Sexualité
L'amour en solo, c'est bien!
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Pour hommes seulement, la masturbation? Pas du tout! Malgré tous les avantages qu'on peut en retirer, se faire plaisir soi-même est tabou. Petits préliminaires sur l'art de se faire du bien.
Pratiquer ou non les plaisirs solitaires est une affaire de préférences, d'éducation et de... pratique! Même si la masturbation peut en rebuter un brin certaines, ses avantages sont intéressants: elle peut avoir un effet positif sur notre estime de soi et notre rapport en général avec notre corps, et elle peut même améliorer nos relations sexuelles.
Sommes-nous nombreuses à expérimenter les plaisirs solitaires? Difficile de savoir: les avis des sexologues divergent, faisant osciller le pourcentage des pratiquantes entre 40 et 85 % selon les clientèles. Cependant, tous s'entendent pour dire que, de manière générale, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à le faire et qu'elles le font moins souvent. «Les jeunes femmes que je rencontre veulent apprendre où est leur point G et comment avoir des orgasmes éjaculatoires, mais elles ne savent même pas comment fonctionne leur clitoris. Et quand je leur parle de la masturbation comme façon de découvrir son corps et de connaître ce qui nous allume, elles me regardent avec du dégoût dans les yeux», raconte Jocelyne Robert, auteure et sexologue.
Les stéréotypes et les préjugés
«Je trouve un peu ridicule de me masturber seule dans mon coin alors que j'ai un conjoint avec qui j'aime faire l'amour et qui me donne satisfaction, confie Céline, 39 ans. J'aime l'idée de partager le plaisir avec l'homme que j'ai choisi. De plus, si je me masturbais, j'aurais peur que mon époux, s'il l'apprenait, ne le prenne "personnel" et ne croie que je ne suis pas comblée au lit.»
Selon la sexologue et psychothérapeute Marie-Josée Panneton, les femmes célibataires qui se masturbent se sentent moins coupables de le faire, car elles n'ont pas le choix. «Cependant, lorsqu'elles rencontrent quelqu'un, elles ont tendance à délaisser le plaisir solitaire, vu comme une sexualité de deuxième classe. Or, il faudrait plutôt le considérer comme un complément.
Les hommes font la différence entre la masturbation et la vie sexuelle en couple. Pour les femmes, la notion de partage du plaisir avec le partenaire prend le dessus.»
À l'instar de ses consoeurs, la sexologue et psychothérapeute Jennifer Pelletier constate qu'aujourd'hui encore plusieurs femmes remettent la responsabilité de leur jouissance entre les mains de leur époux. «Elles pensent qu'en se donnant elles-mêmes du plaisir elles seront perçues comme des cochonnes!» Réaction compréhensible: les images de femmes qui se caressent sont celles de la porno, qui met en scène des filles maquillées à outrance et asservies aux fantasmes des hommes. Rien à voir avec les mères de famille ou la fille d'à côté!
Libération de la femme
Pas étonnant qu'on ne s'y reconnaisse pas. Il y a moins d'un demi-siècle, le Québec baignait encore dans la morale religieuse et puritaine. Plusieurs générations de femmes, comme Lise, 44 ans, ont grandi en se faisant répéter qu'il ne fallait pas toucher son sexe, que c'était sale à cause des menstruations. «On nous disait que "ça, en bas", c'était un endroit pour notre mari. Personnellement, même si j'ai appris à relativiser en vieillissant, ces mises en garde ont orchestré un blocage chez moi. Alors, la masturbation...»
Aujourd'hui, malgré l'ouverture d'esprit et les connaissances scientifiques sur la sexualité, on éduque encore les petites filles en fonction de ce qu'elles n'ont pas, s'insurge Jocelyne Robert. «On leur dit: "Toi, tu es une fille parce que tu n'as pas de pénis" plutôt que: "Toi, tu es une fille et tu as une vulve et un vagin." En nommant les parties génitales, ça donne le goût à la fillette d'aller voir, de prendre un miroir et de se regarder. Et ça, c'est très sain.»
La masturbation comporte de nombreux bénéfices. En plus d'être une source de détente et de réduire les crampes menstruelles, elle demeure un moyen de prédilection pour apprendre à mieux connaître notre corps, ce qui nous excite, comment moduler notre excitation sexuelle et atteindre l'orgasme. Bref, c'est un processus important pour s'épanouir sexuellement. «L'avantage, c'est qu'on n'a pas la pression de l'autre. Lorsque je suis seule, je n'ai pas à me presser pour rejoindre mon chum dans son excitation ou à me soucier de performance. J'essaie des trucs, je découvre... et j'ai parfois de belles surprises!» souligne en riant Mylène, 35 ans.
L'intensité procurée
En matière de satisfaction, des mesures scientifiques (prises par électrodes) ont établi que les orgasmes obtenus par masturbation sont nettement plus intenses que ceux issus de relations sexuelles. «C'est normal, renchérit Jocelyne Robert. L'orgasme masturbatoire est une sensation très précise, comme la pointe d'une aiguille avec laquelle on joue. Cela dit, si je fais l'amour avec l'homme que j'aime, cet orgasme lié à l'intimité, à la chaleur de ses bras et à son regard qui me fait me sentir belle sera décodé comme plus satisfaisant.»
Le plaisir en solo a également des effets positifs sur le couple. «Si, grâce à la masturbation, les femmes sont capables d'apprendre à simplement ÊTRE et à s'abandonner à leur bulle de plaisir, et qu'elles parviennent à appliquer cet état dans leurs relations de couple, leurs conjoints les sentiront davantage présentes à la relation sexuelle», assure Marie-Josée Panneton.
Caroline, 27 ans, confirme que la masturbation a rendue beaucoup plus à l'aise au lit. «Ça m'a fait voir ce que pouvait être la sexualité dans son ensemble et ça m'a fait comprendre qu'en m'abandonnant vraiment j'arrive à oublier mes complexes. Aujourd'hui, mes bourrelets ne m'empêchent plus de faire l'amour en pleine lumière et de me trouver belle dans mon plaisir.»
Selon Nicole Audette, sexologue et psychothérapeute, la façon dont une femme se masturbe peut aussi avoir un effet sur sa vie de couple et sur la qualité de ce qu'elle partage avec un homme. «Celle qui colle toujours ses jambes en se masturbant avec un vibrateur et pour qui l'orgasme est tout ce qui importe pourrait ensuite avoir de la difficulté à apprécier les caresses sensuelles de son mari.» À l'inverse, celle pour qui la masturbation englobe la diffusion du plaisir dans tout le corps saura profiter davantage des moments intimes passés avec son conjoint.
Libido décuplée
Les attouchements que l'on s'octroie peuvent augmenter notre libido. En s'abandonnant à ces plaisirs, on risque d'y prendre goût davantage, pour le bonheur des deux partenaires. Alors, que celles qui craignent de trop aimer ça roucoulent tranquilles: à moins que la masturbation ne devienne compulsive (comme une façon de gérer notre anxiété ou nos émotions) ou qu'elle ne nous amène à délaisser complètement notre sexualité de couple (symptôme d'un malaise plus profond), il n'y a aucun mal à se faire du bien!
Tout comme prendre son temps pour s'enduire de la tête aux pieds d'une crème doucement parfumée.» On en profite pour apprivoiser tout son corps: les bras, les épaules, les jambes, le ventre. Puis, pourquoi pas, observer ses organes génitaux à l'aide d'un miroir. «Beaucoup de femmes n'ont jamais regardé leur sexe, sauf si elles croient avoir un problème de santé quelconque», déplore Marie-Josée Panneton.
Sans les doigts
Utiliser nos doigts nous déplaît? On utilise un léger jet de douche-téléphone ou quelque chose de doux qui servira d'intermédiaire. Quant aux jouets dont regorgent les boutiques érotiques, ils sont d'une redoutable efficacité, mais... «Avec un vibrateur, c'est très rapide. Les mouvements sont concentrés sur le clitoris avec une vigueur et une constance qu'on ne peut reproduire avec les doigts. Ça peut être une bonne façon de déclencher un orgasme et, pour une femme qui n'en a jamais eu, d'apprendre ce que c'est. Mais pour découvrir ce qu'elle aime, comment elle aime se faire toucher, quelle pression lui convient, elle a tout avantage à privilégier d'autres méthodes», explique Jennifer Pelletier. L'idéal? Varier les options, histoire de s'amuser un peu tout en apprenant à mieux se connaître.
Relaxer et fantasmer
La seule pensée de notre longue liste de tâches à effectuer nous empêche de nous abandonner? Peut-être y a-t-il lieu de faire précéder notre prochaine session de volupté 101 d'une période de transition qui nous prépare à ÊTRE plutôt qu'à FAIRE. «On déguste notre dessert préféré ou on écoute de la musique, par exemple, suggère Marie-Josée Panneton. L'important, c'est d'être à l'écoute et à l'affût des sensations qui nous habitent.» Les minutes passent et on ne sent rien? «Persévérez, s'exclame Nicole Audette. Je suggère souvent à mes clientes de se donner au moins de 10 à 15 minutes, au moins 3 fois par semaine. Peu importe si on ne ressent rien ou si peu, ce qui est déjà un progrès. Et puis, tout l'imaginaire érotique entre aussi en ligne de compte.»
En effet, trouver les pensées qui nous émoustillent et nous font nous sentir bien équivaut à mettre au rancart celles qui nous culpabilisent ou qui génèrent de l'anxiété. On favorise ainsi la capacité de lâcher prise et de s'épanouir. Pour y parvenir, on lit un roman érotique, on écoute de la musique langoureuse ou on regarde un film sexy. L'important est de rester disponible et attentive à nos réactions. Si tel passage d'une histoire ou un état d'âme particulier évoque des images qui nous donnent des frissons, on emmagasine ces scènes dans notre esprit et on se les remémore au moment opportun. Car, comme l'affirme Jocelyne Robert, «on ne fait pas que nourrir notre corps de plaisir, on nourrit notre imaginaire et notre goût de rester vivante sexuellement. Et ça, c'est important!»
En savoir plus
- Le Sexe en mal d'amour - De la révolution sexuelle à la régression érotique, par Jocelyne Robert, Les Éditions de l'Homme, 2005, 226 p., 24,95$.
- Atteindre l'extase, par Nicole Audette, Logiques, 2005, 160 p., 19,95$.