Loisirs et culture

Rencontre avec Chantal Fontaine

Rencontre avec Chantal Fontaine

Chantal Fontaine Photographe : Bruno Petrozza / TVA Auteur : Coup de pouce

Comédienne, animatrice, auteure, restauratrice... Chantal Fontaine a plus d'une corde à son arc et de l'énergie à revendre!

À 6 h du matin, sur les routes de campagne, Chantal Fontaine prend place sur la banquette arrière de la fourgonnette sept places de l'émission Par-dessus le marché, diffusée à V. «J'en profite pour apprendre mes textes pour Yamaska, lance l'animatrice. J'ai vu le jour se lever, ça sent bon dehors, et je m'en vais voir des gens qui travaillent la terre. Même si être agriculteur est une vie très dure, on dirait que ces gens-là ont le sens du bonheur!»

Femme d'affaires

Chantal Fontaine aussi, on dirait qu'elle a ce sens du bonheur. La peau radieuse, l'oeil vif, la chevelure abondante, mince, vigoureuse, souriante, elle incarne celle qui a tout pour elle et à qui la vie va comme un gant. En plus, sans faire d'efforts, elle voue un culte aux légumes! Une simple salade de concombre peut la réjouir. «Est-ce qu'elle est vraiment comme ça en personne?» m'a demandé une amie.

Oui, elle est vraiment comme ça! Et elle est encore là après avoir mis un terme à 12 années dans la peau de l'incontournable Virginie, personnage d'une quotidienne éponyme au-delà duquel plus d'un gérant d'estrade avait prédit une fin de carrière abrupte et sans appel. Nenni. Aux lendemains de son dernier jour de tournage, la comédienne s'est assise au bout du quai du chalet familial des Laurentides et a demandé à son fils Ludwig de lui installer sur son portable un logiciel de scénarisation. Là, devant un paysage dont elle ne se lassera jamais, elle s'est métamorphosée en auteure. Dans l'année qui a suivi, elle a déposé un long métrage de 125 scènes dialoguées à Téléfilm Canada et à la SODEC, a écrit 3 épisodes d'une comédie de 30 minutes et a décroché le rôle de Julie Davignon, femme de famille et propriétaire d'une pépinière, rôle pour lequel Chantal n'a pas eu à faire de composition!

En plus de jouer et d'animer Livraison d'artistes sur ICI ARTV, vu sa passion pour l'art, elle s'est lancée en affaires avec Aszú, un restaurant dans lequel elle fut l'un des investisseurs et qui n'a pas connu le succès espéré. «Je suis restée avec une grande interrogation après cet insuccès: et si je m'en étais occupée?» La question a pris de la place dans sa tête. «Accords, c'était d'abord et avant tout pour répondre à cette interrogation.»

Aujourd'hui associée à Jean-Pierre Des Rosiers, importateur de vin et ingénieur de formation, et à Guy A. Lepage, animateur et humoriste bien connu, elle gère quelque 70 employés au sein de deux restos, d'une cantine mobile - SO6 - et d'un étal au marché Atwater. «Faire des affaires dans mon milieu de vie et créer de l'emploi, ça me rend très fière. Je trouve que la PME est mal aimée au Québec. C'est très dommage. J'ai l'impression que le regard porté sur les gens d'affaires est plutôt négatif. C'est comme si le public ne faisait pas le lien entre créateurs d'emplois et gens d'affaires. Créer de l'emploi, ça demande un investissement et ça comporte des risques. Les gens d'affaires ne se résument pas en une gang de gros méchants qui font du cash sur le dos du monde! La vigueur économique d'une ville, c'est positif. Il faut que ça rapporte, c'est normal, mais il y a, dans tout ça, des histoires d'amour. J'en témoigne: en 2014, on n'ouvre pas un resto pour devenir riche. Ça doit être une passion. Et aussi quelque part, il ne faut pas s'en cacher, une folie!»

Cette énergie investie dans l'économie, c'est ce qui anime Chantal Fontaine ces temps-ci. Elle siège désormais à la Société de développement commercial du Vieux-Montréal et a été élue au CA de Tourisme Montréal. «Je ne fais pas partie des chialeux qui regardent passer la parade, lance-t-elle. Mon nouveau resto est situé en plein Quartier des spectacles, et je veux mettre l'épaule à la roue pour ma ville. Le mobilier urbain, la propreté, l'architecture, la signalisation, l'harmonie, tout ça me préoccupe. J'ai envie de m'investir, de pratiquer le bon voisinage en tant que restauratrice, de participer à la création d'une proposition aux Montréalais et aux touristes. Montréal a beaucoup à offrir, mais elle a besoin d'un petit électrochoc esthétique.» Quand je lui signale que c'est presque un discours de candidature à la mairie, Chantal Fontaine me fait un long «chut!», comme si je dévoilais un secret ou comme si j'avais dit quelque chose qu'il ne faut pas dire. Puis elle se reprend, à moitié convaincante. «Ben non, voyons, mairesse de Montréal, jamais!»

Ce nouveau métier l'a aussi enrichie du point de vue personnel. «Avec la gestion des restaurants, en cinq ans, j'ai changé. Par exemple, c'est devenu une discipline dans ma vie de ne pas laisser dégénérer les détails qui peuvent miner les relations. Je demande de la rigueur aux autres, mais à titre de chef d'orchestre, je dois être la première à fournir de la rigueur. Plus on attend avant de soulever un problème, plus c'est lourd! Chaque jour, j'ai ma liste de notes: je dois dire ça à Untel, je dois régler tel problème avec Unetelle, je dois insister sur telle situation.»

Elle l'avoue, elle n'a pas toujours été aussi disciplinée. «Les choses ont changé le jour où j'ai assumé que j'étais plus qu'une comédienne qui a investi dans un restaurant. Je suis la patronne!» Visiblement, elle aime le mot. Elle le répète plusieurs fois à voix haute. Elle fait rouler le «r» et s'en amuse. D'ailleurs, c'est ainsi que l'interpellent plusieurs de ses employés. «Patrrrrone! Je trouve ça drôle. Mais je pense que je suis une bonne patronne. Je donne des directives claires, je suis présente, respectueuse mais directe, et je suis à l'écoute.»

Femme heureuse

Ce mois d'octobre, elle célèbre ses 49 ans. Qu'est-ce que ça lui fait, cette dernière année de la quarantaine? Sa réponse est spontanée: «Ainsi va la vie, Barbie!» Elle rit. «Je suis la septième chez moi. Je suis le bébé! Je regarde mes soeurs et mes frères plus vieux, je les trouve tous beaux, en forme, allumés. Je regarde mes tantes de 90 ans, elles sont belles, drôles, alertes. Alors, non, je n'ai pas peur. Avancer en âge, on ne se préoccupe pas de ça, chez nous, à part pour fêter! Dans ma famille, rire est plus important que vieillir. Je trouve que j'ai la ride qui tombe juste à la bonne place», lâche-t-elle en riant. L'épaule, aussi, puisqu'on parle de beauté. Et ce n'est pas la crème qui donne du tonus au triceps de cette fille. C'est le tennis! «Les gars veulent jouer avec moi, signe que je suis pas pire! Mon chum me bat encore, mais un jour, il aura 80 ans, et je n'en aurai que 74. Je vais l'avoir avec le temps...»

Chantal a grandi à Saint-Hyacinthe, technopole des agriculteurs. Son père, parmi mille métiers, vendait d'ailleurs de la machinerie agricole aux fermes avoisinantes. Sa mère élevait les petits et cuisinait comme un cordon-bleu, malgré la maladie et une main paralysée. «À la maison, on n'était pas riches, mais à table, on était millionnaires!» C'est là que Chantal a appris très jeune à utiliser ses ressources à bon escient. «Si on voulait un gâteau aux framboises, on allait casser des framboises! Et puis, bien avant que la traçabilité ne soit une notion à la mode, on connaissait la provenance de tout ce qui était sur la table. Manger, c'était plus que manger. C'était un moment de joie, de partage. C'est resté.»

Avec son époux, le réalisateur et artiste peintre Robert Lamarche (dont les oeuvres embellissent plusieurs collections d'art au Canada, aux États-Unis et en France), Chantal fêtera ses 10 ans de mariage l'an prochain. Ça fait 18 ans qu'ils sont ensemble. Robert a une fille, Vivianne, qui aborde la trentaine, et Chantal est la mère de Ludwig, 26 ans, et de Camille, 23 ans. «Avec les enfants devenus adultes, on a vendu la maison familiale. Je vis en plein centre-ville, à deux pas du Quartier des spectacles et de notre nouveau bistro. Je fais tout à pied ou à vélo. Mais on a encore la maison de campagne, et c'est plutôt là qu'on prend du bon temps en famille.»

Pour Chantal, les plus grandes virées sont... gastronomiques! Les odeurs, les couleurs, la fraîcheur à table, ça fait presque partie de l'ADN de la comédienne. Pas étonnant qu'elle soit devenue porteparole de la campagne Aliments du Québec : toujours le bon choix! «Nos aliments, ce ne sont pas des produits ordinaires comme des boucles d'oreilles ou des chaussures. C'est au coeur de notre vie et de notre santé. Je vois mal comment on peut ne pas s'en préoccuper!»

D'ailleurs, l'idée d'un potager démesuré est au programme pour la retraite. «On sait déjà où on va construire la petite serre. On va faire un potager. Il va être très grand. On pense à 15 pi x 35 pi. Il va y avoir une variété infinie de légumes - le maximum. On va partir les semis - on va apprendre, avec le temps. Mon chum rit de moi. Il m'appelle "la Filiatrault" parce qu'il dit que je ne serai jamais capable de prendre ma retraite.» En le disant, elle se questionne. «Est-ce que je vais toujours avoir le piton dans le fond? Je pense que non, mais lui, il me voit comme une tribale finie qui ne pourra jamais vivre à la campagne à temps plein. Il pense que je finirais par m'ennuyer.» À moins de finir mairesse du patelin.

Les plaisirs de chantal

1. Voyager. L'hiver dernier, je suis partie trois semaines et demie en Argentine avec Robert. Seul petit hic, je suis plus bourgogne que malbec. Alors, côté vin, l'amatrice n'était pas aux anges. Sinon, j'ai vraiment adoré. Je suis aussi allée en Espagne, à Malaga et à Barcelone, cette dernière pour mieux rêver Montréal.

2. Jouer. Je pratique mon métier de comédienne avec un détachement nouveau. Aller jouer, maintenant, c'est les vacances! Je ferme mon cellulaire et je m'abandonne! Les problèmes ne m'appartiennent pas. Je suis un instrument, un personnage, et j'adore ça! C'est un bel équilibre dans ma vie.

3. Rencontrer des agriculteurs. Je pense à une productrice de fraises et de framboises de Deschambault. Elle a toujours ce petit rire qui la précède. À 76 ans, elle est aux champs tous les jours! Le contact avec la terre, ça donne des gens droits et fiers. Ça me ravigote d'être auprès d'eux.

4. Me lever tôt. J'aime me lever à 6 h et aller au gym. À 8 h 30, j'ai pris ma douche, je suis maquillée, habillée, coiffée, je me sens prête. Je fonce. Mais, à 18 h, ça me prend mon verre de vin! Il faut savoir commencer, mais il faut aussi savoir s'arrêter. Vient un moment où on ne règle plus rien.

5. Travailler. C'est une grande valeur dans ma vie. Et un plaisir. Je suis capable d'être concentrée et heureuse en travaillant. Je ne suis pas quelqu'un qui veut avoir fini avant d'avoir commencé! Il n'y a pas que le résultat qui me satisfait. Le plaisir de faire les choses est là, véritablement.

Échange de coups

  • Coup de pouce. Je salue celui de Guy A. Je sens une très grande confiance de sa part. Ce ne sont pas tous les mois qui sont faciles, mais, même quand les chiffres ne sont pas reluisants, j'ai toujours son vote de confiance.
  • Grand coup. Les jours de comptabilité. Aucune créativité là-dedans! C'est un mal nécessaire. Si tu veux que tes affaires marchent, les factures doivent obligatoirement te passer entre les mains. Jean-Pierre et moi, on se fait des journées «papiers». On en profite pour échanger nos petites anecdotes et tenter de rire pour alléger la tâche.
  • Coup de gueule. Je m'étonne, parfois, de la nature de nos exigences en matière d'aliments. On veut des pommes parfaites! Mais on ne peut pas demander à l'agriculteur une pomme parfaite et lui en vouloir d'utiliser des pesticides! Ce n'est pas la petite tavelure sur la pomme qui va nous faire mourir.
  • Coup de crayon. Mes to do lists. Jamais sans elles.
  • Coup de dés. Avoir laissé temporairement l'écriture de côté pour devenir restauratrice. Je ne sais pas encore si j'ai gagné la partie. Quand tout va rouler tout seul, ce sera le signe que j'y serai arrivée!
  • Coup de barre. De l'art public, à Montréal, un peu comme à Barcelone. La beauté de cette ville-là est audacieuse. Il y a quelqu'un qui a dit oui là-bas. Et c'est payant. Même grandeur de ville, même densité que Montréal, avec une ouverture sur le fleuve. Barcelone, c'est toujours plein. Avec des petits projets à la petite semaine, Montréal envoie un drôle de signal aux investisseurs. Il faut que ça change!
  • Coup dur. En restauration, les coups durs, c'est l'équipement qui brise. Et on dirait que les bris viennent toujours en bouquet: 1 000$ ici, 4 000$ là, 2 500$ ici... Les semaines où j'ai un trio d'équipements qui me lâche, j'en braillerais!
  • Coup bien balancé. Je suis Balance! J'ai un côté très artistique, intuitif. J'en ai un autre, tout aussi fort, qui est, lui, très organisé. 
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