13 ans et plus
Parler de sexualité avec les adolescents
iStockphoto Photographe : iStockphoto
La sexualité peut illuminer ou assombrir l’estime de soi. C’est à chacun d’en faire une source d’épanouissement et aux parents d’aider les ados à cheminer dans cette direction.
On assiste depuis une quinzaine d'années à des transformations sociales importantes: médiatisation et omniprésence d'images sexuelles, érotisation de l'enfance et de la violence, hypersexualisation, cybersexe, retour en force de stéréotypes virilomaniaques et féminomaniaques...
Un imaginaire érotique... médiatique!
Les enfants font leurs «classes sexologiques» sur le banc de l'ordi plutôt que sur le banc d'école, dans les télé-réalités, par les clips et la culture rap. C'est là qu'ils développent leur imaginaire érotique, qu'ils puisent pour construire leur identité de genre et leur perception de l'autre sexe. Pas étonnant que nombre d'entre eux prennent des raccourcis vers l'âge adulte. On a besoin de se lever de bonne heure pour rivaliser avec le message ambiant.
Au moment de la prépuberté, l'attrait, le goût d'explorer, l'effervescence génitale, la charge émotive ne sont pas encore trop envahissants. Voilà pourquoi ce carrefour constitue un moment propice pour parler de l'amour et de la sexualité à l'adolescence.
L'adolescence: la saison des premières sexuelles
Avec la puberté qui se pointe, les enjeux de la sexualité sont différents, les risques aussi. On a parfois le sentiment d'avoir perdu toute influence auprès des jeunes et surtout que ces derniers savent tout de la sexualité. Et pourtant, l'adolescence rime encore bien plus avec ignorance qu'avec connaissance et ils ont un besoin criant de partager, d'être écoutés et surtout, d'être rassurés.
Avec son cortège d'angoisses et d'expériences nouvelles, voilà que s'amorce une vaste saison de premières, saison durant laquelle la composante sexuelle prendra beaucoup de place, devenant le lieu principal de l'affirmation de l'autonomie.
Le jeune ado (11-13 ans): les stéréotypes sexuels
Suis-je belle? Comment savoir si je plais? Est-ce normal, toutes ces nouvelles sensations que je ressens? Pourquoi l'amour ne dure-t-il pas? Comment ça se passe la première fois? Ça fait mal? Comment savoir quand on est prêt? Peut-on dire non sans passer pour une niaiseuse?
Prise dans l'ornière des stéréotypes sexuels culturels, la préoccupation pour le corps frôle maintenant l'obsession. Il est toujours trop: trop maigre, trop gros, trop poilu, trop mou, trop ventru, trop en cuisses... Ou pas assez: pas assez musclé, pas assez lisse, pas assez mince, pas assez ferme, pas assez beau, pas assez performant... Il y a une vingtaine d'années, les enfants des deux sexes se demandaient, vers 12 ans, comment bien embrasser. Ceux d'aujourd'hui s'inquiètent de la conformité et de la capacité de leurs organes sexuels. À peine entrés dans l'adolescence, et malgré que l'un et l'autre échouent aisément à localiser le clitoris sur une planche anatomique, ils recherchent un Kama Sutra ado.
«J'avais une blonde, je l'aimais comme un fou. On s'embrassait et on se touchait un peu... Elle a voulu me faire une fellation... Je n'étais pas rendu là, alors elle m'a "flusché" en disant que je n'étais pas déniaisé. Maintenant, elle rit de moi avec sa gang. En plus d'avoir une peine d'amour, je me sens comme un nul. Aidez-moi...»
Antonin, 12 ans
Faut-il se surprendre que des fillettes jouent les séductrices à 11 ans? Les queen fellationnistes à 13 ans? Elles ont appris à percevoir le sexe, leur sexe, comme une valeur marchande? Je pense à ce coup de fil désespéré de la direction d'une école qui ne savait plus où donner de la tête: sur l'heure du midi, des enfants de 5e et 6e années (11 et 12 ans) se rendent au parc voisin où, contre quelques dollars, des filles distribuent des turluttes aux garçons. La problématique s'amplifie du fait que les clients, fervents de ce service, piquent de l'argent à leurs parents pour se l'offrir...
J'entends le lecteur argumenter que tous ne sont pas touchés! S'il est vrai qu'ils ne sont pas tous emportés par la vague, ils sont tous et toutes concernés, sollicités par cette déferlante.
Le vieil ado (14-16 ans): consolider son identité
Les grands ados ont la vue double: une vision «joujou» des conduites sexuelles non coïtales, une vision idyllique de la relation pénis-vagin qu'ils imaginent comme un nirvana et à laquelle ils rattachent une valeur initiatique.
«Je ne sais plus quoi faire. Un gars de 18 ans veut absolument que je couche avec lui. Il dit qu'il m'aime, que je suis la plus belle. J'ai terriblement envie de le faire même si j'ai peur de le regretter... Au secours!!! Pourquoi l'idée de faire l'amour avec lui m'obsède à ce point???»
Amélie, (presque) 14 ans
Tout au long de leur développement, les enfants intègrent à leur personnalité les caractéristiques féminines et masculines, telles qu'elles sont définies par leur milieu. À l'adolescence, pour consolider leur identité sexuelle, ils sont pressés d'agir comme agissent ceux et celles de leur sexe.
Ils ont besoin, non pas de réponses toutes faites, mais d'un peu d'aide pour trouver leurs propres réponses à leurs questions:
Est-ce que j'en ai vraiment envie? Pourquoi le ferais-je? Pour qui? À quoi ça sert d'aimer? Est-ce mon coeur ou mon sexe qui bat si fort? L'orgasme, c'est quoi? Suis-je normal? Serai-je à la hauteur? J'ai peur d'être homosexuel?
Comme j'aimerais que l'on entende leur «ouf!» de soulagement quand je leur explique qu'il existe une multitude de schémas corporels; que l'attente, le désir et le fantasme sont des ingrédients jouissifs de la sexualité; que la liberté sexuelle, c'est le contraire de se conformer et de se soumettre; que la pornographie coupe la personne en petites rondelles génitales, comme un saucisson; que la défaillance est admissible et humaine; que l'éjaculation précoce est normal, car parfois, l'émotion fait perdre ses moyens et que cela n'est pas grave...
Lisez notre dossier spécial sur l'amitié, l'amour et la sexualité à l'adolescence.