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Trekking dans les Chics-Chocs

Trekking dans les Chics-Chocs

�lise Poirier Photographe : �lise Poirier Auteur : Coup de Pouce

Depuis plus de deux ans, tous les soirs après le souper, voisine et moi prenons une marche santé. Le but de cette escapade se résume à trois choses: la digestion, la discussion et l'évasion. En effet, pour un bref répit, finis la vaisselle, les enfants, le boulot. On observe les saisons passer à la cadence des petits pas qui nous portent sur quatre kilomètres à chaque circuit. Mais cette année, étant quelque peu lassées de sillonner les rues du village et trouvant notre cardio suffisant pour augmenter la distance, nous décidons de braver un défi de taille et de partir en expédition.

Nom de l'aventure: Mollet d'acier.
Date et durée du périple: du 5 au 12 septembre 2007
Destination: les Chic-Chocs en Gaspésie, province de Québec, Canada

Mais avant de commencer le sentier, parlons préparation.

15 kilos sur le dos

Même si le parcours se fait entièrement en forêt, il faut savoir que le temps des aventuriers a bien changé. Ainsi, le coureur des bois portant veste de chasse, armé d'un bâton de bois et transportant son pemmican comme subsistance dans sa besace, se transformera dans les années 2000 en randonneur, tout de Gore-Tex vêtu, s'appuyant sur du télescopique en carbone et se nourrissant de lyophilisé calculé au gramme/protéine près, transporté dans un 60 litres.

Notre bagage devant peser le tiers de notre poids et m'étant toujours vue plus mince que je le suis, ma charge sera de quinze kilos. Voisine fera un bagage à peu près identique, sauf un oubli majeur dont je parlerai plus loin. On nous prévient: il peut neiger sur les sommets en septembre, donc notre attirail ira de la tuque jusqu'au short, t-shirt. Intempérie ou canicule, on peut y faire face!

La bouffe achetée en sachet, ainsi que quelques gâteaux aux fruits et aux noix très compacts qui auront séché sur le comptoir quelques jours pour en diminuer le poids, compléteront notre bagage. Comme combustible, nous utiliserons un mini rond fonctionnant au propane ou le poêle à bois qu'il y a dans chaque refuge.

Un refuge sans les enfants

Les enfants entre bonnes mains, l'employeur averti du congé, nous partons le 5 septembre à 6 heures du matin en voiture pour nous rendre à 800 km de Montréal et ainsi commencer l'aventure.

Nous roulons en longeant le fleuve Saint-Laurent et tournons à la hauteur de Sainte-Anne-des-Monts pour entrer dans la forêt, au coeur des Chic-Chocs, vers le Gîte du Mont-Albert. Les Chic-Chocs font partie de la chaîne de montagnes des Appalaches qui débute en Alabama, se prolonge parallèlement à la côte est américaine, traverse le Québec, passe à Terre-Neuve et continue même en Irlande pour se terminer sur la côte ouest finlandaise!

La première nuit a lieu dans un refuge à coté du centre d'interprétation du Parc de la Gaspésie. Nous plaçons un carton de nourriture dans la voiture, au grand régal des mulots qui entrent dans une bagnole comme nous dans un supermarché, en passant par les ailes. Eh oui, faites gaffe, tout villégiateur que vous êtes, la voiture n'est pas un endroit étanche contre les petits rongeurs.

Le lendemain, un autobus nous amène en trois heures au refuge du mont Logan. Notre défi: parcourir un circuit de près de 80 kilomètres débutant au mont Logan et se terminant au mont Albert, mythique massif de plus de 1 100 mètres d'altitude. 

La forêt boréale

Les rencontres avec quelques rôdeurs sont plus rares en ce temps de l'année, mais pas impossibles. L'ours noir, le caribou, l'orignal et bien d'autres espèces de la forêt boréale prennent parfois le même chemin que nous.

Six jours de marche, 10 sommets, ponctués de nuits dans des refuges sans eau ni électricité, mais pourvus de bons matelas et très bien entretenus par le réseau des parcs du Québec, la Sepac. Une petite journée nous voit parcourir neuf kilomètres, mais au dernier jour, l'étape s'étire pendant 19 kilomètres sur un sentier de calibre moyen qui demande beaucoup d'endurance au randonneur, car un kilomètre en forêt, c'est long.

Le truc, c'est de faire comme voisine et moi: lever à 5h, départ à 6h30, dodo à 19h. Avec beaucoup de temps devant soi, tout devient franchissable. Les montées sont parfois assez à pic, mais les descentes sont beaucoup plus difficiles pour les jambes et les pieds. La petite crème pour l'automassage des voûtes plantaires et des orteils avant le sommeil reste un pur bonheur de cette aventure.

Le difficile transport des bagages ralentit beaucoup la marche. Notre vitesse de deux kilomètres/heure restera la moyenne pour tout le parcours, même si à la fin, le bagage pèsera douze kilos. Les épaules meurtries s'oublient tant il devient réconfortant de trimballer tout le matériel nécessaire sur soi. L'autonomie complète, jumelée à l'indépendance totale! On se sent presque un pays! Oups, une tortue plutôt. Et le petit café qu'on boit à 1 000 mètres d'altitude pour accompagner les éternelles barres granola. C'est la joie de tout transporter sur soi.

Deux caribous

Un pas, un caillou, la terre noire, les racines, les feuilles mortes, où poser la pôle, le pied s'appuie, la branche plutôt basse, je me penche, ma maison bascule, je rattrape, un autre pas et la lumière du jour, l'humidité, les branches, une autre racine, le pied solide, on avance.

Le deuxième jour, près du mont Logan, nous avons vu deux caribous. Elle et lui nous barraient la route. En s'observant plusieurs minutes, ils ont décidé de se camoufler derrière des arbres. Nous sommes passées, ils nous regardaient toujours. Une autre fois dans un boisé assez dense, nous avons rencontré un orignal, les pas de sa fuite au galop faisaient trembler le sol.

Le Pic de l'Aube

Les paysages sommitaux époustouflants qui par beau temps se déploient jusqu'au fleuve Saint-Laurent atteignent le paroxysme au Pic de l'Aube. Les sentiers bien balisés traversent plusieurs ruisseaux permettant le ravitaillement en eau. Et de l'eau, il faut en boire beaucoup, car il est facile de se déshydrater durant ces longues journées d'effort. Les comprimés à base de chlore ou le filtre sont recommandés pour éviter une contamination.

L'approche du mont Albert par l'arrière de la montagne est particulière par la teinte orangée que lui donne la serpentine, roche rare dont il est entièrement constitué. Le plateau du sommet fait 13 km2 et la flore alpine qui le recouvre commençait à prendre les teintes automnales. Le bleuet, abondant, nous a régalé pendant les pauses.

Un périple d'équipe

Mais trêve de géologie et de botanique, parlons plutôt du coeur de l'expédition, de l'aventure et du voyage: le compagnon de route. La proximité des êtres durant ce genre de périple est telle qu'il faut savoir que l'on connaîtra tout, mais absolument tout des gens qui nous accompagnent: cycles menstruels, habitudes de ronflement, fréquence urinaire, médication, taux de sudation, niveau d'appétit, etc. Le volet de gestion du matériel pourrait également devenir litigieux si «la chicane pogne».

Ainsi, voisine a oublié d'apporter du papier de toilette pour cette expédition. Elle avait par contre 4 petits paquets de Kleenex! Je me suis transformée peu à peu en «control freak», mesquine, avare, calculatrice, et j'ai presque frôlé la crise de nerfs intérieure lorsque j'ai vu voisine prendre 4, je dis bien QUATRE carrés de papier hygiénique pour se moucher. J'ai finalement compris la tension des grandes expéditions. À part cet incident, voisine et moi avons formé une très bonne équipe.

Le grand air: une cure pour le corps et l'esprit

Nous sommes arrivées dans un état euphorique et sous une pluie fine (la seule de la semaine) au Gîte du Mont-Albert. La réservation, confirmée plusieurs semaines d'avance, nous assura une fin de séjour douillette, propre de notre personne... et gastronomique!

Ce rythme de vacances permet de vivre presque une transe tant la déconnexion avec nos habitudes de vie est totale. Ce décor forestier, lacustre, tout en montée et descente et ce périple s'étalant sur un si grand nombre de jours nous ont redonné beaucoup d'énergie. Le grand air et les muscles continuellement en action nous ont permis de nous redynamiser le corps et l'esprit. Un trek dans les Chic-Chocs! Je le recommande à tous ceux aimant le vent, le vert, l'aventure, bouger et vivre!

 

La version originale de cet article a été publiée sur le site Servicevie.com.

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