Loisirs et culture

Rencontre avec Patrice Robitaille

Rencontre avec Patrice Robitaille

Monic Richard Photographe : Monic Richard Auteur : Coup de Pouce

À la télé, les émissions de variétés où les comédiens populaires sont sollicités ne manquent pas. Systématiquement, pendant des années, Patrice Robitaille a décliné les invitations. Parfois par manque de temps, mais le plus souvent par pudeur. Puis, un jour, il y a deux ans, il s'est surpris à accepter. «Pour une fois, je me suis dit: "Let's go! Arrête de faire le pissou, pis amuse-toi!"» Il faut visionner l'épisode 227 de Belle et Bum pour voir ce beau grand brummel chanter Mon coeur est un violon, ou Décadence, de Jean Leloup. Et, quand il y avoue candidement aimer «les voix de vieilles madames qui roulaient leurs r dans le temps de Mariano» et qu'il se donne, les yeux fermés, sa main caressant sa joue pendant qu'il pousse la note, on souhaite que l'autoroute électronique protège longtemps cette pièce d'anthologie. «Je boudais mon plaisir. J'ai ressenti une telle fierté en sortant de là!» avoue Patrice, tout sourire.

Ce sont les longs métrages Horloge biologique et Québec-Montréal qui l'ont révélé au grand public. On parlait de lui comme d'un gars de «la gang de Québec». Ils étaient une voix dans un paysage scénaristique que les médias accusaient d'être trop rose. Des trentenaires qui venaient nous dire ce qu'ils pensaient vraiment de la vie, de l'amour et de la place qu'ils voulaient prendre. C'était le début d'une petite révolution. Puis, ont suivi Les Invincibles, série culte pour laquelle Patrice rappelle, «question de justice», que les véritables auteurs en sont Jean-François Rivard et François Létourneau. Encore une gang de trentenaires, et encore un rôle de «grand niaiseux qu'on aime» pour le comédien. «J'adore ce genre de héros, qui me permet de jouer sans avoir à me préoccuper de mon image. Ça, et mon amour des car wash, c'est peut-être ce qui explique qu'on m'identifie toujours au "gars ordinaire"», note-t-il. Le fameux Québécois moyen. «Serge Denoncourt m'a déjà dit que je lui faisais penser à La Cage aux sports.» Patrice rit comme un fou en répétant ça. «Je ne suis pas sûr que c'est un compliment. Mais je trouve ça super drôle! Et je respecte tellement Serge qu'il pourrait me dire n'importe quoi! Des fois, ça passe plus raide, mais je comprends toujours son propos.»

 

Travail et humilité

Au travail, le comédien a la réputation d'être une abeille. Un grand travailleur au service de la ruche, qui butine sans arrêt jusqu'à trouver le bon filon de ses personnages. «Je n'aime pas le niaisage. Je peux accepter que certains comédiens aient besoin de s'égarer pour trouver leur personnage. Mais quand ça procastine et que le leader ne remet pas les gens à leur place, ça me gosse et je peux devenir assez bête. Disons que la patience, ce n'est pas ma principale vertu. Même Lili, ma fille de 8 ans, me dit parfois: "Papa, t'as parlé fort." Elle me rappelle de m'ajuster. Et je comprends que tout le monde n'est pas un grand gars de 6 pieds, dans la vie! Je conçois qu'il faille faire attention.»

Grand, ça oui. Mais humble, aussi. Même à presque 40 ans - il les fêtera le 21 août -, il se perçoit encore comme un ti-cul qui devrait fermer sa gueule plus souvent pour écouter et apprendre de l'expérience des grands. «Ça m'énerve quand je vois des acteurs et des actrices qui ont deux rôles derrière la cravate et qui viennent dans des shows de chaises pour philosopher sur le métier! Ça me gosse! J'ai le respect de l'expérience. D'ailleurs, des histoires d'acteurs qui racontent le passé, j'en écouterais des nuits entières! Je suis timide et j'aime observer avant de me commettre. Dans un groupe, je ne serai jamais le premier à prendre le crachoir. C'est une question de respect pour les vétérans. C'est sans doute animal. Je sens tous les péteux avant de comprendre où est ma place!»

Parlant de respect et de vétérans, Patrice sera Cyrano au TNM dès le 16 juillet prochain, un monument théâtral devant lequel il se sent plutôt... petit. «Janine Sutto disait que plus ça allait, pire c'était, le trac. Je m'étais dit qu'elle devait en mettre! Mais je réalise que j'ai des acquis. Alors, maintenant, j'ai peur de les perdre. »

L'offre lui a été glissée à l'oreille par Serge Denoncourt, le soir de la première du film Le Prénom, que Patrice avait tourné sous sa direction. «Je suis rentré chez moi ce soir-là, et j'ai sorti Cyrano de la bibliothèque. La première chose que je me suis dite, c'est: "Mon Dieu! Me semble que je suis jeune pour jouer ça!"» C'était au milieu de la nuit. Patrice a googlé, et l'ami Wiki lui a décliné les monstres du théâtre qui l'avaient précédé. Les Gilles Pelletier, Albert Millaire, Guy Nadon et Pierre Lebeau, ici. Les Belmondo et Depardieu, en France. «J'ai lu que Monsieur Nadon avait 40 ans quand il a accepté Cyrano. J'ai pris conscience que j'étais rendu là. Wow! Ça a fessé dans le dash! Je commence à accéder à des rôles de vétérans. C'est bien la preuve que je me perçois plus jeune que je ne le suis!»

 

Un sportif choyé

Cet été, au cinéma, Patrice jouera l'entraîneur d'une cycliste dans un scénario signé Sophie Lorain et Catherine Léger et librement inspiré de l'histoire de Geneviève Jeanson. «L'entraîneur était devenu son amant, je dirais même son abuseur, raconte le comédien. Ce n'était pas un gentleman. Le film pose plusieurs questions au niveau éthique. Je pense aux parents, qui ont laissé leur fille entre les mains de cet "expert" alors qu'elle était très jeune. Je dis ça, et je ne les juge pas. J'imagine, par exemple que Lili, ma fille, ait des talents de virtuose. J'imagine, aussi, que mon travail ne me permet pas de l'accompagner partout avec son mentor. Qu'est-ce que je fais? La vie, c'est aussi de faire confiance. En regardant cette histoire, je me dis que je serais présent très, très souvent aux leçons de piano! Mais le jour où les entraînements atteignent un niveau professionnel, les parents ne peuvent plus suivre ni contrôler. Est-ce que je donnerais ma fille à la "science"? Je pose la question à chaque parent, en disant: Attention! Facile de répondre non, une fois qu'on connaît la triste issue de l'histoire...»

Pendant le tournage du film, Patrice s'est notamment retrouvé à Liège, en Belgique. Le premier soir, le réalisateur, Alexis Durand Brault, avait réservé dans un super bon resto. Comme le tournage ne commence pas le lendemain, le vin coule à flots. L'équipe partage du bon temps. «Le lendemain matin, ça cogne à ma porte, raconte l'acteur. J'avais devant moi un spécialiste délégué de vélo, venu m'enseigner comment pédaler avec mes pieds clipsés sur les pédales pour les besoins du film. Je n'avais jamais fait ça. On s'est pratiqués dans le corridor de l'hôtel, où il y avait des murs de chaque côté pour retenir mes chutes. Après quelques allers-retours, il m'a dit: "Ok, va t'habiller, on sort pédaler!"» Patrice rigole en racontant l'épisode. «J'avais encore la tête dans les vapeurs de la veille. On est sortis tous les trois, Geneviève Jeanson (qui était présente tout au long du tournage), le conseiller technique et moi. Je roulais derrière eux dans les rues de Liège. Je me pinçais! Aïe, le grand! Tu fais du bécik avec Geneviève Jeanson en Belgique! C'était surréaliste! » Il ne lui est jamais venu à l'idée que Geneviève Jeanson s'est peut-être, elle aussi, pincée en se disant qu'elle faisait du «bécik» avec Patrice Robitaille.

Mais Patrice ne mange pas de ce pain-là. «Je trouve qu'on donne trop d'importance au métier d'acteur. Ma blonde est orthodontiste. Elle travaille à Sainte-Justine avec des enfants qui ont des problèmes de fissure labio-palatine. Parfois, des petites Asiatiques qui viennent d'être adoptées, et qui ont ce problème, se font refaire une bouche par une équipe médicale dont elle fait partie. Ensuite, j'en vois qui n'ont plus qu'une mince cicatrice. Les médecins de Sainte-Justine leur ont redonné une vie! Après ça, je suis loin de penser que mon métier est important! Je sais qu'il y a des comédiens qui pensent que jouer pour divertir, c'est d'une importance capitale. Désolé, mais je ne vois pas les choses comme ça! Et ce n'est pas de la fausse modestie. Je ne dénigre pas mon travail et je comprends que le divertissement est essentiel, mais je pense que c'est avec une fille comme ma blonde que les gens devraient rêver de pouvoir pédaler. Ça, c'est mon privilège.»  

Les plaisirs de patrice

1. Lire, l'été. Au bord de ma piscine. J'aime le faire par bourrées. J'aime y passer des jours et des jours. C'est une évasion totale, c'est le fun, c'est le meilleur moyen de stimuler ton imaginaire et, contrairement aux textes, je ne suis pas obligé de m'en souvenir.

2. Visiter des villes. Je suis hyper urbain. Tokyo, Berlin, Londres, Buenos Aires, Rome, New York, Chicago, San Francisco, Los Angeles... J'aime être dépaysé, mais pas trop. Je suis une poule de luxe. Je dis souvent à la blague que ça me prend un safe et un peignoir pour être heureux! J'aime «booker» les chambres, les visiter virtuellement. Je montre ça à ma blonde à l'écran et je trippe.

3. Les affaires de filles. D'abord, j'aime les filles! Je les trouve belles et je craque facilement, et souvent. Heureusement, ma blonde semble très confortable avec ça! Je pense qu'elle connaît bien mes limites, mais restons dans le sujet! J'aime les conversations où on refait la psychologie de chacun. J'aime cuisiner parce que j'aime bien boire et bien manger. Il est vrai que je porte du rose à l'occasion, et j'aime ça! J'aime les comédies romantiques et parler longtemps au téléphone, deux choses qu'on associe généralement aux filles, mais je me demande bien pourquoi!

4. Les affaires de gars. C'est vrai que je suis un gars «gars». J'aime jouer au hockey l'hiver, à la balle-molle l'été. J'aime le rituel de jaser dans le vestiaire pendant qu'on s'habille. Il y a des gars qui parlent de monoparentalité. Un autre arrive avec son stock de cravates. «Hey les gars! Je les ai au cost.» On se retrouve autour de la boîte. Pis y'en a un qui sort ses problèmes avec ses enfants. Y'en a un autre qui a vécu ça, et qui en parle. J'aime aller faire laver mon char au car wash, j'aime conduire ma Mustang décapotable, et non, je ne fais pas le tour des centres-villes de banlieue pour la montrer! Mais me rendre du point A au point B devient, chaque fois, une balade. J'aime m'occuper du barbecue - mon royaume - et j'aime utiliser mon blower à feuilles. Ah! et je mets exactement 12 minutes, le matin, à choisir mon linge!

Échange de coups

Coup de coeur. Pour le bichon maltais de ma blonde! Ok, on s'entend, j'ai eu un gros chien pendant 12 ans et je l'aimais d'amour. Quand j'ai connu Audrey, elle avait un chien «gros de même». C'est une petite femelle nommée Maya, mais communément appelée Croquette! J'ai des chums qui viennent à la maison et qui disent, un peu hautains: «Ok, une barbotte blanche!» Mais elle les séduit tous! Et ses pipis ne brûlent pas mon gazon! Vive Croquette!

Coup foireux. La réno! On dirait que c'est fait pour que j'haïsse ça!

Coup publicitaire. Ma première idée de carrière. Si je n'étais pas devenu comédien, je serais allé en pub! Je suis très admiratif des bons coups publicitaires.

Coup juste. Quand j'ai rencontré ma blonde, elle m'a dit: «Je peux t'amener dans un événement mondain ou faire une ride de Skidoo, et tu fittes partout!» Et c'est vrai: un smoking, c'est le fun, mais une bière et un oeuf dans le vinaigre, je trouve ça bon en tabarnache!

Prendre un p'tit coup. Je suis loin d'être un connaisseur en vin, mais en Californie, j'ai visité la région de Sonoma. J'étais «chaud» à 10 heures et quart le matin! Adoré!

Coup fatal. Un sac de chips. N'importe quelle sorte.

Coup de fil. Je suis un moyen téléphoneux. J'appelle mes parents aux deux jours. J'appelle mon ami François Létourneau tous les jours. On écoute des matchs de sport «ensemble», au téléphone. On ne parle pas, mais on sait qu'on est là. Des fois, je lui dis: «Attends, je vais pisser, je reviens.» Je sais, c'est ado. Mais commenter une game quand t'es tout seul, c'est plate!

Dernier coup. Déménager. J'aimerais que la maison que j'habite à Saint-Lambert soit ma dernière. Je voudrais qu'elle devienne la maison d'enfance de mes enfants.

Coup de baguette magique. Je ferais disparaître de la map toute référence à la religion. C'est la mère de toutes les guerres.

Coup de soleil. J'aime les destinations soleil. J'aime l'odeur de la crème solaire. Pour moi, la peau qui cuit, ça sent les vacances.

Coup de blues. La maladie des autres. Mon impuissance me donne le cafard.

Coup de crayon. Je signe les bulletins de ma fille et je trouve ça extraordinaire. Je vois la progression de ses travaux de mathématiques, son apprentissage des lettres cursives... Je suis attentif à tout. J'adore ça.

Coup marquant. Les Gouverneurs de l'espoir. C'est Geneviève Brouillette qui m'a amené là. Il s'agit d'un organisme qui vient en aide financière aux parents des régions éloignées dont les enfants sont hospitalisés dans les grands centres. Ça m'a vraiment touché au coeur. Dans de telles circonstances, l'argent ne doit pas et ne peut pas être un frein à la présence des parents auprès de leurs petits. J'invite les gens à faire un don, c'est vraiment une cause importante.

Coup de grâce. Ma blonde et moi, on s'est rencontrés dans la rue! Je le sais, ça semble arrangé avec le gars des vues! J'étais seul, et elle aussi. Je sortais peu; même chose pour Audrey. Nous étions chacun avec nos amis. On s'est parlé. J'ai craqué pour son sourire. Et je craque encore! Quand on est sortis du bar, ce soir-là, il tombait une grosse neige lourde. Comme dans une comédie romantique! (Il rit.) Audrey est une fille formidable. La vie est bonne pour nous. Je m'incline, je reste humble, et j'essaie de prendre ça avec grâce.

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