Couple
Chéri, faut qu'on se parle... moins!
Ça fait des années que les spécialistes du couple nous le répètent: hors de la communication, point de salut! Pour préserver notre relation, il faut s'extérioriser, verbaliser, s'exprimer, se parler, s'expliquer, se mettre à nu... Plusieurs en viennent même à juger la santé de leur couple à la quantité de propos échangés avec leur conjoint. Or, cette injonction de tout se dire sert plutôt les femmes puisque ce sont généralement elles qui brûlent d'exprimer leurs émotions, de décrire leurs sentiments, de parler de ce qui ne va pas au bureau, de raconter ce qu'une telle a fait ce jour-là, etc., et qui, partant, ont plus de facilité à le faire. Mais la survie du couple passe-t-elle vraiment par ce dialogue ininterrompu, ce passage au confessionnal où chacun est constamment tenu de se mettre à table et de tout déballer?
Quand les mots sont rassurants
Danielle, 39 ans, était sous le choc le jour où son conjoint lui a lancé qu'elle l'étourdissait parfois avec ses questions et qu'elle devrait apprendre à se taire de temps à autre. Évidemment, elle s'est sentie blessée. «Sur le coup, j'ai pensé que je n'étais plus intéressante à ses yeux», explique Danielle. Son conjoint a vite fait de la rassurer. «J'avais tort, dit-elle. Il avait simplement besoin de silence, de recul. Je ne voyais pas que mes questions pouvaient l'agacer et qu'au lieu de faire en sorte qu'il s'ouvre à moi, elles l'incitaient à se refermer.»
Du coup, elle a réalisé que le récit détaillé de ses journées au bureau, les problèmes de santé de sa patronne ou les histoires de coeur de ses collègues n'intéressaient pas son partenaire et qu'il n'y prêtait de toute façon pas beaucoup d'attention. «Je sais que je parle beaucoup, et, jusqu'à ce qu'il me l'exprime, je n'avais pas pris en considération le besoin de silence, de tranquillité de mon conjoint», dit-elle.
Danielle fait partie de ces femmes qui aiment provoquer les discussions de couple, traquer la moindre émotion chez l'autre, débusquer les pensées derrière les silences, etc. «Ces questions peuvent simplement témoigner de l'intérêt qu'on porte à l'autre et à notre couple», commente Sylvie Tennenbaum, psychothérapeute et auteure de L'Art de s'aimer sans mots. Ce type de communication intense et nourrie est d'ailleurs typique des couples fusionnels, qui se font un devoir de tout partager et pour qui il est important que chaque événement de la vie de chacun soit vécu par l'un et par l'autre.
Pourquoi tant parler?
Si on est du genre inquisitrice, toujours à sonder les moindres recoins de la tête de notre homme, il est possible qu'on le fasse pour des raisons plus profondes et que toutes nos questions soient le signe d'un problème sous-jacent. «Il se peut qu'on manque de confiance en soi, au point d'avoir l'impression que l'autre nous échappera si on laisse le silence s'installer, note Sylvie Tennenbaum, psychothérapeute. Si le fait de se retrouver face à l'autre sans parler nous effraie, cela pourrait peut-être signifier qu'on craint d'affronter un vide dans notre couple.»
Le danger pour la relation, c'est que ce besoin de poser constamment des questions et de disséquer chaque situation peut devenir agressant pour l'autre. En effet, si certaines, comme Danielle, craignent le silence parce qu'il les fait douter des sentiments de l'autre à leur égard, d'autres apprécient son effet apaisant, qui leur permet de faire le vide et de reprendre leurs esprits après des journées bien souvent marquées par une surabondance de communication.Quand le silence est d'or
Mais le silence est aussi précieux en lui-même. «Lorsque nous faisons de la randonnée en montagne, mon conjoint et moi, raconte Marie-Claude, 41 ans, il arrive qu'on passe des heures sans se parler. Quand on arrive au sommet et qu'on admire le paysage ensemble sans dire un mot, je ressens une grande complicité entre nous.» De fait, le silence est souvent chargé de sens aux yeux des amoureux, leur donnant le sentiment qu'ils sont sur la même longueur d'onde et que les mots sont inutiles. Ne dit-on pas justement qu'un signe de la bonne qualité d'une relation, c'est lorsqu'on est bien avec l'autre, même dans le silence?
Selon la psychothérapeute Sylvie Tennenbaum, les couples qui laissent peu de place au silence auraient tout intérêt à se taire un peu plus souvent! «Cela leur permettrait, par exemple, de porter attention à tout ce qui constitue la communication non verbale - les gestes, les regards, les expressions, etc. - et ainsi, peut-être, de mieux se comprendre et de s'apprécier davantage. Parler ne signifie pas toujours communiquer, dit-elle. Et il est faux de croire que plus on parle, mieux se portera notre couple.» Notre experte croit que vouloir absolument tout dire, tout partager avec l'autre est parfois même le signe d'une relation qui s'essouffle. «C'est un peu comme si les partenaires, ou l'un des deux, n'avaient plus rien d'autre à quoi se raccrocher que les paroles, dit-elle. Plus de complicité, d'intimité. Comme si la seule présence de l'autre ne suffisait plus à nous satisfaire.» Dans ce cas, les silences sont souvent lourds et inconfortables. «Si le malaise persiste, souligne la psychologue Johanne Côté, on aurait avantage à analyser la situation plus avant.»
Karine ressent bien ce malaise, elle qui éprouve de la difficulté à gérer les silences de son partenaire. «Depuis quelques mois, je trouve les silences entre nous pesants, raconte la jeune femme de 27 ans. Je ressens ça depuis qu'il est revenu d'Alberta, où il a travaillé l'été dernier.» Elle sait habituellement apprivoiser le silence, mais elle a maintenant l'intuition que quelque chose cloche dans son couple. «J'ai le sentiment qu'on s'est éloignés et qu'on n'a plus rien à se dire.» Quand le silence devient malsain et dissimule un écueil, on doit le briser. «Les mots servent notamment à ça, à régler un problème, à éclaircir une situation», rappelle la psychologue.
Trouver l'équilibre?
Si le silence recèle de précieuses qualités, les mots n'en deviennent pas superflus pour autant. Anne-Sophie, 32 ans, s'est souvent fait reprocher par ses ex de ne pas parler assez. «Je pense que c'est dans ma nature de parler peu, dit-elle. Je suis plutôt introvertie et je ne m'exprime pas très bien verbalement.» Elle admet aussi avoir souvent eu le réflexe de se murer dans le silence lorsqu'un conflit s'esquissait. «J'ai dû faire un bout de chemin pour arriver à parler des choses importantes, de mes émotions, par exemple.»
Anne-Sophie a compris que trop de silence pouvait entraîner une certaine distance avec l'autre, ou même une difficulté à entrer en relation avec lui. «J'ai réalisé que je devais m'ouvrir un peu plus si je voulais créer une relation solide.» Ce qu'elle s'efforce d'ailleurs de faire depuis qu'elle est tombée amoureuse il y a près d'un an.
Danielle, pour sa part, a appris, pour le bien-être de son couple, à tenir davantage compte de la personnalité de son conjoint et à être plus à l'écoute de ses besoins et sentiments. Quant à Marie-Claude et son conjoint, ils ont établi certaines règles dans leur couple, par exemple de ne jamais faire la sourde oreille lorsque l'un d'eux ressent le besoin de parler. «C'est important, insiste-t-elle. Si l'un de nous a des choses à verbaliser, l'autre est toujours là pour lui, même s'il n'a pas trop envie de parler.» Et inversement, si l'un ou l'autre a besoin de silence, de tranquillité ou de recul, ils se le disent ouvertement. Une question de respect.
«Il faut bien comprendre que le silence ne constitue pas une menace pour le couple», rappelle la psychologue Johanne Côté. Ainsi, on ne ressentira plus systématiquement le besoin de le meubler et on aura plus de facilité à le dire lorsqu'on en aura besoin.Ils ont fait le test du silence
Ensemble depuis huit ans, Maxime et Julie sont les parents d'un garçon de trois ans. Dans leur entourage, ils sont reconnus comme un couple fusionnel: ils passent beaucoup de temps ensemble, s'appellent et s'envoient des courriels souvent durant la journée et ne ratent pas une occasion de jaser!
L'hiver dernier, pour cet article, ils ont accepté de passer une semaine sans communications inutiles: out les potins de bureau, les à-quoi-tu-penses?, les discussions qui ne mènent à rien, les appels téléphoniques sans but, etc. Comment chacun a vécu l'épreuve? Voici les deux versions.
La version de Julie
«Lundi. On commence la semaine bourrés de bonnes intentions. Le petit matin est parsemé de silences et de sourires en coin, et on arrive à se rendre jusqu'au boulot sans anicroches. C'est le retour qui pose problème... De mon côté. J'oublie totalement le pacte et je me lance dans un long monologue sur ce qui s'est passé au bureau dans la journée. Maxime se tourne vers, moi, le sourire zen, heureux d'être sauvé par «l'expérience». Je me tais...
«Mardi et mercredi. On a pris une bonne vitesse de croisière. Je réussis à me retenir chaque fois que l'envie me prend de lui demander à quoi il pense. Et je garde pour moi les petits commentaires sur la portion de macaroni (trop grosse) qu'il sert à notre fils et sur le silence (!) avec lequel il accueille ma nouvelle couleur de cheveux. Le bon côté: quand je parle, maintenant, je le sens beaucoup plus attentif.
«Jeudi. Après de quatre jours de silence quasi bénédictin, difficile de résister au small talk en cette journée de la Saint-Valentin! On dîne ensemble et on papote comme des ados! Ces petites discussions n'ont rien d'utile, mais elles me lient à mon homme dans une intimité fort agréable. À la fin de la journée, nous retournons au silence, complices.
«Vendredi. Cette dernière journée sans interactions non nécessaires me fait réaliser que je devrais donner plus d'importance à ce que je dis à mon homme dans notre vie de tous les jours. Je me rends compte que le temps que je gaspille en lui racontant, par exemple, qui portait quoi au boulot, je pourrais le passer silencieuse, mais vraiment présente à lui.»
La version de Maxime
«Quand on nous a proposé de participer à cette expérience, je me suis dit: "Quelle chance!" On m'offrait sur un plateau d'argent le rêve de bien des hommes: pouvoir limiter le trop-plein de paroles que déverse sur nous notre tendre moitié sans passer pour un sans-coeur. J'embarque!»
«Lundi et mardi. Ah! qu'il est agréable de ne pas avoir à se raconter nos journées! Je me passe volontiers de ses inquiétudes par rapport à son travail, du récit détaillé de la problématique du jour. Mais ce n'est pas facile pour elle, et je la prends en défaut à plusieurs reprises.
«Mercredi. Nous revenons du travail ensemble. Nous avons l'habitude de nous raconter nos journées. C'est le moment le plus difficile à meubler. Pour compenser, je réalise qu'on peut se complimenter, se dire des mots tendres. C'est une manière agréable de se rejoindre sans se communiquer le stress de nos journées.
«Jeudi. Je n'en peux plus! Je meurs d'envie d'entendre ses anecdotes de bureau. L'humour de ses collègues me manque. J'aurais aussi envie de lui parler d'une des mes collègues qu'elle connaît bien. Sommes-nous devenus trop puristes?
«Vendredi. Même si ce n'a pas été facile (surtout pour Julie), je pense que l'exercice a été bénéfique. Notre vie familiale nous demande déjà d'avoir bon nombre de discussions et négociations. Tout souci ou détail superflu que nous ne communiquons pas à notre partenaire laisse davantage de place pour le silence et la romance. Ça garde aussi notre partenaire dans un état plus réceptif quand vient le temps de discuter.»
Notre couple a réalisé que ce n'est pas évident de se taire, mais que le silence permet de réfléchir à la nécessité de nos paroles.5 façons de faire régner le silence dans notre couple
1. On s'accorde une heure par jour sans parler, que ce soit en préparant le souper ou après avoir couché les enfants. «Cela permettra de redonner de la valeur au simple fait d'être présents l'un à l'autre et nous rendra attentifs au non-verbal», explique Sylvie Tennenbaum.
2. On redécouvre une activité silencieuse qu'on aime bien faire ensemble: marcher, danser, jouer au tennis, faire un casse-tête, etc. En la regardant d'un autre oeil, il est probable qu'on en retirera des émotions nouvelles et un sentiment de complicité plus grand.
3. Avant de lui raconter notre centième potin de bureau (ou de lui dire ce qu'on pense vraiment de son meilleur copain), on se demande si ça va l'intéresser ou si cette information lui sera utile, suggère la psychologue et médiatrice familiale Micheline Dubé. À moins d'un oui clair, on garde ça pour nous.
4. Joanne Côté note que les couples ressassent souvent les mêmes sujets (tâches ménagères, belle-famille, problèmes d'argent, etc.) sans pour autant jamais régler la situation. S'il y a de tels sujets récurrents et non réglés dans notre couple, peut-être pourrait-on essayer de les aborder autrement: en cessant de récriminer contre l'autre, en l'écoutant davantage, en lisant entre les lignes, etc.
5. On apprend à décoder le langage non-verbal de l'autre. On trouve que notre homme ne nous dit pas «je t'aime» assez souvent? Et le sourire dans ses yeux quand il nous écoute raconter nos rêves de la nuit, ou la bouteille de vin qu'il est passé prendre en rentrant? Il fronce les sourcils et semble ailleurs? Un signe qu'il a besoin d'être seul. Et ainsi de suite....
Pour aller plus loin:
On lit
Les pouvoirs du silence, par John Lane, Belfond, 2008, 200 p., 34,95 $.
L'art de s'aimer sans mots, par Sylvie Tennenbaum, Albin Michel, 2003, 205 p., 24,95 $.
Quand les mots sont rassurants
Danielle, 39 ans, était sous le choc le jour où son conjoint lui a lancé qu'elle l'étourdissait parfois avec ses questions et qu'elle devrait apprendre à se taire de temps à autre. Évidemment, elle s'est sentie blessée. «Sur le coup, j'ai pensé que je n'étais plus intéressante à ses yeux», explique Danielle. Son conjoint a vite fait de la rassurer. «J'avais tort, dit-elle. Il avait simplement besoin de silence, de recul. Je ne voyais pas que mes questions pouvaient l'agacer et qu'au lieu de faire en sorte qu'il s'ouvre à moi, elles l'incitaient à se refermer.»
Du coup, elle a réalisé que le récit détaillé de ses journées au bureau, les problèmes de santé de sa patronne ou les histoires de coeur de ses collègues n'intéressaient pas son partenaire et qu'il n'y prêtait de toute façon pas beaucoup d'attention. «Je sais que je parle beaucoup, et, jusqu'à ce qu'il me l'exprime, je n'avais pas pris en considération le besoin de silence, de tranquillité de mon conjoint», dit-elle.
Danielle fait partie de ces femmes qui aiment provoquer les discussions de couple, traquer la moindre émotion chez l'autre, débusquer les pensées derrière les silences, etc. «Ces questions peuvent simplement témoigner de l'intérêt qu'on porte à l'autre et à notre couple», commente Sylvie Tennenbaum, psychothérapeute et auteure de L'Art de s'aimer sans mots. Ce type de communication intense et nourrie est d'ailleurs typique des couples fusionnels, qui se font un devoir de tout partager et pour qui il est important que chaque événement de la vie de chacun soit vécu par l'un et par l'autre.
Pourquoi tant parler?
Si on est du genre inquisitrice, toujours à sonder les moindres recoins de la tête de notre homme, il est possible qu'on le fasse pour des raisons plus profondes et que toutes nos questions soient le signe d'un problème sous-jacent. «Il se peut qu'on manque de confiance en soi, au point d'avoir l'impression que l'autre nous échappera si on laisse le silence s'installer, note Sylvie Tennenbaum, psychothérapeute. Si le fait de se retrouver face à l'autre sans parler nous effraie, cela pourrait peut-être signifier qu'on craint d'affronter un vide dans notre couple.»
Le danger pour la relation, c'est que ce besoin de poser constamment des questions et de disséquer chaque situation peut devenir agressant pour l'autre. En effet, si certaines, comme Danielle, craignent le silence parce qu'il les fait douter des sentiments de l'autre à leur égard, d'autres apprécient son effet apaisant, qui leur permet de faire le vide et de reprendre leurs esprits après des journées bien souvent marquées par une surabondance de communication.Quand le silence est d'or
Mais le silence est aussi précieux en lui-même. «Lorsque nous faisons de la randonnée en montagne, mon conjoint et moi, raconte Marie-Claude, 41 ans, il arrive qu'on passe des heures sans se parler. Quand on arrive au sommet et qu'on admire le paysage ensemble sans dire un mot, je ressens une grande complicité entre nous.» De fait, le silence est souvent chargé de sens aux yeux des amoureux, leur donnant le sentiment qu'ils sont sur la même longueur d'onde et que les mots sont inutiles. Ne dit-on pas justement qu'un signe de la bonne qualité d'une relation, c'est lorsqu'on est bien avec l'autre, même dans le silence?
Selon la psychothérapeute Sylvie Tennenbaum, les couples qui laissent peu de place au silence auraient tout intérêt à se taire un peu plus souvent! «Cela leur permettrait, par exemple, de porter attention à tout ce qui constitue la communication non verbale - les gestes, les regards, les expressions, etc. - et ainsi, peut-être, de mieux se comprendre et de s'apprécier davantage. Parler ne signifie pas toujours communiquer, dit-elle. Et il est faux de croire que plus on parle, mieux se portera notre couple.» Notre experte croit que vouloir absolument tout dire, tout partager avec l'autre est parfois même le signe d'une relation qui s'essouffle. «C'est un peu comme si les partenaires, ou l'un des deux, n'avaient plus rien d'autre à quoi se raccrocher que les paroles, dit-elle. Plus de complicité, d'intimité. Comme si la seule présence de l'autre ne suffisait plus à nous satisfaire.» Dans ce cas, les silences sont souvent lourds et inconfortables. «Si le malaise persiste, souligne la psychologue Johanne Côté, on aurait avantage à analyser la situation plus avant.»
Karine ressent bien ce malaise, elle qui éprouve de la difficulté à gérer les silences de son partenaire. «Depuis quelques mois, je trouve les silences entre nous pesants, raconte la jeune femme de 27 ans. Je ressens ça depuis qu'il est revenu d'Alberta, où il a travaillé l'été dernier.» Elle sait habituellement apprivoiser le silence, mais elle a maintenant l'intuition que quelque chose cloche dans son couple. «J'ai le sentiment qu'on s'est éloignés et qu'on n'a plus rien à se dire.» Quand le silence devient malsain et dissimule un écueil, on doit le briser. «Les mots servent notamment à ça, à régler un problème, à éclaircir une situation», rappelle la psychologue.
Trouver l'équilibre?
Si le silence recèle de précieuses qualités, les mots n'en deviennent pas superflus pour autant. Anne-Sophie, 32 ans, s'est souvent fait reprocher par ses ex de ne pas parler assez. «Je pense que c'est dans ma nature de parler peu, dit-elle. Je suis plutôt introvertie et je ne m'exprime pas très bien verbalement.» Elle admet aussi avoir souvent eu le réflexe de se murer dans le silence lorsqu'un conflit s'esquissait. «J'ai dû faire un bout de chemin pour arriver à parler des choses importantes, de mes émotions, par exemple.»
Anne-Sophie a compris que trop de silence pouvait entraîner une certaine distance avec l'autre, ou même une difficulté à entrer en relation avec lui. «J'ai réalisé que je devais m'ouvrir un peu plus si je voulais créer une relation solide.» Ce qu'elle s'efforce d'ailleurs de faire depuis qu'elle est tombée amoureuse il y a près d'un an.
Danielle, pour sa part, a appris, pour le bien-être de son couple, à tenir davantage compte de la personnalité de son conjoint et à être plus à l'écoute de ses besoins et sentiments. Quant à Marie-Claude et son conjoint, ils ont établi certaines règles dans leur couple, par exemple de ne jamais faire la sourde oreille lorsque l'un d'eux ressent le besoin de parler. «C'est important, insiste-t-elle. Si l'un de nous a des choses à verbaliser, l'autre est toujours là pour lui, même s'il n'a pas trop envie de parler.» Et inversement, si l'un ou l'autre a besoin de silence, de tranquillité ou de recul, ils se le disent ouvertement. Une question de respect.
«Il faut bien comprendre que le silence ne constitue pas une menace pour le couple», rappelle la psychologue Johanne Côté. Ainsi, on ne ressentira plus systématiquement le besoin de le meubler et on aura plus de facilité à le dire lorsqu'on en aura besoin.Ils ont fait le test du silence
Ensemble depuis huit ans, Maxime et Julie sont les parents d'un garçon de trois ans. Dans leur entourage, ils sont reconnus comme un couple fusionnel: ils passent beaucoup de temps ensemble, s'appellent et s'envoient des courriels souvent durant la journée et ne ratent pas une occasion de jaser!
L'hiver dernier, pour cet article, ils ont accepté de passer une semaine sans communications inutiles: out les potins de bureau, les à-quoi-tu-penses?, les discussions qui ne mènent à rien, les appels téléphoniques sans but, etc. Comment chacun a vécu l'épreuve? Voici les deux versions.
La version de Julie
«Lundi. On commence la semaine bourrés de bonnes intentions. Le petit matin est parsemé de silences et de sourires en coin, et on arrive à se rendre jusqu'au boulot sans anicroches. C'est le retour qui pose problème... De mon côté. J'oublie totalement le pacte et je me lance dans un long monologue sur ce qui s'est passé au bureau dans la journée. Maxime se tourne vers, moi, le sourire zen, heureux d'être sauvé par «l'expérience». Je me tais...
«Mardi et mercredi. On a pris une bonne vitesse de croisière. Je réussis à me retenir chaque fois que l'envie me prend de lui demander à quoi il pense. Et je garde pour moi les petits commentaires sur la portion de macaroni (trop grosse) qu'il sert à notre fils et sur le silence (!) avec lequel il accueille ma nouvelle couleur de cheveux. Le bon côté: quand je parle, maintenant, je le sens beaucoup plus attentif.
«Jeudi. Après de quatre jours de silence quasi bénédictin, difficile de résister au small talk en cette journée de la Saint-Valentin! On dîne ensemble et on papote comme des ados! Ces petites discussions n'ont rien d'utile, mais elles me lient à mon homme dans une intimité fort agréable. À la fin de la journée, nous retournons au silence, complices.
«Vendredi. Cette dernière journée sans interactions non nécessaires me fait réaliser que je devrais donner plus d'importance à ce que je dis à mon homme dans notre vie de tous les jours. Je me rends compte que le temps que je gaspille en lui racontant, par exemple, qui portait quoi au boulot, je pourrais le passer silencieuse, mais vraiment présente à lui.»
La version de Maxime
«Quand on nous a proposé de participer à cette expérience, je me suis dit: "Quelle chance!" On m'offrait sur un plateau d'argent le rêve de bien des hommes: pouvoir limiter le trop-plein de paroles que déverse sur nous notre tendre moitié sans passer pour un sans-coeur. J'embarque!»
«Lundi et mardi. Ah! qu'il est agréable de ne pas avoir à se raconter nos journées! Je me passe volontiers de ses inquiétudes par rapport à son travail, du récit détaillé de la problématique du jour. Mais ce n'est pas facile pour elle, et je la prends en défaut à plusieurs reprises.
«Mercredi. Nous revenons du travail ensemble. Nous avons l'habitude de nous raconter nos journées. C'est le moment le plus difficile à meubler. Pour compenser, je réalise qu'on peut se complimenter, se dire des mots tendres. C'est une manière agréable de se rejoindre sans se communiquer le stress de nos journées.
«Jeudi. Je n'en peux plus! Je meurs d'envie d'entendre ses anecdotes de bureau. L'humour de ses collègues me manque. J'aurais aussi envie de lui parler d'une des mes collègues qu'elle connaît bien. Sommes-nous devenus trop puristes?
«Vendredi. Même si ce n'a pas été facile (surtout pour Julie), je pense que l'exercice a été bénéfique. Notre vie familiale nous demande déjà d'avoir bon nombre de discussions et négociations. Tout souci ou détail superflu que nous ne communiquons pas à notre partenaire laisse davantage de place pour le silence et la romance. Ça garde aussi notre partenaire dans un état plus réceptif quand vient le temps de discuter.»
Notre couple a réalisé que ce n'est pas évident de se taire, mais que le silence permet de réfléchir à la nécessité de nos paroles.5 façons de faire régner le silence dans notre couple
Pour aller plus loin:
On lit