Argent et consommation
Entrevue avec David Suzuki
L'Unesco lui a décerné le prix Kalinga pour la science, et il a reçu la Médaille de l'environnement des Nations Unies. Il anime The Nature of Things, à CBC.
Vous avez consacré votre vie à la science et à la protection de l'environnement, et avez toujours insisté sur le rôle crucial qu'ont joué pour vous la famille et la nature. Parlez-nous de ce lien.
La réponse de David Suzuki
Pour comprendre la nature, sa complexité et ses liens d'interdépendance, il faut s'en approcher et prendre le temps de l'observer. On saisit l'impact fondamental des éléments de la nature sur nos vies. On s'en nourrit : légumes, végétaux, animaux. L'élément crucial de la vie n'est pas l'économie. Sans la nature, il n'y a pas de vie! Comment ne pas s'en préoccuper en priorité?
Êtes-vous capable de compromis?
Je deviens intransigeant lorsqu'on met en péril l'équilibre sacré de la vie. Surtout lorsque notre santé et notre bien-être sont en jeu. L'être humain, pour sa survie, dépend de l'air, de l'eau, du sol et de l'énergie du soleil. Il est urgent de réapprendre à cohabiter avec ces éléments.
Lutte, victoire et ténacité
Ma lutte m'a mené à me battre aux côtés des Indiens d'Amérique du Sud et des aborigènes australiens, et à travailler avec les Premières Nations du Canada. Ces expériences font partie des moments les plus riches de ma carrière. Travailler pour la cause de l'environnement est loin d'être déprimant. C'est excitant. On gagne même parfois!
Puis, il faut défendre nos acquis. Nous avons empêcher l'érection de barrages sur la rivière Peace, dans les années 60. Et voilà que 35 ans plus tard, le gouvernement veut faire travaux de forage sur cette même rivière! La lutte pour protéger l'environnement est un recommencement.C'est renversant…
Nous payons plus cher pour un litre d'eau embouteillée - qui vient directement du robinet! - que pour un litre d'essence. Folie!
C'est rassurant…
Je suis invité par des multinationales - Pepsi, qui veulent savoir comment devenir «vertes». Impensable en 1998. Je les invite à réfléchir au fait qu'ils consacrent leur vie, comme individus, à vendre de l'eau sucrée, de l'eau embouteillée tirée du robinet et des croustilles mauvaises pour la santé.
Quel Québécois trouvez-vous inspirant
Lucien Bouchard. Lorsqu'il était ministre de l'Environnement sous le gouvernement Mulroney, je lui ai demandé ce qui le préoccupait le plus, et il m'a répondu: le réchauffement de la planète. J'ai demandé pourquoi. Il a dit: parce que le phénomène menace notre survie. Nous étions en 1989! Personne ne parlait de ça!
Que dire des gouvernements actuels?
Je ne comprends pas ce que font les Conservateurs du gouvernement Harper. Ils n'écoutent absolument pas ce que veulent les gens. Stephen Harper ne perdrait absolument pas de terrain s'il adoptait une position pro-environnement, comme le veut la population. Gilles Duceppe, Stéphane Dion et Jack Layton ont à coeur la question de l'environnement, mais Harper est le seul qui a carrément refusé, et ce à trois reprises, de me rencontrer. Je lui donne la note E pour Échec.
Quel modèle doit-on suivre?
En Suède, avant de faire appliquer un projet de loi, le gouvernement demande ce que sera l'effet sur les générations à venir. N'est-ce pas là un geste fantastique? Au moment où notre planète est en crise, ici, où sont les leaders politiques avec une vision de demain?
L'idéal politique, selon vous?
J'aimerais qu'on me parle d'un pays où on peut exploiter la forêt pendant des années, parce qu'on le fait de manière responsable! D'un pays où l'air est pur et où les enfants ne souffrent plus d'asthme dans une proportion de 15 %! D'un pays où la vie et la nature passent avant l'économie! D'un Canada où l'on peut boire l'eau de tout lac et de toute rivière, comme je l'ai fait lorsque j'étais moi-même enfant! D'un pays où l'on peut pêcher un poisson et le cuire sur-le-champ sans peur des éléments chimiques qu'il contient!Un moment de bonheur?
Plus on vieillit, plus le bonheur se simplifie. À 30 ans, il m'en fallait beaucoup pour vivre un moment de bonheur. J'étais un carriériste bourré de testostérone et rempli du désir de montrer de quoi j'étais capable! Je voulais devenir le meilleur scientifique et je travaillais comme un fou! C'était cela qui me rendait heureux. Avec les gens de mon laboratoire, nous formions une petite communauté et j'aimais mon travail, mais j'avais un tel ego et un tel besoin de me faire un nom! Après la fin de mon premier mariage, je suis resté célibataire pendant sept ans. C'était au tournant des années 1970 et franchement, c'était une époque fantastique pour être célibataire! Maintenant, je sais que le bonheur est beaucoup plus simple. Aller au lit, le soir, avec ma femme, est un de ces moments de pur bonheur.
Son lieu favori
Il y a 20 ans, nous avons acquis un terrain de 10 acres et un chalet sur l'île Quadra, entre l'île de Vancouver et le continent. Quand je suis là, avec Tara, ma femme, mes enfants et mes trois petits-enfants, je me sens au paradis.
Son mentor : son père
Mon père, un grand héros dans ma vie. À 85 ans, alors qu'il se savait mourant, j'ai emménagé avec lui pour le dernier mois de sa vie. Nous avons passé un moment magnifique. Le soir, ma femme et mes enfants venaient, et ensemble, nous regardions des diapositives de nos voyages. De tout ce temps, jamais mon père n'a fait de réflexion sur les maisons, les voitures ou les vêtements qu'il a possédés. Ses réflexions portaient sur sa famille, ses amis, et les choses qu'il avait faites avec eux. C'est cela qui compte au cours d'une vie et c'est cela que nous devrions enseigner à nos enfants. La consommation ne mène pas au bonheur.
Quelles valeurs veut-il transmettre?
Je pense que nous sommes pris dans un système où l'économie prend toute la place. Nous élevons des enfants qui croient que le bonheur vient avec la consommation, même si nous savons que c'est entièrement faux. Les gens passent des heures à marcher dans les centres commerciaux, à la recherche d'un autre article qui les rendrait peut-être heureux. Cette quête est vaine et nous le savons! Le bonheur n'est pas chez Wal-Mart! Ce n'est pas ça, le sens de la vie.
Qu'est ce que la Fondation David Suzuki:
Elle propage d l'idée que des changements sont possibles et qu'il existe des solutions de rechange à nos habitudes polluantes.Un pêcheur optimiste
Je pêcher mais jamais je ne remets une prise à l'eau. Le poisson, affaibli, sera dévoré par ses prédateurs, et pêcher sans se nourrir montre que la nature est pour nous simple divertissement. Non : la nature n'est pas au service du plaisir de l'homme, elle est plutôt partie intégrante de l'équilibre des choses.
Je répète aux compagnies de pétrole de l'Alberta: vous n'êtes pas une compagnie de pétrole, vous êtes une compagnie d'énergie. Dans cette optique, vous pouvez changer vos façons de faire, en puisant votre énergie du vent ou du soleil, par exemple! C'est là la grande difficulté: convaincre de changer ses façons de faire.
C'est possible dans tous les domaines. J'ai été élevé par une mère japonaise traditionnelle, j'avais trois soeurs, alors je n'ai jamais appris à cuisiner. Lorsque je me suis remarié, Tara, qui était féministe, m'a dit: «Tu vas devoir mettre la main à la pâte». Alors, à 35 ans, j'ai appris la cuisine et c'est une joie!
Si les gens croient qu'il est trop tard pour changer, ils ont le devoir de penser aux enfants. Car un optimiste croit qu'une bonne chose va se produire; un pessimiste croit qu'un malheur s'annonce. Moi, je garde espoir. Les solutions existent.. Il nous appartient de les appliquer.
Recette préférée : la truite grillée
On fait griller une truite qu'on a pêchée soi-même, de préférence la veille. Car si on la fait cuire le jour même, les muscles se contractent, ce qui fait que le poisson se replie sur lui-même dans le poêlon. On attend un jour avant de le cuire, il restera à plat.
Ingrédients
1 truite entière farine beurre café
Marche à suivre Videz la truite, puis ouvrez-la en deux comme un livre en suivant l'arête dorsale. Trempez-la de chaque côté dans la farine. Sur un petit feu de camp, chauffez un
morceau de beurre dans un poêlon. Lorsqu'il commence à brunir, mettez la truite dans le poêlon, côté peau dessus. Lorsque l'intérieur est bien cuit, retournez la truite et continuez la cuisson jusqu'à ce que la peau soit croustillante. Mettez la truite dans une assiette, côté peau dessous. En tirant sur la tête, retirez les arêtes et la queue. Tout le reste se mange. La peau est délicieuse. Il faut accompagner ce plat d'une tasse de bon café, préparé lui aussi sur le feu. En fin de compte, ce qui importe, ce n'est pas tant la recette elle-même que les circonstances dans lesquelles on la savoure. Vous êtes dans la nature, vous avez pris du bon poisson et vous le faites cuire au petit matin avec du bon café. Il n'y a rien de meilleur...
Vous avez consacré votre vie à la science et à la protection de l'environnement, et avez toujours insisté sur le rôle crucial qu'ont joué pour vous la famille et la nature. Parlez-nous de ce lien.
La réponse de David Suzuki
Pour comprendre la nature, sa complexité et ses liens d'interdépendance, il faut s'en approcher et prendre le temps de l'observer. On saisit l'impact fondamental des éléments de la nature sur nos vies. On s'en nourrit : légumes, végétaux, animaux. L'élément crucial de la vie n'est pas l'économie. Sans la nature, il n'y a pas de vie! Comment ne pas s'en préoccuper en priorité?
Êtes-vous capable de compromis?
Je deviens intransigeant lorsqu'on met en péril l'équilibre sacré de la vie. Surtout lorsque notre santé et notre bien-être sont en jeu. L'être humain, pour sa survie, dépend de l'air, de l'eau, du sol et de l'énergie du soleil. Il est urgent de réapprendre à cohabiter avec ces éléments.
Lutte, victoire et ténacité
Ma lutte m'a mené à me battre aux côtés des Indiens d'Amérique du Sud et des aborigènes australiens, et à travailler avec les Premières Nations du Canada. Ces expériences font partie des moments les plus riches de ma carrière. Travailler pour la cause de l'environnement est loin d'être déprimant. C'est excitant. On gagne même parfois!
Puis, il faut défendre nos acquis. Nous avons empêcher l'érection de barrages sur la rivière Peace, dans les années 60. Et voilà que 35 ans plus tard, le gouvernement veut faire travaux de forage sur cette même rivière! La lutte pour protéger l'environnement est un recommencement.C'est renversant…
Nous payons plus cher pour un litre d'eau embouteillée - qui vient directement du robinet! - que pour un litre d'essence. Folie!
C'est rassurant…
Je suis invité par des multinationales - Pepsi, qui veulent savoir comment devenir «vertes». Impensable en 1998. Je les invite à réfléchir au fait qu'ils consacrent leur vie, comme individus, à vendre de l'eau sucrée, de l'eau embouteillée tirée du robinet et des croustilles mauvaises pour la santé.
Quel Québécois trouvez-vous inspirant
Lucien Bouchard. Lorsqu'il était ministre de l'Environnement sous le gouvernement Mulroney, je lui ai demandé ce qui le préoccupait le plus, et il m'a répondu: le réchauffement de la planète. J'ai demandé pourquoi. Il a dit: parce que le phénomène menace notre survie. Nous étions en 1989! Personne ne parlait de ça!
Que dire des gouvernements actuels?
Je ne comprends pas ce que font les Conservateurs du gouvernement Harper. Ils n'écoutent absolument pas ce que veulent les gens. Stephen Harper ne perdrait absolument pas de terrain s'il adoptait une position pro-environnement, comme le veut la population. Gilles Duceppe, Stéphane Dion et Jack Layton ont à coeur la question de l'environnement, mais Harper est le seul qui a carrément refusé, et ce à trois reprises, de me rencontrer. Je lui donne la note E pour Échec.
Quel modèle doit-on suivre?
En Suède, avant de faire appliquer un projet de loi, le gouvernement demande ce que sera l'effet sur les générations à venir. N'est-ce pas là un geste fantastique? Au moment où notre planète est en crise, ici, où sont les leaders politiques avec une vision de demain?
L'idéal politique, selon vous?
J'aimerais qu'on me parle d'un pays où on peut exploiter la forêt pendant des années, parce qu'on le fait de manière responsable! D'un pays où l'air est pur et où les enfants ne souffrent plus d'asthme dans une proportion de 15 %! D'un pays où la vie et la nature passent avant l'économie! D'un Canada où l'on peut boire l'eau de tout lac et de toute rivière, comme je l'ai fait lorsque j'étais moi-même enfant! D'un pays où l'on peut pêcher un poisson et le cuire sur-le-champ sans peur des éléments chimiques qu'il contient!Un moment de bonheur?
Plus on vieillit, plus le bonheur se simplifie. À 30 ans, il m'en fallait beaucoup pour vivre un moment de bonheur. J'étais un carriériste bourré de testostérone et rempli du désir de montrer de quoi j'étais capable! Je voulais devenir le meilleur scientifique et je travaillais comme un fou! C'était cela qui me rendait heureux. Avec les gens de mon laboratoire, nous formions une petite communauté et j'aimais mon travail, mais j'avais un tel ego et un tel besoin de me faire un nom! Après la fin de mon premier mariage, je suis resté célibataire pendant sept ans. C'était au tournant des années 1970 et franchement, c'était une époque fantastique pour être célibataire! Maintenant, je sais que le bonheur est beaucoup plus simple. Aller au lit, le soir, avec ma femme, est un de ces moments de pur bonheur.
Son lieu favori
Il y a 20 ans, nous avons acquis un terrain de 10 acres et un chalet sur l'île Quadra, entre l'île de Vancouver et le continent. Quand je suis là, avec Tara, ma femme, mes enfants et mes trois petits-enfants, je me sens au paradis.
Son mentor : son père
Mon père, un grand héros dans ma vie. À 85 ans, alors qu'il se savait mourant, j'ai emménagé avec lui pour le dernier mois de sa vie. Nous avons passé un moment magnifique. Le soir, ma femme et mes enfants venaient, et ensemble, nous regardions des diapositives de nos voyages. De tout ce temps, jamais mon père n'a fait de réflexion sur les maisons, les voitures ou les vêtements qu'il a possédés. Ses réflexions portaient sur sa famille, ses amis, et les choses qu'il avait faites avec eux. C'est cela qui compte au cours d'une vie et c'est cela que nous devrions enseigner à nos enfants. La consommation ne mène pas au bonheur.
Quelles valeurs veut-il transmettre?
Je pense que nous sommes pris dans un système où l'économie prend toute la place. Nous élevons des enfants qui croient que le bonheur vient avec la consommation, même si nous savons que c'est entièrement faux. Les gens passent des heures à marcher dans les centres commerciaux, à la recherche d'un autre article qui les rendrait peut-être heureux. Cette quête est vaine et nous le savons! Le bonheur n'est pas chez Wal-Mart! Ce n'est pas ça, le sens de la vie.
Qu'est ce que la Fondation David Suzuki:
Elle propage d l'idée que des changements sont possibles et qu'il existe des solutions de rechange à nos habitudes polluantes.Un pêcheur optimiste
Je pêcher mais jamais je ne remets une prise à l'eau. Le poisson, affaibli, sera dévoré par ses prédateurs, et pêcher sans se nourrir montre que la nature est pour nous simple divertissement. Non : la nature n'est pas au service du plaisir de l'homme, elle est plutôt partie intégrante de l'équilibre des choses.
Je répète aux compagnies de pétrole de l'Alberta: vous n'êtes pas une compagnie de pétrole, vous êtes une compagnie d'énergie. Dans cette optique, vous pouvez changer vos façons de faire, en puisant votre énergie du vent ou du soleil, par exemple! C'est là la grande difficulté: convaincre de changer ses façons de faire.
C'est possible dans tous les domaines. J'ai été élevé par une mère japonaise traditionnelle, j'avais trois soeurs, alors je n'ai jamais appris à cuisiner. Lorsque je me suis remarié, Tara, qui était féministe, m'a dit: «Tu vas devoir mettre la main à la pâte». Alors, à 35 ans, j'ai appris la cuisine et c'est une joie!
Si les gens croient qu'il est trop tard pour changer, ils ont le devoir de penser aux enfants. Car un optimiste croit qu'une bonne chose va se produire; un pessimiste croit qu'un malheur s'annonce. Moi, je garde espoir. Les solutions existent.. Il nous appartient de les appliquer.
Recette préférée : la truite grillée
On fait griller une truite qu'on a pêchée soi-même, de préférence la veille. Car si on la fait cuire le jour même, les muscles se contractent, ce qui fait que le poisson se replie sur lui-même dans le poêlon. On attend un jour avant de le cuire, il restera à plat.
Ingrédients
Marche à suivre
morceau de beurre dans un poêlon. Lorsqu'il commence à brunir, mettez la truite dans le poêlon, côté peau dessus.