Couple
Faire le ménage dans nos amitiés
On fait parfois le ménage dans nos amitiés à la suite d'une chicane ou d'un conflit insurmontable. Ou alors, la vie nous pousse tranquillement à le faire. On réalise qu'on ne «connecte» plus autant avec certaines copines, que leur amitié ne nous apporte plus grand-chose. C'est ce qui est arrivé à Amélie, 28 ans. «Au secondaire, nous étions cinq filles toujours ensemble, raconte-t-elle. Avec l'université, nous avons pris des voies différentes. Au début, on se revoyait souvent, on se téléphonait. Petit à petit, c'est devenu moins fréquent. Je me suis fait d'autres amies, elles aussi. On se croise à l'occasion, c'est sympa, mais ça n'a rien à voir avec ce que c'était. Pour moi, c'est mieux ainsi. Ces filles font partie d'une belle période de ma vie, mais je suis ailleurs maintenant. J'ai changé, on a toutes changé. On ne s'en veut pas, mais on n'a pas envie, non plus, de faire semblant qu'on a encore une tonne de choses à se dire.»
Ce processus est tout à fait normal, confirme la psychologue Jalène Allard. «On a généralement beaucoup d'amis au début de l'âge adulte. On fait beaucoup d'activités ensemble. Puis, les choses se modifient. En vieillissant, un élagage naturel s'opère dans nos amitiés. On évolue, nos chemins changent et, parfois, s'éloignent. À cause du temps qu'on consacre au travail, aux enfants et à la vie de couple, on recherche davantage la qualité que la quantité en amitié.» Un nouvel amoureux, la naissance d'un enfant, un boulot tout neuf, un déménagement, un tournant important dans nos valeurs: tous ces gros changements peuvent modifier notre réseau.
France, 47 ans, a vu une amitié vieille de 20 ans s'étioler lorsque sa copine a décidé d'adopter la simplicité volontaire et de s'établir à la campagne, il y a 2 ans. «Cet éloignement physique a coïncidé avec la distance qui s'est installée entre nous. Le travail occupe encore une grande place dans ma vie, alors on n'avance plus au même rythme. On se voit encore de temps à autre, mais je me sens critiquée par son regard. J'imagine qu'elle aussi se sent comme ça.»Un geste pas toujours facile...
Qu'on ait partagé une complicité du tonnerre ou que nos rapports n'aient été qu'une suite de rencontres au café du coin, on hésite habituellement à couper les ponts. Mais si une relation ne nous apporte plus rien, qu'on n'a plus grand-chose à se dire, pourquoi veut-on éviter la rupture? Parce que rompre avec une personne, c'est parfois aussi se couper d'un cercle d'amis dont elle fait partie. Parce que ça peut aussi impliquer le renoncement aux activités qu'on faisait ensemble et qui nous plaisaient. Mais, surtout, «parce qu'une peine d'amitié, ça peut faire aussi mal, sinon plus, qu'une peine d'amour», répond Simone, 48 ans, qui a perdu quelques amitiés au fil des ans. Elle en a laissé quelques-unes derrière elle et a subi la perte de certaines autres.
Marie, 28 ans, a eu l'impression de dire adieu à une soeur lorsqu'elle a perdu Annie. De l'école secondaire jusqu'au début de la vingtaine, les deux jeunes filles étaient inséparables. Et puis Annie a eu un nouvel amoureux. «C'était un gars très contrôlant, raconte Marie, on ne s'entendait pas bien, lui et moi, mais Annie prenait toujours sa défense. Je suis déménagée à l'extérieur, alors on se voyait moins souvent. Graduellement, notre relation s'est diluée. J'ai réalisé que j'étais la seule à entretenir le lien. J'ai alors décidé de ne plus lui téléphoner... et je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. C'était une âme soeur, j'étais certaine qu'on serait toujours amies. J'ai eu une grosse déception.»
... mais qui vaut le coup
Par crainte de faire de la peine ou de causer tout un drame, on se force parfois à répondre aux invitations et à retourner les appels, même si le coeur n'y est plus. C'est ainsi que se sentait Patricia, 30 ans, à propos d'une amie de longue date. «Ce n'était pas une grande amie, mais on se connaissait depuis le secondaire, alors je n'osais pas agir. Quand on allait au restaurant ensemble, je voyais ça comme de l'argent gaspillé! C'est dire à quel point c'était lourd pour moi.» Lorsque Patricia a reçu l'invitation au mariage de cette copine, elle a réalisé qu'il tombait le même jour que celui d'un couple d'amis. «J'avais décidé d'aller à sa cérémonie pour ensuite filer au souper de l'autre mariage, mais elle ne l'a pas pris. J'ai compris que nous n'avions pas la même vision de notre relation. Je lui ai donc dit la vérité: notre amitié n'était plus suffisamment importante pour que je la poursuive.»Même si ce n'est pas facile, à tout prendre, les bénéfices de faire consciemment le ménage de nos amitiés l'emportent largement sur les pertes. «Le principal avantage, c'est qu'on cesse d'être contaminée par ces gens-là. On ne se fait plus siphonner temps et énergie. On est la grande perdante dans une amitié lourde à entretenir à laquelle on n'a pas le courage de mettre fin», souligne la psychologue Brigitte Hénault.
En laissant les relations boiteuses derrière nous, on peut davantage se consacrer aux amitiés auxquelles on tient. On se sent aussi plus légère puisqu'on n'a plus à faire semblant. Quand on mise sur la transparence, la situation a le mérite d'être claire.
Cependant, il n'est pas toujours nécessaire de créer de grands remous pour une amitié de moindre importance. Dans ces cas-là, on peut plutôt choisir de s'éloigner un peu, sans carrément dire adieu. «Sans complètement les renier, je n'ai jamais eu de difficulté à me détacher des gens qui ne me convenaient plus, explique Patricia. J'ai appris à moduler mes attentes. J'ai des amies avec qui j'aime discuter, d'autres avec lesquelles j'aime sortir. Il y en a certaines que j'ai décidé de garder dans ma vie, mais que je vois moins souvent qu'auparavant parce que nos préoccupations ne sont pas les mêmes.» «Être authentique et faire des choix conséquents avec ce qu'on ressent profondément engendre une fierté de soi. Par ricochet, on risque d'attirer des gens honnêtes et intègres», ajoute Brigitte Hénault.Décider de tirer un trait
Quand l'éloignement ne se fait pas de lui-même, il faut décider si on met fin ou non à une amitié qui ne nous convient plus. À moins d'un conflit insoluble, la décision est rarement facile à prendre. Comment savoir qu'on ne se trompe pas? L'impression que la relation tourne en rond, le sentiment d'étouffer, le goût de se défiler chaque fois qu'on est supposée voir une amie, voilà des indices qui devraient nous mettre la puce à l'oreille. «On n'a qu'à se mettre à l'écoute des émotions qui viennent lorsqu'on pense à une copine, suggère Jalène Allard. Si on ressent un malaise, ça signifie quelque chose. On peut aussi se demander si on a envie de cette relation. L'amitié est tissée de respect, de partage, d'échange. Lorsqu'on se met à compter les fois où on appelle ou qu'on a le sentiment d'être obligée de faire des activités avec quelqu'un, il y a un problème.»
Si on décide de tirer un trait sur une relation, on a le choix de l'exprimer clairement - par écrit ou verbalement - ou de se montrer indisponible jusqu'à ce que l'autre saisisse le message. «Je vois fréquemment des gens qui décident de laisser les choses aller, dit Brigitte Hénault. Ils laissent mourir la relation, sans dire à l'autre qu'ils ne souhaitent plus son amitié. Souvent, par peur de blesser ou de susciter de la colère; parfois par crainte des conséquences de cette coupure ou du jugement d'autrui.» Le psychologue Georges-Henri Arenstein illustre la situation en parlant d'un jardin dans lequel on trouve des fruits, des légumes... et des mauvaises herbes. En désherbant un peu, on permet au reste du jardin de mieux s'épanouir. «Souvent, les gens ont déjà fait le ménage dans leur tête, mais ils n'osent pas l'avouer aux personnes concernées, explique-t-il. Ils pensent que ça ne se fait pas. Je suis de ceux qui croient que cette démarche est nécessaire, même si elle est très difficile.»
Tout réside dans la façon de faire les choses. Certaines manières de dire sont délicates, d'autres ont l'effet d'une gifle. «J'ai une amie qui, au bout de 10 ans, m'a rayée de sa liste sans ménagement, raconte Simone. Je n'ai rien vu venir, et mon amie n'a pas mis de gants blancs. Elle m'a dit des choses comme: "Tu sais, même tes cadeaux, c'était une corvée de les acheter." C'est très blessant d'entendre ça. C'est comme si elle avait renié toutes ces années pendant lesquelles nous avons été amies. J'ai eu beaucoup de peine et je n'ai jamais su pourquoi elle avait pris cette décision.» Depuis, 12 ans ont passé. Simone s'en est remise. Elle-même se permet d'être plus sélective. «Je suis très fidèle en amitié. Mais lorsque des personnes de mon entourage se montrent trop envahissantes, je donne moins de nouvelles, je prends mes distances. Pour moi, ça fonctionne bien.»Quand il faut le dire
Il arrive cependant qu'on veuille passer un message plus clair, soit parce que l'autre n'a pas saisi les signaux qu'on lui faisait en ne retournant jamais ses appels, soit parce que cette personne était importante pour nous et qu'on veut lui faire le moins de peine possible. «Le mieux, c'est de parler à l'autre avec honnêteté, sincérité et diplomatie», pense Brigitte Hénault. Pour éviter les impairs, on gagne à faire d'abord le ménage en soi, à méditer sur les raisons qui nous poussent à mettre un terme à cette relation. Après, on est davantage en mesure de les exprimer à la personne concernée sans être envahie d'une colère stérile, fait valoir la psychologue Julie Madelein. «Ça peut être une bonne idée d'aller d'abord "ventiler" auprès d'une tierce personne, souligne-t-elle. Et lorsqu'on se décide à vider notre sac devant l'amie qu'on laisse derrière, il est préférable d'employer le "je". On s'approprie ainsi ce qu'on vit, on parle de nos propres émotions sans accuser l'autre. C'est moins menaçant.»
Il reste que, même avec les meilleures intentions du monde, on peut faire des dégâts. Notre annonce risque de heurter l'autre; et ça, on n'y peut rien. «Ceux dont l'estime de soi est fragile ou qui ont des difficultés d'attachement peuvent se dire qu'ils ne valent rien, que tout le monde les laisse tomber», explique Steve Audet, travailleur social. D'autres prendront la rupture de façon très personnelle, comme une attaque. «La personne laissée peut passer à travers toutes les émotions du deuil. Elle ressent ça plus ou moins intensément. Tout dépend de ce qu'elle a vécu auparavant et de l'importance qu'elle accordait à notre amitié», mentionne Jalène Allard, qui suggère de se montrer empathique si on éprouve sincèrement ce sentiment. «Il faut rester authentique. On ne gagne rien à simuler des émotions.»
Et les autres?
Une fois la page tournée, restent les relations qu'on veut conserver. Si, sans mettre le lien d'amitié en danger, elles comportent certains irritants, mieux vaut en parler franchement pour éviter que ça ne dégénère. «Un problème dont on ne parle pas finit par créer plus de difficultés à cause du malaise qui, inévitablement, s'installe», croit Steve Audet. Et si on n'a que de bons mots à l'endroit des amis qu'on conserve, on saisit l'occasion pour leur manifester notre appréciation. «Je crois qu'il faut dire aux gens qu'on aime qu'on les aime et qu'on voudrait les voir plus souvent, dit Georges-Henri Arenstein. Parfois, on tient pour acquis qu'ils le savent. C'est peut-être le cas, mais c'est tellement agréable de l'entendre!»
Ce processus est tout à fait normal, confirme la psychologue Jalène Allard. «On a généralement beaucoup d'amis au début de l'âge adulte. On fait beaucoup d'activités ensemble. Puis, les choses se modifient. En vieillissant, un élagage naturel s'opère dans nos amitiés. On évolue, nos chemins changent et, parfois, s'éloignent. À cause du temps qu'on consacre au travail, aux enfants et à la vie de couple, on recherche davantage la qualité que la quantité en amitié.» Un nouvel amoureux, la naissance d'un enfant, un boulot tout neuf, un déménagement, un tournant important dans nos valeurs: tous ces gros changements peuvent modifier notre réseau.
France, 47 ans, a vu une amitié vieille de 20 ans s'étioler lorsque sa copine a décidé d'adopter la simplicité volontaire et de s'établir à la campagne, il y a 2 ans. «Cet éloignement physique a coïncidé avec la distance qui s'est installée entre nous. Le travail occupe encore une grande place dans ma vie, alors on n'avance plus au même rythme. On se voit encore de temps à autre, mais je me sens critiquée par son regard. J'imagine qu'elle aussi se sent comme ça.»Un geste pas toujours facile...
Qu'on ait partagé une complicité du tonnerre ou que nos rapports n'aient été qu'une suite de rencontres au café du coin, on hésite habituellement à couper les ponts. Mais si une relation ne nous apporte plus rien, qu'on n'a plus grand-chose à se dire, pourquoi veut-on éviter la rupture? Parce que rompre avec une personne, c'est parfois aussi se couper d'un cercle d'amis dont elle fait partie. Parce que ça peut aussi impliquer le renoncement aux activités qu'on faisait ensemble et qui nous plaisaient. Mais, surtout, «parce qu'une peine d'amitié, ça peut faire aussi mal, sinon plus, qu'une peine d'amour», répond Simone, 48 ans, qui a perdu quelques amitiés au fil des ans. Elle en a laissé quelques-unes derrière elle et a subi la perte de certaines autres.
Marie, 28 ans, a eu l'impression de dire adieu à une soeur lorsqu'elle a perdu Annie. De l'école secondaire jusqu'au début de la vingtaine, les deux jeunes filles étaient inséparables. Et puis Annie a eu un nouvel amoureux. «C'était un gars très contrôlant, raconte Marie, on ne s'entendait pas bien, lui et moi, mais Annie prenait toujours sa défense. Je suis déménagée à l'extérieur, alors on se voyait moins souvent. Graduellement, notre relation s'est diluée. J'ai réalisé que j'étais la seule à entretenir le lien. J'ai alors décidé de ne plus lui téléphoner... et je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. C'était une âme soeur, j'étais certaine qu'on serait toujours amies. J'ai eu une grosse déception.»
... mais qui vaut le coup
Par crainte de faire de la peine ou de causer tout un drame, on se force parfois à répondre aux invitations et à retourner les appels, même si le coeur n'y est plus. C'est ainsi que se sentait Patricia, 30 ans, à propos d'une amie de longue date. «Ce n'était pas une grande amie, mais on se connaissait depuis le secondaire, alors je n'osais pas agir. Quand on allait au restaurant ensemble, je voyais ça comme de l'argent gaspillé! C'est dire à quel point c'était lourd pour moi.» Lorsque Patricia a reçu l'invitation au mariage de cette copine, elle a réalisé qu'il tombait le même jour que celui d'un couple d'amis. «J'avais décidé d'aller à sa cérémonie pour ensuite filer au souper de l'autre mariage, mais elle ne l'a pas pris. J'ai compris que nous n'avions pas la même vision de notre relation. Je lui ai donc dit la vérité: notre amitié n'était plus suffisamment importante pour que je la poursuive.»Même si ce n'est pas facile, à tout prendre, les bénéfices de faire consciemment le ménage de nos amitiés l'emportent largement sur les pertes. «Le principal avantage, c'est qu'on cesse d'être contaminée par ces gens-là. On ne se fait plus siphonner temps et énergie. On est la grande perdante dans une amitié lourde à entretenir à laquelle on n'a pas le courage de mettre fin», souligne la psychologue Brigitte Hénault.
En laissant les relations boiteuses derrière nous, on peut davantage se consacrer aux amitiés auxquelles on tient. On se sent aussi plus légère puisqu'on n'a plus à faire semblant. Quand on mise sur la transparence, la situation a le mérite d'être claire.
Cependant, il n'est pas toujours nécessaire de créer de grands remous pour une amitié de moindre importance. Dans ces cas-là, on peut plutôt choisir de s'éloigner un peu, sans carrément dire adieu. «Sans complètement les renier, je n'ai jamais eu de difficulté à me détacher des gens qui ne me convenaient plus, explique Patricia. J'ai appris à moduler mes attentes. J'ai des amies avec qui j'aime discuter, d'autres avec lesquelles j'aime sortir. Il y en a certaines que j'ai décidé de garder dans ma vie, mais que je vois moins souvent qu'auparavant parce que nos préoccupations ne sont pas les mêmes.» «Être authentique et faire des choix conséquents avec ce qu'on ressent profondément engendre une fierté de soi. Par ricochet, on risque d'attirer des gens honnêtes et intègres», ajoute Brigitte Hénault.Décider de tirer un trait
Quand l'éloignement ne se fait pas de lui-même, il faut décider si on met fin ou non à une amitié qui ne nous convient plus. À moins d'un conflit insoluble, la décision est rarement facile à prendre. Comment savoir qu'on ne se trompe pas? L'impression que la relation tourne en rond, le sentiment d'étouffer, le goût de se défiler chaque fois qu'on est supposée voir une amie, voilà des indices qui devraient nous mettre la puce à l'oreille. «On n'a qu'à se mettre à l'écoute des émotions qui viennent lorsqu'on pense à une copine, suggère Jalène Allard. Si on ressent un malaise, ça signifie quelque chose. On peut aussi se demander si on a envie de cette relation. L'amitié est tissée de respect, de partage, d'échange. Lorsqu'on se met à compter les fois où on appelle ou qu'on a le sentiment d'être obligée de faire des activités avec quelqu'un, il y a un problème.»
Si on décide de tirer un trait sur une relation, on a le choix de l'exprimer clairement - par écrit ou verbalement - ou de se montrer indisponible jusqu'à ce que l'autre saisisse le message. «Je vois fréquemment des gens qui décident de laisser les choses aller, dit Brigitte Hénault. Ils laissent mourir la relation, sans dire à l'autre qu'ils ne souhaitent plus son amitié. Souvent, par peur de blesser ou de susciter de la colère; parfois par crainte des conséquences de cette coupure ou du jugement d'autrui.» Le psychologue Georges-Henri Arenstein illustre la situation en parlant d'un jardin dans lequel on trouve des fruits, des légumes... et des mauvaises herbes. En désherbant un peu, on permet au reste du jardin de mieux s'épanouir. «Souvent, les gens ont déjà fait le ménage dans leur tête, mais ils n'osent pas l'avouer aux personnes concernées, explique-t-il. Ils pensent que ça ne se fait pas. Je suis de ceux qui croient que cette démarche est nécessaire, même si elle est très difficile.»
Tout réside dans la façon de faire les choses. Certaines manières de dire sont délicates, d'autres ont l'effet d'une gifle. «J'ai une amie qui, au bout de 10 ans, m'a rayée de sa liste sans ménagement, raconte Simone. Je n'ai rien vu venir, et mon amie n'a pas mis de gants blancs. Elle m'a dit des choses comme: "Tu sais, même tes cadeaux, c'était une corvée de les acheter." C'est très blessant d'entendre ça. C'est comme si elle avait renié toutes ces années pendant lesquelles nous avons été amies. J'ai eu beaucoup de peine et je n'ai jamais su pourquoi elle avait pris cette décision.» Depuis, 12 ans ont passé. Simone s'en est remise. Elle-même se permet d'être plus sélective. «Je suis très fidèle en amitié. Mais lorsque des personnes de mon entourage se montrent trop envahissantes, je donne moins de nouvelles, je prends mes distances. Pour moi, ça fonctionne bien.»Quand il faut le dire
Il arrive cependant qu'on veuille passer un message plus clair, soit parce que l'autre n'a pas saisi les signaux qu'on lui faisait en ne retournant jamais ses appels, soit parce que cette personne était importante pour nous et qu'on veut lui faire le moins de peine possible. «Le mieux, c'est de parler à l'autre avec honnêteté, sincérité et diplomatie», pense Brigitte Hénault. Pour éviter les impairs, on gagne à faire d'abord le ménage en soi, à méditer sur les raisons qui nous poussent à mettre un terme à cette relation. Après, on est davantage en mesure de les exprimer à la personne concernée sans être envahie d'une colère stérile, fait valoir la psychologue Julie Madelein. «Ça peut être une bonne idée d'aller d'abord "ventiler" auprès d'une tierce personne, souligne-t-elle. Et lorsqu'on se décide à vider notre sac devant l'amie qu'on laisse derrière, il est préférable d'employer le "je". On s'approprie ainsi ce qu'on vit, on parle de nos propres émotions sans accuser l'autre. C'est moins menaçant.»
Il reste que, même avec les meilleures intentions du monde, on peut faire des dégâts. Notre annonce risque de heurter l'autre; et ça, on n'y peut rien. «Ceux dont l'estime de soi est fragile ou qui ont des difficultés d'attachement peuvent se dire qu'ils ne valent rien, que tout le monde les laisse tomber», explique Steve Audet, travailleur social. D'autres prendront la rupture de façon très personnelle, comme une attaque. «La personne laissée peut passer à travers toutes les émotions du deuil. Elle ressent ça plus ou moins intensément. Tout dépend de ce qu'elle a vécu auparavant et de l'importance qu'elle accordait à notre amitié», mentionne Jalène Allard, qui suggère de se montrer empathique si on éprouve sincèrement ce sentiment. «Il faut rester authentique. On ne gagne rien à simuler des émotions.»
Et les autres?
Une fois la page tournée, restent les relations qu'on veut conserver. Si, sans mettre le lien d'amitié en danger, elles comportent certains irritants, mieux vaut en parler franchement pour éviter que ça ne dégénère. «Un problème dont on ne parle pas finit par créer plus de difficultés à cause du malaise qui, inévitablement, s'installe», croit Steve Audet. Et si on n'a que de bons mots à l'endroit des amis qu'on conserve, on saisit l'occasion pour leur manifester notre appréciation. «Je crois qu'il faut dire aux gens qu'on aime qu'on les aime et qu'on voudrait les voir plus souvent, dit Georges-Henri Arenstein. Parfois, on tient pour acquis qu'ils le savent. C'est peut-être le cas, mais c'est tellement agréable de l'entendre!»