Sexualité
Dépendance au sexe ou désir insatiable?
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L’alcool a son alcoolisme et le casino ses joueurs compulsifs. Mais qu’en est-il du sexe? Peut-on avoir une dépendance sexuelle? Ou parle-t-on plutôt de désir insatiable? Quand faire l'amour devient une obsession.
Qu'ont en commun Tiger Woods, Arnold Szchwarzenegger et Dominique Strauss-Kahn? Ils ont tous fait la manchette pour leurs frasques sexuelles. Désir insatiable ou obsession sexuelle? La dépendance au sexe est-elle un phénomène réel?
«Tout à fait, affirme Sylviane Larose, sexologue clinicienne et psychothérapeute. Même s'il n'y a pas de consensus scientifique sur la question, ma pratique m'indique qu'il est possible d'être dépendant du sexe, au même titre qu'on peut l'être avec l'alcool ou le jeu.»
Désir ou obsession?
Vivre au service de ses bas instincts n'est pas de tout repos. Fréquentation compulsive de sites pornographiques, consommation de films érotiques, masturbation excessive, relations extraconjugales et recours régulier à la prostitution mobilisent temps et argent des personnes qui en dépendent. Souvent appelée «sexolisme», la dépendance sexuelle touche autant les personnes issues du milieu des affaires, que celles issues des couches moins favorisées de la société.
Mais à partir de quand un désir intense pour le sexe devient-il une dépendance? «On parle de dépendance lorsque le désir devient envahissant. Quand toutes les pensées s'organisent autour du sexe, qu'on se donne des stratégies pour avoir ce que l'on veut et que cela prend de plus en plus de notre temps au quotidien. Une personne dépendante, par exemple, ira sur des sites pornographiques même si elle est en vacances», explique Sylviane Larose.
Difficulté à gérer les émotions
La personne dépendante a de la difficulté à gérer ses émotions, qu'elles soient positives ou négatives, précise la sexologue. Elle utilise la pornographie et le sexe pour relâcher les tensions causées par le stress, des frustrations, voire même une joie intense. La compulsion est une sorte de force intérieure qui la pousse à poser une action, même si celle-ci ne correspond pas à ses valeurs. «Il s'en suit alors de la culpabilité et des remords, ce qui provoque une zone de malaise, qui amène la personne à recommencer son comportement pour soulager cette tension», affirme Sylviane Larose, en expliquant qu'elle entre alors dans un véritable cercle vicieux.
Pour s'en sortir, elle recommande aux personnes dépendantes de suivre une thérapie qui leur permettra de se donner des moyens de mieux gérer leurs émotions et surtout, de travailler leur estime d'eux-mêmes. «Tout part de l'estime de soi. S'éloigner de la source de sa dépendance ne suffit pas. Certains dépendants viennent me voir pour une dépendance sexuelle et m'avouent avoir déjà été dépendants de l'alcool ou d'autre chose. La dépendance s'en va, mais le besoin d'exutoire demeure.»
Des groupes d'entraide
Il existe aussi différents groupes pour venir en aide aux personnes dépendantes sexuellement. Inspirés par le principe des alcooliques anonymes, ces groupes sont constitués de personnes dépendantes sexuelles, qui partagent leurs expériences pour régler leurs problèmes respectifs. Selon les «Sexoliques anonymes», il y a dépendance sexuelle lorsqu'une personne devient esclave de la cyberpornographie, des vidéos, des magazines érotiques, des bars de danseuses ou qu'elle est constamment impliquée dans des situations sexuelles dangereuses.
Afin de se libérer de ces comportements obsessifs, le groupe suggère un traitement en douze étapes, un peu à la manière des alcooliques anonymes, qui passe de la prise de conscience du problème à une réduction progressive des activités lié à l'obsession.
Jacques fait partie de ce groupe. Aujourd'hui âgé de 60 ans, il se rappelle sa dépendance. C'était il y a 20 ans. «À l'époque, je lisais des histoires érotiques, j'allais aux danseuses, je regardais des films pornos. Je me bâtissais des scénarios dans ma tête et je faisais de la manipulation émotive à ma femme pour les réaliser. J'ai utilisé ma femme comme un objet sexuel pendant des années avant que mon psychologue me dise que j'étais un baiseur compulsif.»
L'abstinence sexuelle temporaire est inévitable, selon Jacques, pour mettre fin à un comportement obsessif. «Il faut arrêter complètement l'activité de notre obsession pour travailler sur le pourquoi de nos comportements. Mais contrairement à l'alcoolisme ou au jeu, on ne peut pas vivre sans rapports sexuels toute une vie», conclut-il en riant.
Êtes-vous dépendant sexuel?
Voici quelques questions, tirées de la littérature des Sexoliques Anonymes, qui vous aideront à identifier les signes de dépendance sexuelle, mais ne constituent pas un diagnostic fiable.
- Avez-vous déjà pensé que vous aviez besoin d'aide en ce qui concerne vos pensées ou votre comportement sexuel?
- Que tout irait mieux si vous arrêtiez de céder à vos pulsions sexuelles?
- Que la sexualité ou l'excitation vous contrôle?
- Avez-vous déjà essayé d'arrêter ou de limiter ce que vous jugiez comme malsain dans votre comportement sexuel?
- Vous servez-vous de la sexualité pour vous évader, soulager votre angoisse ou parce que vous ne pouvez plus tenir le coup?
- Par la suite, vous sentez-vous coupable, plein de remords et déprimé?
- Votre recherche de sexualité est-elle devenue plus impérative?
- Cela nuit-il à vos relations avec votre conjoint(e)?
- Devez-vous avoir recours à des images ou à des souvenirs pendant l'acte sexuel?
- Sentez-vous une impulsion irrésistible lorsque quelqu'un vous fait des avances ou lorsqu'on vous offre du sexe?
- Allez-vous d'une «relation» ou d'un partenaire à un autre?
- Pensez-vous qu'une «relation idéale» vous aiderait à vous libérer de la luxure, de la masturbation, de la promiscuité?
- Avez-vous désespérément besoin de quelqu'un, sexuellement ou affectivement, au point de vous détruire?
- Votre recherche de sexualité vous porte-t-elle à vous négliger ou à négliger le bien-être de votre famille et de votre entourage?
- Votre efficacité ou votre concentration a-t-elle diminué à mesure que votre sexualité devenait plus compulsive?
- Perdez-vous du temps à votre travail à cause de cela?
- Fréquentez-vous un milieu inférieur au vôtre lorsque vous être en recherche de sexualité?
- Voulez-vous vous éloigner de votre partenaire sexuel aussitôt que possible après l'acte?
- Même si votre conjoint(e) est compatible sur le plan sexuel, vous masturbez-vous encore ou avez-vous encore des relations sexuelles avec d'autres?
- Avez-vous déjà été arrêté pour un délit criminel d'ordre sexuel?