Sexualité
On a sauvé notre couple!
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Réussir sa vie de couple est un défi en soi. Alors que les Québécois sont ceux qui se séparent le plus au Canada, ces quatre couples ont choisi d’affronter la crise pour en ressortir plus forts. Témoignages.
Le désir avec l'eau du bain
Véronique, 36 ans, et Bruno, 34 ans, ensemble depuis 13 ans
Ils sont pour ainsi dire inséparables depuis leur coup de foudre mutuel. Unis dans la vie comme au travail, ils font figure d'exemple dans leur communauté abitibienne, où tous s'entendent pour dire qu'ils forment un des plus beaux couples qui soient. Pourtant, pendant quelques années, leur dynamique harmonieuse a été déstabilisée par deux grossesses successives. Travailleuse autonome, Véronique ne pouvait pas s'arrêter bien longtemps.
«Une grossesse, et ensuite l'allaitement, ça te bouleverse le système hormonal! Ensuite, gérer une famille quand on travaille, tout le monde sait que c'est épuisant. Et là, déjà envahie par le stress et la fatigue alors que mon premier venait d'avoir un an, j'apprends que je suis de nouveau enceinte. Bon, il y avait peut-être un peu de dépression post-partum à travers ça, aussi. Mais bref, c'est devenu impossible pour moi d'être réceptive aux besoins de Bruno.»
Celui-ci s'est refermé dans sa coquille et s'est jeté dans le travail. «Véro, lorsqu'elle est stressée et fatiguée, elle tire sur tout ce qui bouge! Je me suis donc créé une carapace pour me protéger. On s'est murés chacun dans notre bulle et on a arrêté de communiquer, ce qui ne nous était jamais arrivé.»
Ainsi, même s'ils étaient partenaires au travail et solidaires dans l'organisation familiale, Véronique et Bruno se sont perdus de vue. Cela n'a rien fait pour améliorer leurs moments d'intimité, déjà passablement rares depuis l'arrivée du premier enfant. «J'ai complètement perdu ma libido. Et j'ai ressenti un désintérêt général pour Bruno, parce qu'on courait sans arrêt et qu'on n'avait plus de temps de qualité ensemble. Par ailleurs, mes deux bébés comblaient mes besoins de tendresse et d'affection. Il n'y avait plus de place pour mon amoureux...»
Si bien que, pendant près d'un an, ils ont complètement cessé de faire l'amour. Si Véronique avoue avoir douté de ses sentiments à ce moment-là, elle se rassurait en se disant que c'était circonstanciel, que les choses finiraient par se placer. Mais Bruno, lui, s'inquiétait d'avantage, en plus de vivre le rejet de celle qu'il aimait. «C'était extrêmement frustrant parce que je n'ai jamais cessé d'avoir envie d'elle. C'est très dur pour la confiance en soi. J'aurais pu facilement aller voir ailleurs. Elle-même me l'a suggéré, à quelques reprises... C'est dire combien elle était désintéressée.»
Complètement épuisés et pleinement conscients que leur couple battait de l'aile, ils ont réussi à trouver une amie pour garder les deux garçons et sont partis en vacances dans le Sud, histoire de décrocher et de faire le plein d'énergie ensemble. Ironiquement, c'est là que tout a failli éclater. «Une fois qu'on a été sortis de notre environnement et libérés des obligations familiales, toutes les accumulations sont sorties: reproches, regrets, culpabilité... Les premiers jours de nos vacances, on s'est sérieusement demandé si on n'allait pas rentrer chacun de notre bord!»
Ils sont plutôt revenus avec une liste de résolutions. «Comme on est habitués de travailler ensemble et qu'on forme une super équipe en ce sens, on s'est dit qu'il fallait se servir de cette force: on a donc traité notre couple comme un projet qu'il fallait mener à terme, en respectant des étapes et un échéancier.» Ça a marché: le «projet» a pris forme et, au bout d'un an de travail soutenu, il s'est réalisé. Véronique a vu son désir renaître, la communication s'est rétablie. Et les bébés sont devenus des enfants, laissant un peu de répit aux parents.
Si Bruno a un conseil à donner, c'est celui-ci: «On a beau aimer nos enfants plus que tout au monde, il ne faut pas hésiter à les faire garder une fois de temps en temps. Un soir, un week-end ou même une semaine! C'est absolument nécessaire de prendre le temps d'aller à la rencontre de l'autre si on veut arriver à fusionner.»
Maladie, dépression et remise en question
Caroline, 39 ans, et Marc, 46 ans, en couple depuis 21 ans
Parents d'un adolescent, complices et heureux, leur couple n'a jamais été mis à l'épreuve avant 2006. «Comme tout le monde, on vivait des hauts et des bas, mais jamais on n'avait remis notre union en question.» Jusqu'au jour où Marc est tombé malade. «Faire un infarctus à 39 ans, c'est tout un choc. J'avais l'impression d'avoir perdu une partie de moi-même. Ça m'a rendu carrément dépressif. J'ai perdu intérêt pour tout. Je n'avais envie de rien. J'ai même perdu ma libido.»
Caroline, de son côté, était partagée entre inquiétude et frustration. «Mon père est décédé d'une crise cardiaque quand j'étais adolescente, alors inutile de dire que j'ai pris la situation très au sérieux. J'étais particulièrement révoltée du fait qu'il ne voulait pas arrêter de fumer, malgré les risques que cela posait pour sa santé, désormais fragile. En plus, il ne voulait plus rien faire de ce que je lui proposais. J'avais l'impression d'être sa mère!»
Les disputes ont alors commencé, et la situation s'est mise à dégénérer. «Lorsque le ton montait entre nous, Marc finissait souvent par lancer qu'il en avait assez et qu'il allait quitter la maison. Ce à quoi je répliquais: "Fais donc ça!" Le climat s'envenimait gravement. C'était très éprouvant.» Avec cette perte d'intérêt généralisée et les chicanes de plus en plus fréquentes, Marc a sérieusement senti vaciller sa flamme amoureuse. Il l'a avoué à Caroline. «Je n'ai rien vu venir. La situation n'était pas à son meilleur, mais je voyais ça comme une mauvaise passe, et j'envisageais qu'on s'en sortirait. Mais, quand Marc m'a dit qu'il croyait ne plus avoir d'amour pour moi, ça m'a complètement déconcertée.»
À partir de là, tous deux ont senti l'urgence de sauver leur couple. Malgré son douloureux constat, Marc n'était pas prêt à jeter la serviette. «Il fallait se donner du temps afin de ne pas prendre de décision précipitée.» Alors, ils ont ouvert les valves et se sont communiqué leurs émotions au fur et à mesure. «On a beaucoup discuté, on a pleuré ensemble, on est devenus solidaires à travers cette crainte de se perdre.» Marc a aussi eu recours à une thérapie pour soigner sa dépression. Peu à peu, et grâce au soutien de Caroline, il est redevenu lui-même.
Mais pendant tout ce temps, il n'était pas guéri de ses douleurs cardiaques. Il lui a fallu une chirurgie des valves pour s'en sortir, deux ans après l'infarctus. Caroline a alors pris conscience de la fragilité de la vie et de la richesse de son couple. «Le matin de l'opération, j'ai réalisé à quel point le bonheur peut disparaître n'importe quand. J'ai eu très peur pour Marc. Et je ne me suis dit que je voulais être avec lui pour le reste de ma vie.»
Depuis, Marc a pris sa santé en main. Il a cessé de fumer et de consommer de l'alcool. Ils viennent de s'inscrire au gym ensemble et prennent de plus en plus de temps en tête-à-tête. Marc explique: «On aime s'évader dans une auberge pour un week-end, à l'occasion. C'est quelque chose qu'on n'a pas fait pendant des années, mais on réalise aujourd'hui que ça met du piquant dans le quotidien et que c'est extrêmement bénéfique pour le couple.»
Marc et Caroline prônent la communication et l'acceptation de l'autre, «qu'on ne peut pas changer de toute façon». Ils croient aussi que la fidélité et la complicité sexuelle sont essentielles. Caroline: «Ça peut sembler d'une autre époque de dire ça, mais j'ai choisi mon homme pour le meilleur et pour le pire. Il faut accepter l'imperfection et savoir tolérer les petits défauts de l'autre. Ça donnerait quoi de recommencer avec un autre avec qui je reproduirais plus ou moins le même pattern? De toute façon, je sais que je ne pourrais pas trouver mieux que lui. Je l'aime.»
Couple sous tension
Isabelle, 39 ans, et Raymond, 42 ans, ensemble depuis 25 ans
Isabelle et Raymond étaient encore ados quand ils sont tombés amoureux. Au début de la vingtaine, ils ont un premier enfant, un garçon. Suivent ensuite deux fillettes. Trois enfants, c'est du sport, mais généralement, ça signifie aussi beaucoup de bonheur. Toutefois, lorsqu'un des enfants est différent et qu'il a des besoins particuliers, les choses peuvent se corser sérieusement. L'aîné est un garçon turbulent et colérique; il sera diagnostiqué autiste des années plus tard. Au quotidien, Raymond et Isabelle n'ont aucune minute de répit. «Notre fils nous demandait une attention constante. Et lorsqu'il est devenu adolescent, la situation est devenue extrêmement éprouvante.»
Fatigue, inquiétude, frustrations, dépression: les chicanes de couple étaient nombreuses. Pendant toutes ces années où ils n'ont tout simplement pas eu le temps de communiquer, ils se sont pourtant apporté entraide et réconfort, du mieux qu'ils le pouvaient. Isabelle raconte: «On alternait nos moments de faiblesse. Pendant six mois, j'en arrachais et Raymond me soutenait. Ensuite, c'était l'inverse.»
Il est souvent arrivé à Raymond de partir se défouler sur la route, seul. «C'était ma façon à moi de me retrouver, de me calmer.» Pour Isabelle, c'est son implication dans les organismes communautaires qui a été salutaire. Elle explique aussi que, contre toute attente, ils ont su conserver un certain désir, qui leur a permis de tenir le coup malgré le stress et les défis du quotidien: «Même si Raymond a dormi sur le divan après plusieurs de nos chicanes, on n'a jamais cessé de faire l'amour. Je pense que c'était pour nous une manière d'évacuer les frustrations. Souvent, on était incapables de se parler avec des mots, alors on le faisait avec nos corps.» Ils ne comprennent pas comment ils ont fait pour conserver cette intimité, mais s'entendent pour dire que les relations sexuelles leur ont permis de calmer les tensions.
Mais des années sur le qui-vive, à faire rouler la machine malgré l'adversité, ça use. Puis, un jour, l'aîné devient adulte et quitte la chaumière familiale. Soulagement? Sur le coup, ce fut surtout, pour Raymond, une perte de repères: «Je ne savais plus quoi faire de moi. J'avais oublié qui j'étais, comme individu. Même chose pour Isabelle: je me suis retrouvé face à elle, et j'ai réalisé que je ne la connaissais plus. La soupape a sauté!»
Raymond a annoncé à Isabelle qu'il souhaitait vendre la maison et partir de son côté. «Je ne pouvais pas y croire, raconte Isabelle. Après tout ce qu'on avait réussi à traverser, on allait abandonner alors qu'on voyait enfin la lumière au bout du tunnel? C'était absurde, et je refusais de le laisser partir comme ça! Au bout de plusieurs heures intenses en émotions, j'ai réussi à le convaincre de ne pas prendre de décision précipitée. Ce soir-là, Raymond n'a pas dormi sur le sofa. Et dès le lendemain, on a décidé de tout mettre en oeuvre pour se retrouver.»
Ils sont alors partis pour la Floride, en voiture. Quarante-huit heures côte à côte dans une bulle, pendant que les deux filles dormaient ou écoutaient de la musique à l'arrière. Ces deux jours sur la route ont eu l'effet d'une véritable thérapie. «On a parlé de tout. On a ri, on a pleuré, et on s'est dit plus de choses en deux jours qu'au cours des quinze années précédentes!» Une fois à destination, leur couple était transformé: démonstratifs, affectueux, ils se sentaient heureux. «On a constaté qu'on s'aimait encore et qu'on était encore capables d'être bien ensemble.»
Depuis, ils vivent une seconde lune de miel. Ils se redécouvrent, communiquent, prennent du temps pour eux, ce qu'ils n'ont jamais pu faire pendant les années où ils ont élevé leur fils. Ils sont aujourd'hui convaincus d'être sortis grandis de ces années difficiles. Ils ressentent une grande fierté d'avoir réussi et se vouent mutuellement une admiration sans borne. Raymond confie: «Je pense qu'on s'aime encore plus qu'à nos débuts.»
L'infidélité: l'ultime tabou
Pascal et Mylène, 34 ans les deux, en couple depuis 14 ans (leurs noms ont été changés pour préserver l'anonymat)
Pascal et Mylène ont toujours été perçus comme le couple parfait. Mais ils ont vécu, comme tant d'autres, l'une des crises les plus courantes et les plus difficiles à surmonter pour un couple: l'infidélité.
Ils se sont connus dans la région natale de Pascal et y ont vécu quelques années. Puis, Mylène a eu envie de vivre le «trip urbain», du moins pour un temps. «On s'aimait, et pour nous c'était naturel de parfois faire des sacrifices pour le bonheur de l'autre.» Mais Pascal a mal vécu la transition. Il n'en a pas parlé, pour ne pas décevoir Mylène.
Malgré tout, la vie suivait son cours, et le couple a pris la décision de devenir parents. Mylène en était au premier trimestre de sa grossesse lorsque son homme a accepté un contrat dans son patelin pour l'été. «On s'est dit que ça lui ferait du bien, que ça le ressourcerait. Et le salaire que ça générait était plus que bienvenu!»
Une fois le contrat terminé, Mylène a trouvé Pascal distant. «J'ai pensé que la paternité lui faisait peur ou qu'il réalisait à quel point la ville lui pesait. Mais jamais je n'ai pensé qu'il avait rencontré quelqu'un, parce que je le savais très amoureux de moi.» C'est assise à l'ordinateur que Mylène a fait la triste découverte: une série de courriels qui ne laissaient aucun doute. Elle a aussitôt confronté Pascal, qui a tout avoué. «Rien de tout ça n'était planifié et je n'aurais jamais pensé que ça m'arriverait. J'ai essayé de comprendre ce qui m'avait pris. C'était en grande partie l'appel de la chair: Mylène avait une baisse de libido depuis qu'elle était enceinte, et puis on était à des centaines de kilomètres de distance. Alors, forcément, le sexe me manquait. Mais je n'avais pas de réel attachement pour cette autre femme. Ma relation avec elle répondait à un autre besoin, tout simplement.»
Sur le coup, Mylène a voulu qu'il parte. «Le choc a été extrêmement violent. Mais j'ai réalisé assez vite à quel point je tenais à lui. Je l'aimais. En plus, je portais son enfant! Cet accident de parcours allait-il détruire tout ce qu'on avait vécu?» Afin de vider la question une fois pour toutes, Mylène a exigé le droit d'en parler chaque fois qu'elle en ressentait le besoin. «Ça a duré trois semaines. J'avais l'impression d'être en dehors de ma vie, incapable de penser à autre chose. Mon monde parfait s'était écroulé. En plus, j'étais enceinte. Quel dur coup pour l'ego!»
Par la suite, Pascal s'est montré irréprochable. «J'ai tout fait pour qu'elle ne s'inquiète plus. Je l'appelais dès que j'avais du retard. Elle avait besoin qu'on soit hyper connectés, et j'ai respecté ça.» Le couple s'est entendu pour dire que le problème venait peut-être d'un manque de communication et de certaines insatisfactions du côté de Pascal. Il fallait donc ajuster certaines choses. «On a pris des décisions pour se recentrer. J'ai compris qu'il était malheureux en ville. Alors, pour nous et pour notre future famille, j'ai accepté de retourner vivre en région. Ça fait cinq ans que nous y sommes, et nous avons maintenant trois enfants. Je suis extrêmement heureuse d'avoir fait ce choix!»
Pascal considère que rien n'arrive pour rien: «Je regrette d'avoir fait souffrir celle que j'aime, mais cette histoire a fait que je suis une meilleure personne aujourd'hui. Ça m'a permis d'apprendre à m'ouvrir et à communiquer. Ça vaut la peine de persévérer et de passer par-dessus les pires tempêtes lorsqu'on a la chance d'être avec une personne qu'on aime...»
Pascal et Mylène n'ont pas mis leur entourage au courant de cet épisode de leur vécu, convaincus que les gens auraient jugé Pascal sévèrement et encouragé Mylène à le quitter. «Pascal n'est pas un monstre d'égoïsme ni un salaud. Il a connu un moment de faiblesse. Il n'a jamais cessé de m'aimer et, depuis qu'on est passés par-dessus cette histoire, nous vivons une ascension de bonheur. Ça valait vraiment la peine de lui pardonner.»
Infidélité: discrétion recommandée
L'infidélité compte parmi les premières causes de séparation chez les couples québécois. Malgré tout, certains parviennent à surmonter l'épreuve. Cependant, très peu d'entre eux souhaitent en parler à leur entourage. C'est pourquoi le couple qui a accepté de témoigner pour notre reportage est resté anonyme.
Selon le sexologue François St-Père, la discrétion est effectivement souhaitable: «Raconter à son entourage qu'on a trompé ou qu'on a été trompé risque de causer de nombreux préjudices, car c'est une situation qui heurte forcément les valeurs. Il s'installe alors un malaise généralisé.»
Le sexologue explique que les proches auront tendance à éprouver de la colère et du dégoût face au trompeur, tout en jugeant la personne trompée qui a choisi de pardonner à son conjoint. Certains vont tenter de s'ingérer en donnant des conseils, mais souvent ils n'ont ni le recul ni l'objectivité pour le faire. Plusieurs vont souhaiter la fin de cette relation, ce qui n'est pas sans conséquences chez le couple en question.
François St-Père croit toutefois qu'il est sain de pouvoir se confier lorsqu'on vit une telle situation. Il conseille toutefois de bien choisir le confident, c'est-à-dire un proche qui aura la capacité de se montrer objectif et qui ne portera pas de jugement, en plus d'être capable de garder le secret.