Argent et consommation
Choisir sa carte de crédit
Les choses ont bien changé depuis l'apparition des premières cartes de crédit, aux États-Unis, au début des années 1950. À l'époque, ces morceaux de carton permettaient uniquement de manger dans les restaurants membres du Diners Club. Aujourd'hui, il y a plus de 200 cartes de crédit disponibles au Canada, selon l'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC), un organisme de réglementation fédéral. Selon l'Association des banquiers canadiens (ABC), plus d'un million de commerces au Canada acceptent les cartes Visa ou MasterCard. Et les Canadiens ont près de 70 millions de cartes de crédit dans leur portefeuille collectif!
Elles partagent toutes certaines caractéristiques: elles offrent un délai de grâce, c'est-à-dire une période (entre la date d'achat et la date d'échéance du relevé) pendant laquelle aucun intérêt n'est facturé. Elles réclament toutes des intérêts auprès des clients qui n'acquittent pas leur solde à la date due. Enfin, elles imposent toutes un paiement mensuel minimum.
Cela dit, selon les cartes, le délai de grâce s'étend de 17 à 26 jours, le taux d'intérêt varie de 9,9 % à 28,8 % et le paiement minimum requis est de 2 % à 3 % du solde. Les avantages varient aussi énormément d'une carte à l'autre: congé de frais annuels, assurances voyage, rabais dans certains commerces, escomptes sur des vols, des croisières ou des produits d'investissement, alouette! Trouver celle qui répond à nos besoins requiert un bon effort de magasinage.
Avant de commencer
La principale erreur qu'on peut faire en prenant une carte de crédit? Ne pas la magasiner. La deuxième? Mal connaître ses conditions d'utilisation. En effet, à l'instar d'un prêt hypothécaire, «les cartes de crédit sont un produit financier dont on gagne à bien comprendre le fonctionnement pour éviter les mauvaises surprises», dit Véronique Milot, agente de communication à l'ACFC.
Par exemple, le taux d'intérêt de certaines cartes sur les transferts de solde est d'à peine 1,9 %. Mais celui-ci n'est valide que pendant quelques mois et, souvent, il ne s'applique pas aux nouveaux achats. Mieux vaut le savoir avant de souscrire à ce type de carte. De même, il se peut que certains avantages ou assurances soient offerts avec la carte, mais à un coût additionnel. Bref, on a intérêt à poser des questions et à lire les passages en petits caractères ou, du moins, à se les faire expliquer. Voici les caractéristiques à vérifier avant de choisir une carte de crédit.
Le taux d'intérêt
Selon l'ABC, 73 % des Canadiens remboursent chaque mois la totalité du solde de leur carte de crédit. C'est notre cas? On peut faire fi du taux d'intérêt - qu'il soit de 9,9 % ou de 28,8 % - et choisir notre carte selon nos préférences et les avantages qu'elle offre. Si, à l'inverse, on laisse souvent un solde sur notre carte, on a tout intérêt à opter pour un taux d'intérêt réduit, c'est-à-dire de 9,9 % à 14,5 %. L'inconvénient? Ces cartes «moins chères» sont souvent assorties de frais annuels. Pour savoir si elles sont pour nous, «on compare le montant des intérêts payés aux frais annuels de la carte», dit Johanne Arnould, conseillère budgétaire à l'Association coopérative d'économie familiale (ACEF) du Nord de Montréal. On paiera moins cher un solde de 500 $ avec une carte qui a des frais annuels de 25 $ et un taux d'intérêt de 12 % qu'avec une carte sans frais, mais un taux d'intérêt de 19 %. À la fin de l'année, l'économie atteint même 445 $!
La limite de crédit
Une limite de crédit de 5 000 $, c'est tentant! Mais est-ce pour nous? Pour le savoir, on évalue nos revenus et nos dépenses - en n'omettant pas l'épargne! Cela nous permet de savoir quelle somme on peut emprunter et rembourser chaque mois.
Avoir la bonne limite de crédit est d'autant plus important que, si elle est trop élevée, cela nuit à notre cote de crédit. En effet, «les prêteurs considèrent qu'on peut emprunter cette somme à tout moment», dit Liane Chacra, planificatrice financière au Groupe Investors. En d'autres mots, une limite de crédit est considérée comme une dette potentielle. Résultat, «la banque pourrait vous refuser un prêt pour acheter une voiture ou vous l'accorder à un taux d'intérêt plus élevé», dit Mme Chacra.
Donc, on ne se fie pas aux limites de crédit que nous proposent les institutions financières. «Car, pour offrir une limite plus élevée, elles regardent uniquement si on rembourse le minimum requis chaque mois, même si on n'arrive pas à régler la totalité de notre solde», dit Johanne Arnould.
Les différentes cartes
Les cartes universelles. Les cartes de type Visa, American Express ou MasterCard sont les plus connues. Elles sont acceptées quasiment partout. Parfois, elles sont affiliées à un commerce, comme Esso ou Canadian Tire, où elles nous donnent droit à des rabais ou des récompenses supplémentaires. «Cela peut être intéressant pour quelqu'un qui y magasine, pourvu que les autres conditions de la carte, comme le taux d'intérêt, lui conviennent aussi», dit Johanne Arnould.
Les cartes Or et Platine. Ces cartes de crédit haut de gamme procurent davantage de services que les cartes dites standard. Entre autres, un service de conciergerie par lequel «des préposés réservent des places au restaurant de votre choix ou vous indiquent dans quel magasin trouver le cadeau que vous recherchez», indique Danielle Coutlée, directrice stratégies de vente et soutien à la RBC Banque Royale. Les cartes Or et Platine incluent aussi, plus souvent que les cartes standard, des assurances voyage qui couvrent les accidents et la perte de bagages, par exemple. Pratique si on voyage. Ces cartes de prestige requièrent un revenu annuel minimum - parfois aussi bas que 15 000 $ par ménage. Par ailleurs, elles ont souvent une limite de crédit minimum de 5 000 $, contrairement à une limite de 500 $ à 1 000 $ pour les cartes standard. Bref, ces cartes sont une invitation à dépenser, voire, pour les consommatrices moins prudentes, à s'endetter.
Les cartes affinités. Avec certaines cartes de crédit universelles, un montant s'ajoute à nos achats qui est remis à un organisme de charité, comme la Croix-Rouge canadienne, le Lions Club International ou Patinage Canada. La Banque de Montréal est championne à cet égard: ses cartes de crédit soutiennent environ 150 associations! L'intention est bonne, mais est-ce vraiment utile? «C'est une façon simple et rapide d'aider une cause qui vous tient à coeur», répond Jocelyne Daw, vice-présidente marketing et engagement communautaire chez Imagine Canada, une organisation qui veille aux intérêts des organismes de bienfaisance. Cela dit, les sommes versées dépassent rarement 0,5 % du montant de nos achats... ou 50 cents par tranche de 100 $! Cette menue monnaie s'accumule toutefois: grâce à la carte Allure de la Banque Nationale du Canada, par exemple, la Fondation du cancer du sein du Québec a reçu 415 000 $ en 2008. Seul inconvénient pour le consommateur: «C'est la banque qui reçoit le crédit d'impôt pour ces dons. Par ailleurs, en faisant un don de cette manière, on ne reçoit pas de prospectus ni d'information de la part de l'organisme que l'on soutient», dit Jocelyne Daw.
Les cartes des commerçants. Quelques magasins, dont La Baie ou Home Depot, offrent des cartes de crédit maison. Elles sont parfois plus avantageuses que les cartes de crédit universelles. D'abord, elles offrent certains privilèges, comme des points de récompense additionnels ou des offres exclusives. «Si ce sont les seuls endroits où l'on achète à crédit, cela nous évite de faire des achats impulsifs ailleurs», dit Édith St-Hilaire, conseillère budgétaire à l'ACEF Rive-Sud de Québec. Attention, par contre, aux paiements en retard: les taux d'intérêt de ces cartes atteignent 28,8 % - ou jusqu'à 67 % de plus que les cartes de crédit universelles.
Les programmes de récompense
Rabais sur des produits financiers, des billets d'avion ou des croisières, marchandises gratuites ou remises en argent: on a le choix quand il s'agit des programmes de récompense associés à une carte de crédit. Dans le cas des remises en argent, de 0,5 à 2,5 % du montant total de nos achats annuels nous revient à la fin de l'année. Sinon, la plupart des institutions financières offrent des programmes de points maison. Seules la Banque de Montréal et la CIBC, respectivement, offrent des points Air Miles et des points Aéroplan. Cela peut être intéressant d'y prendre une carte de crédit dans la mesure où est déjà membre de l'un ou l'autre de ces clubs.
Dans tous les cas, on évalue la quantité de points exigée par les différentes institutions financières en échange de notre cadeau de rêve. Par exemple, dépenser un dollar avec notre carte de crédit nous rapporte un point au Mouvement des caisses Desjardins, à la Banque Laurentienne et à la Banque Scotia. Mais, dans leurs catalogues respectifs, un four grille-pain vaut 170 points, 17 400 points et 21 500 points! Pour savoir si un programme de récompense en vaut la peine, «on compare les frais et les intérêts payés à la valeur des cadeaux ou des rabais reçus», conseille Véronique Milot. Si on préfère les voyages, on vérifie aussi si nos points donnent droit à des vols avec n'importe quelle compagnie aérienne et si on peut partir quand bon nous semble. Mais attention de ne pas choisir pas une carte de crédit seulement pour son programme de récompense. «On regarde aussi son taux d'intérêt, ses frais annuels et sa limite de crédit», dit Johanne Arnould. Être «accro» à un programme de récompense a des effets pervers, ajoute-t-elle: «On est parfois tentée de dépenser quelques dollars de plus seulement pour obtenir les points qui nous manquent pour recevoir un cadeau ou un voyage.»
Les frais annuels
Plusieurs cartes standard, Or et Platine sont accessibles sans frais annuels. Quand ce n'est pas le cas, les cartes standard coûtent généralement de 15 $ à 35 $ et les cartes Or et Platine, de 50 $ à 100 $. En règle générale, plus une carte est dispendieuse, plus elle inclut d'avantages. À chacune de voir si ceux-ci valent leur pesant d'or!
Vaut-il mieux faire affaire avec sa banque?
Oui, répond Danielle Coutlée. «S'il y a un problème quelconque avec notre carte - par exemple, elle est bloquée alors qu'on a payé notre solde et qu'il y a des fonds dans notre compte -, notre banque pourra faire un virement ou nous télégraphier l'argent parce qu'elle a accès aux comptes», dit-elle. Par ailleurs, demander une carte de crédit à l'institution bancaire où on a déjà un compte bancaire et une hypothèque est une preuve de notre loyauté. Résultat, «ce sera plus facile de négocier de meilleures conditions pour l'ensemble de nos produits financiers», dit Caroline Lavallée, directrice principale Solutions Mastercard à la Banque Nationale du Canada. Enfin, nos finances se gèrent plus facilement quand on voit tous nos comptes et transactions sur un seul site Internet - celui de notre banque.
Par contre, placer tous nos oeufs dans le même panier peut nous jouer des tours si on ne paie pas toujours le minimum requis. Dans ces cas-là, «les institutions financières effectuent parfois des paiements de compensation: elles vont piger dans le compte bancaire d'un client pour régler une partie du solde de sa carte», dit Édith St-Hilaire. Certes, cela est rare. Mais ça chamboule un budget!
Un outil pratico-pratique
L'Agence de la consommation en matière financière du Canada (ACFC) offre un outil interactif et gratuit qui nous aide à choisir la bonne carte de crédit. Il suffit d'inscrire notre province de résidence, de préciser si on accepterait de payer des frais annuels et de choisir le type de récompense qu'on aimerait recevoir. On nous propose alors toutes les cartes qui offrent ces caractéristiques.