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Couple: se séparer ou non?
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Se disputer de temps en temps, bouder un peu... ça fait partie de la vie à deux. Mais quand les conflits se multiplient et que le malaise s’amplifie, une question finit par émerger dans notre esprit: partir ou rester?
«Ç'a pris du temps avant que je me décide à le quitter, raconte Sandra, 38 ans. Ça faisait 10 ans qu'on était ensemble, mais ça faisait au moins deux ou trois ans que l'idée de partir me travaillait.» Différences irréconciliables. Elle voulait voyager, voir le monde, additionner les nouvelles expériences. Il aimait rester à la maison, chérissait sa tranquillité, son cocon. «J'ai souvent essayé de lui en parler, dit Sandra. Parfois, sur le coup, les choses semblaient s'arranger, mais ça ne durait jamais.»
L'incompatibilité des partenaires serait l'une des principales causes de rupture, selon un sondage mené auprès de psychologues québécois en 2007. Les valeurs, les projets, les intérêts de l'un et de l'autre qui changent au fil du temps... Le psychologue François St-Père le confirme: la majorité des couples qui se séparent ne le font pas à la suite d'un traumatisme (infidélité, violence, alcoolisme, etc.), mais à cause de petites choses qui se sont accumulées avec les années: partage inéquitable des tâches ménagères, mésententes à propos de l'éducation des enfants, manque d'intimité ou de projets communs, etc. «C'est une usure à long terme, soutient le spécialiste. Elle est causée, aussi, par l'interprétation de ce que l'autre fait ou dit, ne fait pas ou ne dit pas...»
Se séparer ou non... on ne sait plus!
«Quand ça fait mille fois que tu répètes à ton conjoint que tu aimerais qu'il participe aux devoirs des enfants ou simplement qu'il cesse de laisser traîner ses vêtements par terre et qu'il ne semble pas entendre, tu finis inévitablement par te demander s'il ne se fiche pas carrément de toi!» lance Anne-Sophie. C'est une accumulation de «niaiseries» de ce genre qui a poussé cette femme de 44 ans à envisager sérieusement la séparation, il y a deux ans environ, après sept ans de vie commune. Aujourd'hui? Simon et elle sont toujours ensemble et sont même devenus parents d'une petite fille. «On est passés à un cheveu de se séparer, dit Anne-Sophie. Mais ce n'était pas ce que je souhaitais. Je l'aimais, je voulais que ça marche, et lui aussi. On s'est donc arrangés pour que ce soit le cas.»
Pour la psychologue Marie-Hélène Simard, quand rien ne va plus, le premier indice qui nous indiquera si le cœur de notre couple bat toujours, c'est la motivation des deux partenaires à vouloir qu'il batte, ce cœur. «Un couple ne survivra pas si un seul des deux est prêt à y mettre de l'énergie», dit-elle. Pour Anne-Sophie et Simon, cela s'est fait peu à peu, grâce à de petites attentions quotidiennes, des conversations plus fréquentes, et beaucoup d'écoute. «Un jour, je suis arrivée à la maison après une grosse journée au bureau... La vaisselle traînait sur le comptoir, des vêtements sales jonchaient le sol de la salle de bains et Simon était devant l'ordinateur. Je lui ai dit "Simon, je t'aime, mais si quelque chose ne change pas, notre couple ne tiendra pas." Là, j'ai eu le sentiment qu'il avait vraiment commencé à m'écouter.» L'écoute est essentielle à la survie et à la santé du couple: «Pour que ça marche, on doit accueillir ce que l'autre dit et ressent; s'il y a du mépris entre les partenaires, la rupture est plus proche que le rétablissement de la relation», dit Marie-Hélène Simard. Si le respect, la communication, la tendresse et le plaisir ont pris la porte, il y a de fortes chances qu'on en fasse autant.
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C'est ce que Sylvie, 41 ans, a fait il y a un an. «Ç'a été vraiment difficile, dit cette maman de deux enfants de 8 et 10 ans. J'ai longtemps repoussé ma décision, parce que j'avais peur de l'impact que ça aurait sur mes enfants, j'avais peur de manquer d'argent et j'avais peur de me retrouver seule.» Pendant environ trois ans, Sylvie a donc ravalé sa peine devant un conjoint qu'elle trouvait de plus en plus froid, distant, absent... «Il travaillait beaucoup et faisait beaucoup d'argent, mais il n'était jamais là. Je lui ai signifié à quelques reprises que j'aimerais qu'on fasse plus de choses ensemble, qu'il me manquait. Il me répondait qu'il travaillait pour nous, pour notre famille. Je me sentais aussitôt coupable de lui faire des reproches.» Puis, un jour, après un regard échangé avec un inconnu, Sylvie a été complètement subjuguée, surprise d'être l'objet de tant d'attention, et d'être désirée et écoutée. «Ça n'a été qu'une aventure et, en 15 ans de mariage, c'était la première fois que ça m'arrivait, confie-t-elle. Mais ça m'a fait un tel effet! J'ai compris que je n'avais pas à endurer la froideur de mon mari et que j'avais encore tellement à offrir, à vivre et à ressentir.» Elle a avoué son incartade à son mari. Il aurait accepté de passer outre. Pas elle.
Notre bonheur avant tout?
Psychothérapeute à New York, Alan Bernstein est également coauteur de Partir ou rester: l'art de prendre la bonne décision dans la vie, en amour et au travail. Pour lui, il est tout à fait légitime que nos décisions soient fondées sur notre recherche du bonheur. «Il n'y a aucune raison de rester avec une personne avec qui on est malheureuse, dit-il. Mais il importe de comprendre pourquoi le bonheur n'est pas au rendez-vous avec cette personne et si le problème ne vient pas d'abord de soi.» «Je me suis posé la question, à savoir si mes attentes étaient trop grandes, dit Sandra. Si je n'allais pas reproduire la même situation avec le prochain. La décision de se séparer, surtout après 10 années passées ensemble, ne doit pas être prise à la légère, sur un coup de tête, sinon il y a le risque d'un pattern se répétant indéfiniment.» Après deux ans de célibat, la jeune femme n'a pas de regrets. Elle a pris la bonne décision. «La perspective de me retrouver célibataire m'enchantait vraiment, dit-elle. Rien ne me retenait plus de vivre les expériences que je voulais vivre. La liberté, quoi!»
«Quand on envisage de quitter notre conjoint, on doit déjà viser un autre objectif ou simplement avoir une projection plus positive de ce qui nous attend, dit Alan Bernstein. Sinon, on risque de la ruminer longtemps, cette
rupture.» En somme, pour une rupture sans trop d'amertume, s'imaginer plus heureuse après est essentiel. Cela n'évitera pas les écueils et les larmes de la séparation, mais l'espoir d'un bonheur meilleur nous fournira bien souvent le carburant nécessaire pour passer à l'acte. D'ailleurs, selon un sondage Léger Marketing-Le Devoir publié en 2008, 65% des Québécois ne croient pas qu'il est important d'être en couple pour réussir sa vie. «Bien sûr, on n'est plus
en couple par obligation sociale ou financière, dit Marie-Hélène Simard. C'est correct d'avoir à cœur son bien-être. Mais on doit aussi ne pas se replier sur son nombril et se demander: "Et moi, quelle est ma part de responsabilité dans cette situation? Si lui ne me donne plus ce dont j'ai besoin, est-ce que j'ai su, moi, lui donner ce dont il avait besoin?"»
Pour toujours, mon amour
Il y a cinq ans, le couple que formaient Marie-Ève et Éric était au bord du précipice. Parents de deux jeunes enfants et ayant chacun une carrière exigeante, ils souffraient d'un manque de sommeil et de leur rythme d'enfer. «Je m'étais enfermée dans ma bulle sans m'en rendre compte, dit Marie-Ève. Toute mon énergie était consumée par mon travail et mes enfants. J'avais oublié mon couple.» Il était au bord du précipice. Il aura fallu qu'Éric sonne l'alarme pour que la femme, alors âgée de 41 ans, en prenne conscience. «Mon conjoint n'était plus heureux, et je ne m'en étais même pas rendu
compte!» se désole-t-elle. Alors qu'elle repoussait ses avances pour la énième fois, Éric lui avait demandé: «M'aimes-tu encore, vraiment?» Marie-Ève a alors bêtement réalisé qu'elle ne s'était pas posé la question depuis des lustres, qu'elle avait tenu son amoureux pour acquis. Ils se sont parlé. Beaucoup et souvent. Ils ont pris des vacances, fait garder les enfants plus fréquemment et se sont dit qu'eux, c'était pour toujours.
«Le meilleur indicateur pour savoir si un couple sera ensemble longtemps ou non, ce n'est pas le nombre de conflits qu'ils ont, mais la façon dont ils les résolvent», assure Marie-Hélène Simard. De même, mettre de l'eau dans son vin est une chose que les deux conjoints doivent faire. Surtout si on se fie à l'étude du mathématicien et psychologue américain John Gottman, parue dans son livre The Seven Principles for Making Marriage Work, sorti en 2000. Selon cette dernière, 69% des conflits dans un couple seraient insolubles. L'éducation des enfants, la répartition des tâches ménagères, la séparation entre vie professionnelle et vie personnelle, la sexualité, l'attitude face à l'argent et les relations avec la belle-famille... «J'ai des amies qui sont heureuses dans les relations éphémères et même les aventures d'un soir, et c'est OK, dit Anne-Sophie. Je pense que tout dépend de là où tu en es rendue dans la vie et de ce que tu veux.» Elle, elle a souhaité bâtir quelque chose avec son amoureux. Une famille, notamment, mais aussi plusieurs projets. «On veut déménager à la campagne et se bâtir une maison», évoque-t-elle. «Une chose est certaine: le couple est une expérience infiniment riche et intéressante, qui doit le rester!» dit Alan Bernstein. Sinon, l'autre possibilité peut l'être tout autant. Tout dépend de nous.
Pour aller plus loin
- Partir ou rester: l'art de prendre la bonne décision dans la vie, en amour et au travail, Alan Bernstein et Peg Streep, Éditions de l'Homme, 2015, 28,95$.
- Le burnout amoureux, François St-Père, Éditions de l'Homme, 2015, 24,95$.
- L'amour en zone de turbulences, Randi Gunther, Éditions de l'Homme, 2013, 26,95$.
- La rupture amoureuse, Marcel Bernier et Marie-Hélène Simard, Éditions Eyrolles, 2011, 29,95$.