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Vieillir, ouain pis?

Vieillir, ouain pis?

  Photographe : Shutterstock

Chaque jour qui passe nous rapproche de la vieillesse. L’âge d’or ne survient donc pas subitement. 

Pourtant, la majorité d’entre nous y arrive bien mal préparés. Alors, on fait quoi pour bien vieillir?

 

Yolande Laroche, 94 ans, habite encore dans la maison familiale de Drummondville où elle a élevé ses sept enfants. Elle lit beaucoup et fabrique du savon artisanal qu’elle partage allègrement avec son entourage. Elle reçoit de la visite plusieurs fois par semaine. Plus tôt cette année, ses enfants lui ont demandé de porter un bracelet d’urgence, au cas où elle chuterait pendant la nuit. Elle n’aime pas trop, elle dit que «ça fait vieux». Voilà une réflexion étonnante: si elle ne se considère pas comme vieille, qui l’est?

 

À quel âge devient-on vieux?

C’est la question qu’ont posée des chercheurs du Centre hospitalier de l’Université de Montréal à 300 patients et accompagnateurs. La réponse moyenne pour l’ensemble des participants est de 74 ans. Or, la perception de la vieillesse varie en fonction de l’âge, du sexe, de l’origine ethnique et de l’état de santé. Les 18 à 64 ans, par exemple, ont répondu 71 ans en moyenne, alors que les 65 ans et plus ont plutôt opté pour 77 ans. Les hommes établissent l’âge de la vieillesse à 72 ans contre 75 ans pour les femmes. «Pour moi, 72 ans, ça reste bien jeune», pense pour sa part Jean Larocque, toujours actif et sur le marché du travail, même après avoir soufflé autant de bougies.

S’il n’y a pas de chiffre précis, c’est parce qu’il n’y a pas qu’une seule réponse. Vieillir est propre à chacun. Certaines personnes de 90 ans restent actives et autonomes, tandis que d’autres de 70 ans sont malades ou en perte d’autonomie... et que la majorité se situe quelque part entre les deux. «Le vieillissement est un processus continu, dont les effets diffèrent beaucoup d’une personne à l’autre», affirme Sylvie Belleville, professeure titulaire au Département de psychologie de l’Université de Montréal et directrice de laboratoire au Centre de recherche de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.

Ainsi, la véritable question n’est pas tant de savoir à quel âge on devient vieux, mais à quel âge on commence à se sentir vieux.

 

Repenser notre rapport au vieillissement

Au cours du dernier siècle, l’espérance de vie des Québécois s’est allongée de plus de 30 ans, passant de moins de 50 ans, en 1900, à plus de 83 ans, en 2021. On pourrait donc dire qu’on devient vieux plus tard que nos ancêtres. De nos jours, on rencontre d’ailleurs plein d’octogénaires qui mènent des vies actives et qui sont bien entourés.
Pourtant, on est plusieurs à capoter à partir de 40 ans, arguant que notre vie est finie! Pourquoi? «C’est comme si l’on n’avait pas fait la paix avec le vieillissement. On perçoit ça comme quelque chose de carrément négatif», répond Sylvie Belleville, qui a coécrit Vieillir en santé, c’est possible!. Il faut dire que le troisième âge n’a pas la cote en ce moment. Dans une société qui valorise la beauté, la jeunesse et l’excellence, ce n’est pas évident de voir apparaître cheveux gris, rides et divers petits bobos liés à l’âge.

«Notre société ne côtoie pas le vieillissement, et quand on ne connaît pas quelque chose, on a tendance à en avoir peur», avance le gériatre Stéphane Lemire, président fondateur de la fondation AGES, qui a pour ambition de créer un réseau de gériatrie sociale à travers le Québec.

 

couple âgé

© Unsplash | Christian Bowen

 
Une question de qualité de vie

Qu’on le veuille ou non, il arrive un moment dans la vie où les signes du temps qui passe commencent à se faire sentir. Fragilité du sommeil, pertes d’appétit, de mémoire et de mobilité, diminution de la force musculaire et de l’endurance cardiorespiratoire, incontinence, troubles de la vision et de l’audition ne sont que quelques-uns des problèmes qui apparaissent petit à petit. Et c’est sans compter les risques de maladies, qui augmentent au fil des ans. «Physiquement, il y a de petites choses que je ne peux plus faire», admet Jean, qui s’adonne toujours au vélo, à la marche et au ski de fond.

Pour le reste, tout dépend de notre façon de gérer ces défis. «Si on s’adapte aux changements au lieu de les voir comme quelque chose d’épouvantable, ça change tout», soutient Sylvie Belleville. Et il ne faut surtout pas se cacher ou s’isoler, pour ne pas perdre la stimulation des proches. C’est aussi une question d’attitude, selon le Dr Lemire. «On peut très bien souffrir de maladies chroniques, prendre des médicaments ou même avoir des incapacités et, malgré tout, se juger en bonne santé et avoir une qualité de vie satisfaisante», affirme-t-il dans le livre Vieillir, la belle affaire – Garder son pouvoir d’agir, qu’il a coécrit. 

 

Les richesses de la vieillesse

Heureusement, vieillir n’est pas synonyme de déclin sur tous les plans. «Les aînés ont un grand savoir expérientiel, ils ont accumulé des connaissances. Ils ont acquis une espèce de sagesse ancestrale», indique le gériatre. «Les gens âgés sont plus en paix, plus heureux, ajoute Sylvie Belleville. Il y a une sérénité qui s’installe. Ils ont moins d’exigences et d’attentes, ils cherchent moins à réussir à tout prix, à tout bien faire.»

Et qui dit retraite dit plus de temps pour soi, pour ses intérêts personnels, pour passer du temps avec les gens qu’on aime, pour réaliser les projets qu’on a en tête depuis longtemps et qui nous tiennent à cœur. «C’est sûr que je vais avoir une retraite active, affirme Jean. Je vais encore travailler, mais de façon bénévole. Puis je vais continuer à lire, à jouer de la musique, à partir en camping... à faire toutes sortes de choses!»

Enfin, il ne faut pas oublier que vieillir en santé est un privilège... et que c’est la seule façon de vivre longtemps. À nous, maintenant, d’apprivoiser la vieillesse pour en tirer le meilleur parti et de continuer à prendre soin de notre machine pour conserver une bonne santé physique et cognitive. 

 

Vieillir

© Shutterstock

 

Agir au lieu de subir

Si on n’a aucun contrôle sur certains facteurs qui accélèrent le vieillissement, tels que notre sexe, notre bagage génétique et la pollution atmosphérique, il y a de nombreux facteurs sur lesquels on peut agir. «Le vieillissement est déterminé en grande partie par des facteurs modifiables, ce qui signifie qu’on a un grand pouvoir sur la façon dont on vieillit», précise Sylvie Belleville.

 

Avoir de bonnes habitudes de vie

Les recommandations sont les mêmes pour toutes les périodes de la vie, de la naissance jusqu’au quatrième âge: avoir une alimentation saine, une bonne hygiène de sommeil, faire de l’activité physique, éviter le tabac et boire de l’alcool modérément. «Ce qui fait la différence pour bien des gens, c’est d’adopter ces habitudes le plus tôt possible... et il n’est jamais trop tard pour commencer», souligne le Dr Lemire.

 

Préparer sa retraite

Sylvie Belleville rapporte que dans les pays d’Europe où la retraite est obligatoire, on observe une augmentation de la dépression et une chute des fonctions cognitives l’année suivant le départ à la retraite, surtout chez les gens qui exerçaient une profession stimulante et qui avaient un réseau social à leur travail. «La retraite, il faut la préparer, réfléchir à l’avance aux choses qui vont nous manquer et trouver des façons de les combler autrement, par exemple en faisant du bénévolat ou en travaillant à temps partiel», conseille-t-elle.

 

Entretenir un réseau social

Cultiver des amitiés et tisser des liens sociaux peut être un défi en vieillissant. Pourtant, c’est essentiel afin d’éviter l’isolement, qui touche beaucoup d’aînés. «Ce facteur est déterminant pour bien vieillir. Ce n’est pas nécessaire d’avoir un grand réseau social; ce qui importe, c’est d’avoir des gens qui nous sont proches», note Sylvie Belleville.

 

Rester actif intellectuellement

Il est possible de diminuer les pertes cognitives dues au vieillissement normal, comme les pertes de mémoire, d’attention et de rapidité à traiter l’information, en ayant une vie intellectuelle stimulante. En d’autres mots, on doit continuer d’être curieux et d’apprendre, de lire, de faire des sudokus, d’aller au musée et au théâtre, entre autres activités. «Une personne sur trois de 85 ans et plus souffre d’alzheimer. C’est gigantesque! affirme Mme Belleville. En ce moment, il y a 500 000 personnes atteintes de troubles neurocognitifs graves au Canada, et ce nombre va doubler dans les prochaines années. Il faut vraiment y voir.»

 

S’adapter

La mémoire nous fait parfois défaut? On dresse des listes et on met des alarmes de rappel sur notre cellulaire. On se déplace moins vite? On part 15 minutes plus tôt pour se rendre à nos rendez-vous. On ne peut plus jouer au tennis? On essaie un sport mieux adapté à notre condition. «Vieillir n’est pas un obstacle à surmonter, mais un processus à apprivoiser», écrit le Dr Lemire.

 

Demeurer positif

Être vieux est davantage une question de perception que d’âge. Tant qu’on se sent assez en forme pour vaquer à nos occupations de façon autonome, on ne se considérera pas nécessairement comme vieux. Sans tomber dans l’optimisme à outrance, le gériatre croit qu’il est possible de voir le bon côté des choses. «Quand on marche moins vite, on peut contempler plus», cite-t-il en exemple.

 

 
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