Argent et consommation
Quand notre conjoint perd son emploi
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On tombe en amour. On tombe enceinte. Mais on tombe aussi au chômage. Drôlement plus douloureux. Et ça se complique lorsqu'on est en couple. L'impatience de celui qui devient l'unique pourvoyeur. Les angoisses de celui qui doit rebâtir son amour-propre.
Absorber le choc
L'ampleur et la nature de l'onde de choc dépendent de trois facteurs, explique la psychologue Marie-Ève Lacasse. D'abord, la relation que le nouveau chômeur entretenait avec son emploi. S'agissait-il d'une carrière dans laquelle il s'était beaucoup investi, d'un emploi agréable sans plus ou d'un simple gagne-pain? Était-il animé d'une motivation intrinsèque (réaliser son potentiel, sa créativité) ou extrinsèque (reconnaissance, statut social, salaire)? Le statut de la famille était-il lié à cet emploi? Perdre un emploi qui nous motive profondément fait plus mal. Mais on rebondit généralement mieux et plus vite. «Ce type de personnalité est souvent plus solide», explique Marie-Ève Lacasse.
Il faut aussi compter avec les valeurs du couple. Celles-ci s'incarnent, entre autres, à travers la gestion de l'argent. Était-il mis en commun (compte conjoint) ou chacun gérait-il ses finances de façon autonome? «Il y aura perte de revenu dans les deux cas, reconnaît Marie-Ève Lacasse. Mais lorsque l'argent était mis en commun, cette perte est abordée comme un problème de couple. Lorsqu'il était géré de façon séparée, ce sera plutôt envisagé comme le problème du chômeur. Nous sommes face à deux états d'esprit différents.» Les valeurs du conjoint toujours en emploi pèsent aussi dans la balance. À quoi s'attend-il de la part du nouveau chômeur? Quelle période tampon est-il capable d'accepter?
Préserver son couple
Une fois le choc initial passé, à quoi s'attendre? «Souvent, un écart se creuse entre le niveau de mise en action que le chômeur se sent prêt à atteindre et celui attendu par le conjoint en emploi», révèle la psychologue. À coups de «Quelles démarches as-tu entreprises aujourd'hui?», le couple se fragilise un peu plus chaque jour. Chacun s'emmurant dans ses frustrations. «On ne peut pas contrôler le comportement de l'autre pour diminuer son inconfort», prévient Marie-Ève Lacasse.
Pendant ce temps, les factures s'accumulent. On ne peut pas les ranger dans une boîte à chaussures. Mais comment parler d'argent avec quelqu'un qui n'en gagne plus? Débuter par les chiffres serait passer à côté de l'essentiel, estime la psychologue. Trop d'enjeux identitaires sont liés à la perte d'un emploi. La peur de perdre l'estime, la confiance, voire l'amour de l'autre. Pour qu'il y ait ouverture et communication, il faut d'abord rassurer l'autre. «Ne t'inquiète pas, ta perte d'emploi n'abîme en rien mon amour pour toi.» Ouvrir la porte aux émotions. Pas seulement celles du chômeur. Celui qui travaille doit aussi partager ce qu'il vit. «Chacun est responsable de son bonheur, rappelle Marie-Ève Lacasse. Si on ne nomme pas clairement nos émotions, l'autre ne peut pas s'ajuster.»
Il devient ensuite possible de chercher des solutions. Déterminer le rôle et les tâches de chacun dans un rythme qui convient aux deux. L'un accepte de moins pousser. L'autre, d'avancer un peu plus vite. On sera mieux équipés, ainsi, pour traverser l'orage.