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On revisite 100 ans de Noël au Québec

On revisite 100 ans de Noël au Québec

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Traditionnelles: les années 1910 et 1920

1925: premier défilé du père Noël dans les rues de Montréal, gracieuseté du magasin Eaton.

Naissance des catalogues et des services de commande postale en français. P.T. Légaré met le sien sur pied en 1910 et Dupuis Frères, en 1922.

Scandale! Même maigrichonne, la dinde se vend 60 cents la livre en 1920.

À l'époque, Noël est peu fêté chez les Canadiens français. On profite plutôt de ce jour sacré pour se recueillir et se reposer en famille. Au retour de la messe de minuit, qui regroupe trois messes dites l'une à la suite de l'autre, on partage une boisson chaude et une collation avec la parenté qu'on reverra le lendemain midi pour un repas digne de ce nom. Les vraies réjouissances ont lieu au jour de l'An. On offre alors des étrennes et les hommes circulent de maison en maison pour souhaiter une bonne année aux voisins et à la parenté pendant que les femmes accueillent les visiteurs avec un petit verre de rhum, ce qui irrite le clergé, qui voit là une voie de perdition. Graduellement, sous l'influence des Canadiens anglais, les francophones intégreront Noël à leurs célébrations.

Petit à petit, Noël se commercialise. Quelques sapins apparaissent çà et là dans les lieux publics et les journaux affichent des publicités suggérant «le cadeau idéal pour plaire à Madame». Les enfants de familles aisées reçoivent des soldats de plomb ou de jolies poupées au visage de porcelaine. Les autres se voient offrir divers objets fabriqués par un papa ou une maman habiles de leurs mains: toupie, poupée de chiffon, etc. Les magasins proposent les premiers articles à l'effigie de Noël... jusqu'à ce que la Première Guerre mondiale mette un frein à cette expansion commerciale.

 

Noël en crise: les années 1930

Une affiche publicitaire de Coca-Cola, parue en 1931, met en scène un gros bonhomme rouge à l'air bon vivant. L'archétype du père Noël tel que nous le connaissons aujourd'hui est né.

Un Américain, fabricant de brosses à nettoyer les toilettes, a l'idée de disposer de nombreuses brosses autour d'un pivot central: le sapin artificiel est né!

La Bolduc enregistre Le Bas de Noël et Marie Dubas, La Charlotte prie Notre-Dame.

Le krach boursier de 1929 a engendré une grave crise économique mondiale. Avec un taux de chômage frôlant les 30%, Montréal est l'une des villes les plus touchées au Canada. Les enfants héritent d'un bas de Noël bien peu garni: quelques bonbons forts et un fruit, une orange s'ils sont chanceux. Dans les campagnes et les petites villes, la crise se fait moins sentir.

Le sapin de Noël est passé dans les moeurs. La tradition veut que les parents le décorent le 24 au soir, pendant que les enfants dorment. On le pare de fruits, de noix, de friandises et de pâtisseries. On termine en déposant une crèche, de plus en plus populaire, à sa base. Bien des gens font fi des avertissements des autorités et accrochent des bougies aux branches, provoquant, bon an mal an, de nombreux incendies.

Le réveillon est devenu une tradition. Au retour de la messe, toute la parenté se réunit autour de la table. Dès la fin novembre, les femmes commencent à cuisiner des tourtières et d'autres plats qu'elles entreposent dans les petits cabanons, à l'extérieur, où les températures glaciales ont tôt fait de congeler la nourriture. Les histoires de l'un, les chansons de l'autre et la traditionnelle partie de cartes prolongeront la soirée jusqu'à tard dans la nuit.

Noël noir: les années 1940

1946: Tino Rossi enregistre Petit papa Noël

1947: Le magasin Ogilvy inaugure sa première vitrine de Noël. On accourt de partout pour contempler cette féerie.

Prix moyen d'un sapin de Noël en 1940: 1$

C'est la guerre. Par respect pour les hommes partis au front, on se garde de toute ostentation. De toute façon, le rationnement impose des célébrations modestes. Les produits de luxe ont disparu des tablettes, et pas question d'utiliser l'électricité pour illuminer les sapins. Préparer le repas du réveillon devient un vrai casse-tête. Les magazines proposent des recettes allégées en sucre et en gras, et les femmes s'échangent leurs coupons de rationnement.

Célébrations exubérantes: les années 1950

1953: Création du Village du Père Noël à Val-David

1959: Henri Paquet crée l'Association des pères Noël de la province de Québec

Le coût d'une poupée, en 1956? On en retrouve chez Eaton à 4,95$, avec sa petite montre assortie.

La guerre laisse place à une époque paisible et prospère, mais conservatrice. Les hommes réintègrent le marché du travail et les femmes regagnent - à contrecoeur - le foyer afin de prendre soin de la famille. La prolifération des magazines féminins et la commercialisation de nouveaux appareils ménagers valorisent leur rôle et finissent de les convaincre de l'importance d'être bien mises et d'afficher un intérieur moderne et soigné. Les ménagères se feront donc un devoir de veiller à ce que Noël soit PAR-FAIT!

Les magasins regorgent d'objets aux couleurs de Noël. Le nec plus ultra: les décorations intérieures électrifiées. On magasine, on achète, on dépense. Qu'importe: on s'est bien assez privés durant la guerre. L'invention du plastique à la fin des années 1940 entraîne la création d'une foule de nouveaux jouets. Les petites filles se réjouissent de recevoir des poupées aux traits plus vrais que nature et des électroménagers miniatures. Jouer à la ménagère, quel plaisir! À Fiston, on offre des camions, des voitures, une piste de course ou une panoplie de cowboy pour imiter ses héros des westerns.

Les années 1960: des jouets, encore des jouets!

1962: Le Noël des campeurs voit le jour à Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville

1964: Création du ballet Casse-Noisette par les Grands Ballets canadiens

L'arbre de Noël en aluminium arrive au Canada. Les ménagères à la page peuvent se le procurer dans un magasin à rayons pour un prix variant de 5$ à 20$.

Qui oserait passer Noël sans son poinsettia? La plante, originaire d'Amérique centrale, est maintenant répandue au Québec.

De plus en plus de foyers possèdent un téléviseur. Les publicitaires ont compris l'intérêt de produire des publicités destinées aux enfants, qui implorent désormais le père Noël de leur apporter les produits qu'on leur vante dans les réclames. Résultat: l'industrie du jouet explose, avec des revenus record de 150$ millions pour la saison des fêtes 1965. Il faudra attendre les années 1980 avant que des lois n'interdisent aux annonceurs de s'adresser directement à des enfants de moins de 13 ans. Côté cadeaux, la conquête spatiale titille l'imaginaire des petits garçons: les fusées et des spoutniks remplacent les trains électriques sous le sapin. Les Lego, inventés en 1949, connaissent des ventes record. Les fillettes, elles, convoitent Barbie (née en 1959) et le four Easy-Bake (1963), qui cuit des gâteaux grâce à la chaleur de ses ampoules électriques. Créé en 1959, le Etch-A-Sketch suscite, lui aussi, beaucoup d'intérêt.

Les années 1970: les premiers Noël recomposés

Que fait-on, le 31 décembre à 23 h? On regarde le Bye-Bye, créé en 1968.

En réponse à la désertion des fidèles, on célèbre maintenant la messe de minuit à 16 h, 20 h ou 22 h.

Le trio Paul et Paul engendre un ver d'oreille collectif: «C'est Noël, car il neige dans ma tête.»

Dans une société en plein changement, on s'ouvre à la nouveauté. La messe de minuit n'est plus un passage obligé. Les traditionnels tourtière et ragoût de patte ont fait place aux cocktails de crevettes, aspics et petits sandwichs «pas de croûtes» faits de pain rose, vert ou jaune, et servis dans des assiettes jetables. L'hôtesse reçoit des compliments pour son dessert à base de Jell-O, guimauves et salade de fruits en boîte tandis que les femmes sirotent des Cosmo.

Pendant que les adultes jouent une partie de Twister (jeu grandement réprouvé par les esprits conservateurs, qui y voient une incitation aux attouchements immoraux), les enfants s'amusent avec leurs figurines de Star Wars. Le phénomène des produits dérivés est né. Les fillettes, elles, revêtent leurs accessoires de Wonder Woman et de Princesse Leia, premières super-héroïnes. Quant aux plus jeunes, ils dorment à poings fermés sur la pile de manteaux de fourrure qui encombrent le lit des maîtres.

 

Les années 1980: des fêtes prudentes

Quel bonheur, chaque soir, de retrouver Astérix, Lucky Luke ou Tintin... Merci, Ciné-Cadeau!

1984: Création d'Opération Nez Rouge et publication du premier Guide des jouets du magazine Protégez-vous.

1988: Roland Hi-Ha Tremblay, alias Michel Barrette, bat des records de vente d'albums avec sa chanson Le Temps d'une dinde.

Les années 1980 imposent aux idéalistes de la décennie précédente un dur retour à la réalité. Dès le 1er janvier 1980, un incendie, provoqué par l'embrasement de branches de sapins séchées, dévaste la salle communautaire de Chapais et fait une quarantaine de morts et une cinquantaine de blessés. Puis, la perte du référendum sur la souveraineté, la récession et la grève illégale des employés du secteur public instaurent un climat de morosité.

Mais les enfants ont d'autres préoccupations. Après des semaines passées à soigneusement éplucher le catalogue de Distribution au consommateur à la recherche des plus beaux joujoux, ils doivent maintenant envoyer leur lettre au père Noël. La missive sera traitée par Postes Canada, qui a mis sur pied son programme national de lettres au père Noël en 1982. Cette année-là, les milliers de bénévoles répondent à 290 000 lettres. À ce jour, 20 millions de lettres-réponses ont été postées aux enfants. En 2002, le père Noël est même devenu techno: on peut désormais lui écrire par courriel!

Au réveillon, on lève le coude un peu moins qu'avant. Les nombreux accidents et décès provoqués, année après année, par l'alcool au volant incitent l'État à durcir la loi sur la conduite en état d'ivresse. À partir de 1985, quiconque conduit avec un taux d'alcoolémie supérieur à 0,08 s'expose à des peines sévères. «L'alcool au volant, c'est criminel. Qu'on se le dise!»

Mille traditions: les années 1990 et 2000

On n'a jamais fait aussi peu d'enfants au Québec. Alors ceux qu'on a, on les gâte! De nos jours, la majorité des femmes travaillent et gagnent un bon salaire, qui s'ajoute au revenu familial. Alors, rien de mal à céder aux quelques caprices de Pitchounette!

Entre le boulot, la garderie, la vie de famille et les tâches domestiques, il reste bien peu de temps pour faire des tourtières! Aussi recourt-on de plus en plus à des services de traiteurs qui proposent des menus de toutes sortes. Mets traditionnels, sushis ou foie gras?

Au XXIe siècle, Noël sera techno ou ne sera pas. Les internautes aguerris répugnent à se masser dans les magasins bondés et achètent plutôt leurs cadeaux en ligne. En 2005, 7 millions de Canadiens de plus de 18 ans s'étaient procuré pour 7,9$ milliards de biens et services via la Toile.

La province accueille chaque année un nombre croissant d'immigrants, ce qui n'est pas sans susciter de profonds questionnements identitaires chez les Québécois dits de souche. Les questions liées aux pratiques religieuses constituent un terrain particulièrement sensible où tout le monde marche sur des oeufs. Pour ne froisser personne, on souhaite maintenant de «joyeuses fêtes» et on décore «l'arbre de vie». Un peu partout, les célébrations se veulent inclusives et sont plus éclatées que jamais.

Pour redécouvrir Noël

  • La Fête de Noël au Québec, par Sylvie Blais et Pierre Lahoud, Les Éditions de l'Homme, 2007, 506 p., 9,95$ sur le site de l'éditeur, editions-homme.com.
  • Hourra pour Santa Claus!, par Jean-Philippe Warren, Boréal, 2006, 304 p., 27,95$.
  • Le Temps des Fêtes au Québec, par Raymond Montpetit, Les Éditions de l'Homme, 1978, 285 p. (disponible à Bibliothèque et Archives nationales du Québec).

 

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