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Couple: les deuxièmes unions sont-elles meilleures?

Couple: les deuxièmes unions sont-elles meilleures?

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Après une rupture, plutôt que de mettre une croix sur l’amour, on replonge. Aime-t-on mieux lorsqu’on aime une deuxième fois?

Deux mariages et deux divorces. Trois enfants. Julien, un entrepreneur de 51 ans de Québec, n'a pas réussi sa deuxième union. Aujourd'hui, il n'est pas prêt à s'engager à nouveau. «J'ai besoin de temps, dit-il, songeur. Mes relations n'ont pas fonctionné parce que j'ai refait les mêmes erreurs, j'ai reproduit les mêmes modèles.» L'amour, une seconde fois, est-ce possible? Est-ce que c'est, selon ce qu'en disent plusieurs, encore mieux que la première fois? Peut-on vivre une nouvelle union de façon sereine, heureuse et, surtout, durable?

Au Québec, depuis la fin des années 1980, environ un mariage sur deux se termine par un divorce, selon l'Institut de la statistique du Québec (2011). Et un(e) divorcé(e) sur quatre se remarie. Ces chiffres ne tiennent pas compte des couples en union libre, même s'il s'agit là du mode de vie privilégié des couples québécois (avec un taux de 37%, comparativement à 14% dans le reste du Canada).

Audrey Beaulac, sexologue et psychothérapeute, est engagée dans une troisième relation et attend son premier enfant. Elle croit qu'une meilleure connaissance de soi est l'une des clés de la réussite pour les couples dans une deuxième union. «En avançant en âge, la sagesse s'installe, indique-t-elle. On se connaît mieux et on fait de meilleurs choix de partenaires.» Après 15 années de mariage, Renée, une coordonnatrice en milieu médical de 48 ans, s'est retrouvée seule avec deux garçons de 9 et 10 ans. «Je ne savais pas ce que je voulais chez un homme, avoue-t-elle, mais je savais très bien ce que je ne voulais plus!»

La médecin et psychanalyste française Fabienne Kraemer, auteure de Solo, No Solo: Quel avenir pour l'amour?, croit que le temps et l'expérience jouent un rôle important dans les unions amoureuses. «Je ne sais pas si une deuxième union est meilleure, reconnaît-elle d'emblée, mais je pense que, plus on vieillit, mieux on aime. On accorde plus de valeur à l'amour. On a traversé des épreuves. Et, forcément, si l'on est dans une deuxième union, celle-ci en tirera des bénéfices.»

Profiter des erreurs du passé

Les erreurs du passé ont aidé Julie, une productrice de 39 ans, à bâtir sa nouvelle relation amoureuse sur de bonnes bases. La mère de deux enfants considère que, entre ses deux relations, elle a beaucoup grandi. «Je m'accepte mieux et me respecte plus, donc j'accepte et respecte plus l'autre, révèlet- elle. Je ne mets plus mon bonheur entre les mains de l'autre.» Nicole, 36 ans, est du même avis. La mère de quatre enfants s'est remise en couple avec le père de ses enfants après une séparation d'un an. «Nous avons tous deux travaillé sur nous-mêmes», raconte-t-elle au bout du fil, par-dessus le joyeux chaos de rires et de discussions de sa marmaille. «Avant, je mettais trop l'accent sur ce qui nous divisait; aujourd'hui, je vois les efforts qu'il fait.»

Là où la première union a connu des ratés, les partenaires tenteront d'y remédier à la deuxième relation. Le psychologue et auteur Yvon Dallaire considère que tous les couples ont à faire face à de la pression et à des situations conflictuelles. «Les couples heureux se mettent d'accord sur les désaccords qu'ils auront à vie», résume M. Dallaire, 68 ans, lui-même divorcé à deux reprises et maintenant en couple depuis... 33 ans.

Pour André, un ingénieur de 41 ans, la communication a été un point crucial. À 22 ans, il a épousé sa flamme de jeunesse. Ils ont eu deux enfants et ont tenu bon, pendant 15 ans. Divorcé, il est aujourd'hui à nouveau en couple... et berce un bébé de six mois. «Quand quelque chose m'achale, j'en parle, raconte-t-il. J'emmagasine moins. Parfois, ça demande un effort supplémentaire... que je ne faisais pas toujours durant ma première relation.» Du même souffle, il précise qu'il tient davantage à son indépendance. «Nous sommes tous deux plus autonomes, plus ouverts, mieux organisés, affirme-t-il, en parlant de son couple actuel. Je pense que je suis plus aguerri et plus proactif.»

Construire un amour plus solide

Fabienne Kraemer ne croit pas à l'état amoureux, ce tourbillon passionnel au sein duquel les pulsions et l'urgence prennent beaucoup de place; elle parie sur une relation durable dans laquelle les deux individus prendront soin l'un de l'autre. «En anglais, on dit care, explique-t-elle. J'en ai fait un acronyme: Complicité, Amour, Respect, Engagement. Lorsqu'on est prêt à assumer ces quatre piliers de l'amour, on a plus de chances de vivre une relation d'amour vraie... et durable.»

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C'est ce qui est arrivé à Ginette. Mariée à l'âge de 21 ans («Quelle gaffe!» s'esclaffe-t-elle), elle a rencontré, à 44 ans, son homme. «Je m'étais dit: "Plus jamais!" confie la coach en créativité de 59 ans. Et voilà que, un an après notre rencontre, non seulement nous étions mariés, mais j'avais aussi adopté le petit garçon qu'il venait d'adopter. Nous sommes heureux. Nous vivons en harmonie.» Elle avance que le rire, qui faisait défaut à ses relations précédentes, panse plusieurs travers du quotidien. «On rit de nos failles, sans blesser l'autre évidemment, mentionne-t-elle. L'humour est au coeur de notre couple. Je pense qu'il faut prôner l'humilité au lieu d'humilier l'autre.» La notion de caring prend une autre forme chez Nicole: elle parle de gentillesse, de tendresse, de générosité envers l'autre. «Au lieu d'être sur la défensive, je regarde mon conjoint avec plus de bienveillance. Et nous apprécions davantage notre quotidien, ensemble, tout simplement.»

Encore meilleur la deuxième fois?

À en croire Renée, Julie, André et les autres, rien de mieux qu'une deuxième union, donc. Vraiment? Pas d'amertume ni de regrets? Aucune retenue ou crainte à l'idée de replonger? La sexologue et psychothérapeute Audrey Beaulac maintient que l'étape de deuil, ou de reconstruction de soi, est essentielle si l'on veut repartir sur de nouvelles bases. «Il faut prendre le temps de cicatriser, de travailler sur soi, de se soumettre à de l'introspection, affirme-t-elle. Il faut se regarder franchement, avec ouverture.»

Simon, un relationniste de 45 ans, a récemment repris sa relation avec son ex. Ils ont formé un couple pendant cinq ans avant de se séparer. Quatre ans plus tard, les revoilà ensemble. «Dans notre cas, le temps a balayé pas mal d'affaires, souligne-t-il. Je suis plus lucide, plus ouvert. Du côté de ma carrière, je me sens plus confiant. Bref, je pense que je suis dans de meilleures dispositions.» Renée a pris une pause de trois ans avant de se mettre à chercher l'âme soeur sur un site de rencontre. Elle souhaitait faire le point, mieux comprendre les raisons de la rupture. Et revoir ses attentes. «Je ne les ai pas baissées, mais elles ont changé», spécifie-t-elle. Elle est en couple avec Gilles depuis cinq ans maintenant. «Il n'est pas question de changer l'autre mais, dans une deuxième union, tu mets cartes sur table dès le début de la relation.»

Selon Fabienne Kraemer, une femme cherche souvent «un bon père pour ses futurs enfants dans une première relation» puis, en vieillissant, elle cherche davantage «un compagnon de vie». Cela semble presque réducteur... et plutôt sombre. Elle nuance: «On peut rester avec le même individu toute sa vie, mais il faut alors que les deux personnes soient très intelligentes affectivement lorsqu'elles se rencontrent et qu'elles cheminent ensemble. C'est rare!»

Selon elle, la clé est de faire table rase du passé, tout en conservant les bons éléments de l'union précédente, ce qui n'est pas une mince affaire. Surtout quand des enfants sont mêlés à l'équation. Les enfants, les nôtres comme ceux du nouveau partenaire, on ne peut les effacer! «En amour, c'est plus facile de tenir le cap sans enfant, que l'on soit dans une première ou une deuxième union, déclare-telle sans ambages. Or, dans la deuxième relation, il faut faire de la place à ses enfants, en plus de trouver sa propre place face aux enfants de l'autre.» Il s'agit du défi le plus important pour les couples dans une deuxième union: la gestion du couple, de ses enfants, de la famille recomposée et de l'ex... Ainsi, faire table rase du passé est un conseil irréaliste si on a des enfants.

Concilier amour et famille

En partageant sa vie avec Gilles, père de deux préadolescents, Renée a dû s'ajuster. «Nous n'élevons pas nécessairement nos garçons de la même manière, laisse-t-elle tomber. Pour le moment, nous avons chacun nos enfants en garde partagée une semaine sur deux. Ça enlève beaucoup de pression sur notre couple.» Envisage-t-elle de vivre avec son amoureux? «Oui, mais si nous habitons ensemble un jour, ce sera lorsque nos enfants seront tous au cégep, stipule-t-elle. Nous avons statué à ce sujet assez tôt dans notre relation.»

Pour Simon, qui a renoué avec son ex-conjointe, calmer les angoisses de leur fille est le principal défi de ce nouveau départ. À huit ans, celle-ci avait toujours connu ses parents séparés. «On croyait qu'elle bondirait de joie, dit le père de famille. Mais c'est plus compliqué que ça...» Nicole a elle aussi connu des remous familiaux lors de la reprise de la relation. «L'un de mes garçons a démontré beaucoup d'agressivité, il était très hostile envers son père, relate-telle. Cela a ajouté de la tension au sein de la famille et du couple.»

Dans ces deux cas, le temps a bien arrangé les choses... Simon se marie cet automne avec son amoureuse, et Nicole a eu un quatrième enfant après ses retrouvailles avec son Jules. «Ç'a été une surprise, lance-t-elle en riant, mais j'étais très contente! Mon conjoint était un peu plus inquiet mais, finalement, tout se passe bien.»

Julien, quant à lui, n'a pas abandonné l'idée d'être en couple. Il admet qu'avec sa première et sa deuxième épouse ses attentes étaient très élevées. «Comme bien des gars, j'ai mis trop de pression sur mes conjointes... On veut des femmes parfaites, performantes dans leur carrière, dans la maternité, dans les sports et au lit!» s'exclame-t-il au bout du fil. Aujourd'hui, Julien, en pause sentimentale, essaie de profiter de son célibat. «Je rencontre plein de femmes, je vis des aventures, mais je suis détaché, avoue-t-il. Et cela ne me convient pas. Je pense que, fondamentalement, je suis un amoureux. J'y crois encore.»

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