrent en racontant toutes sortes de choses ou en inventant des histoires. Ça concerne les gens qui ont de la difficulté avec leur estime personnelle et qui manquent de confiance en eux, ceux qui aiment le drame, les rumeurs ou tout ce qui est excitant et qui n'ont rien de tout ça dans leur vie.»

Michel Fize suggère une autre hypothèse. «Mentir peut découler d'une forme de désarroi. On ne sait pas comment se sortir d'une situation, on ne sait pas comment l'affronter. On arrive en retard. On peut dire la vérité, mais on ne le fait pas, car on va donner une mauvaise image de nous, en plus s'il s'agit d'une première rencontre. Alors, on trouve une raison extérieure et on imagine que le bus qu'on prend chaque matin est tombé en panne. Plutôt que de dire la vérité, que l'autre comprendrait bien, on suppose que l'autre va mal réagir.»


Vérité et franchise: risques
Dire toujours la vérité comporte aussi son lot de problèmes. Hélène, qui a un jour confié à une de ses collègues la raison véritable de ses nombreux retards, s'en mord les doigts. «Je pensais qu'elle allait être réceptive et empathique, raconte cette réalisatrice de 37 ans. J'étais en instance de divorce et, pour pouvoir dormir, je prenais des pilules qui m'assommaient aussi le matin. Le lendemain, la direction m'a convoquée et m'a obligée à suivre une thérapie. Ça m'a profondément humiliée. Inutile de préciser que je n'ai plus reparlé à cette collègue.»

N'empêche que certains sont adeptes de la franchise. Aux États-Unis, un mouvement (Radical Honesty) prône la communication directe, peu importe à qui on s'adresse. «Tout ce qu'on pense et qu'on ne dit jamais, eux osent le dire! s'exclame Stéphane Bensoussan. Mais c'est très dur pour l'ego, et on risque de perdre des gens autour de nous, car, au début, ils vont être choqués. À long terme, cependant, certaines personnes pourraient se sentir plus à l'aise dans ce type de relation très authentique.

En somme, tout est donc dans la façon de présenter les faits. Tout en étant honnête et direct, on peut dire les choses gentiment et sans être menaçant.» Pas évident, surtout quand on est entourée de personnes sensibles. «J'ai failli perdre mon boulot parce que j'ai un jour eu l'audace de dire à mon boss qu'il avait une haleine de cheval, avoue Pascale, 31 ans, assistante-gérante. Bon, je ne le lui ai pas dit aussi crûment, mais le message était quand même clair. Pourtant, c'est lui qui m'avait demandé si je savais pourquoi personne n'allait le voir dans son bureau!»Mentir, juste assez
L'équilibre entre le gentil mensonge et la vérité absolue est difficile à atteindre. Les mensonges s'accumulent, les chances de se faire pincer augmentent. Choisir de diminuer la fréquence de nos mensonges ne peut avoir que des effets positifs: relations plus authentiques, meilleure image de soi, etc.

Par quoi commencer? On désigne une personne en qui on a confiance. «Il faut en effet être assuré de pouvoir s'exprimer de façon sécuritaire, sans que la personne ne nous juge, précise Stéphane Bensoussan. Si on sent qu'on nous juge, on va censurer notre pensée, préférer ne rien dire. Mais, quand on ne dit rien, on ment aussi un peu.

Puis, on peut avouer nos mensonge qui concernent des petites choses. Comme le suggère Stéphane Bensoussan: «"J'ai quelque chose à te dire. Je n'en suis pas très fière, mais l'autre jour, quand je t'ai dit que..." En s'excusant et en faisant comprendre à notre interlocuteur qu'on ne cherchait pas à lui faire de mal, il va comprendre qu'on s'ouvre. Quand on exprime qu'on a menti, on se montre vulnérable et cela crée une communication plus intime.»

Une solution: promettre publiquement à quelqu'un de moins mentir. Cela suscitera en nous un sentiment d'obligation qui devrait nous aider à réduire nos bobards.

Autre idée: ne pas mentir aux enfants. «On n'a pas prouvé que le mensonge était génétique. Mais si on vit dans une famille de menteurs, on peut être davantage conditionné à mentir», explique Michel Fize.

Menteuse embobinée
Si on réalise qu'un membre de notre entourage nous ment? «Ce qui me bouleverse, ce n'est pas tant que tu m'aies menti, c'est que, désormais, je ne pourrai plus te croire», a dit Nietzsche.

«Ce n'est pas agréable, concède Michel Fize. Lorsqu'on découvre qu'on nous a menti, c'est après qu'on souffre, car on ne peut pas souffrir de quelque chose qu'on ignore.»

Si le mensonge nous a blessée, on devrait confronter le menteur. On peut aborder la question avec lui en privé. «Il est important de communiquer ce qu'on ressent: "Ça me fait de la peine parce que je sais que tu mens et que tu ne me fais pas confiance, etc."», dit Stéphane Bensoussan.

En revanche, si les mensonges n'existaient pas, notre vie serait un enfer. Car, si on jouait en tout temps la carte de la franchise, notre belle-soeur saurait qu'on ne peut pas la voir en peinture (et bonjour, l'ambiance dans les réunions de famille!) et notre patronne découvrirait qu'on lui connaît plus de défauts que de qualités (et adieu, l'augmentation de salaire!). Mais, si on arrive à avoir des rapports honnêtes pour les choses importantes, ces pieux mensonges auront l'avantage de nous assurer des relations harmonieuses... avec nous-même et avec les autres.

Vos confessions: les pires mensonges

L'âge est dans la tête
«Quand j'ai rencontré mon mari, je me suis rajeunie de huit ans. Je ne pensais pas que ça allait durer entre nous, justement à cause de la différence d'âge. Mais, plus tard, ce pieux mensonge a failli faire péter notre relation.»
Marie-Johanne, 47 ans.

Amours chiennes
«J'ai fait croire pendant un bon bout de temps à un paquet de monde que j'avais réussi à convaincre un prêtre de marier mes chiens, faire-part à l'appui.»
Marie-Johanne, 47 ans.

Mariée à l'invisible
«J'ai un voisin que je trouve bizarre et qui me fait un peu peur. Alors, je lui ai fait croire que j'étais mariée. Quand il m'a demandé pourquoi on ne voyait jamais mon mari, je lui ai dit, en le regardant droit dans les yeux, que mon mari était infirme et qu'il n'aimait pas les promenades en chaise roulante.»
Lucille, 42 ans.

Études fictives
«Pour décrocher un boulot, je me suis inventé des compétences et des diplômes que je n'avais pas. J'espère que personne ne s'en rendra compte.»
Stéphanie, 31 ans.


En savoir plus: 4 livres essentiels
  • Les Menteurs -Pourquoi ont-ils peur de la vérité? Michel Fize, Éditions de l'Homme, 2007, 19$.
  • Psychologie du menteur, Claudine Biland, Odile Jacob, 2004, 45$.
  • La vérité sur le mensonge, Marie-France Cyr, Éditions de l'Homme, 2003, 19$.
  • Quand votre conjoint vous ment..., Susan Forward, InterÉditions, 2001, 43$
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