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Une compétition pour l'eau se dessine dans le monde

Une compétition pour l'eau se dessine dans le monde

Istockphoto.com Photographe : Istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

La croissance démographique, l’évolution des modes de consommation alimentaire et les besoins accrus en énergie exercent une pression à la hausse sur la demande en eau. Selon l’Organisation des Nations Unies (ONU), une compétition pour l'eau se dessine dans le monde.

Le troisième Rapport mondial des Nations Unies sur l'évaluation des ressources en eau se distingue des précédents par son ton alarmant. «En dépit du caractère vital de l'eau, le secteur souffre d'un manque chronique d'intérêt politique, d'une mauvaise gouvernance, et de sous-investissement. Il faut agir d'urgence pour éviter une crise globale», indique le directeur général de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), Koïchiro Matsuura, dans l'introduction du document L'eau dans un monde qui change.

Des experts de 25 agences et entités de l'ONU ont travaillé au rapport, publié tous les trois ans, avant le forum mondial de l'eau. Dans celui de 2009, ils insistent sur le rôle joué par l'eau dans le développement et la croissance économique et prévoient que la compétition pour l'eau se dessinera entre les pays, entre les zones urbaines et rurales, mais aussi entre les différents secteurs d'activité.

Des mesures pour protéger l'eau

Plusieurs pays ont pris des mesures légales pour protéger leurs ressources en eau. Mais ces réformes n'ont guère porté de fruits parce que les actions restent trop souvent cantonnées dans le seul secteur de l'eau, notent les auteurs du rapport. Soulignant qu'un meilleur équilibre devrait être trouvé entre la lutte contre le changement climatique et l'adaptation à ses effets, ils déplorent le peu de ressources consacrées à l'eau, comparativement aux sommes investies dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. 

L'aide internationale allouée au secteur de l'eau ne représente que près de 5 % du total de l'aide. Pourtant, la ressource est au cœur des problèmes vécus par plusieurs pays en développement. Mais plus encore que l'argent, c'est une prise de conscience politique qui manque, indique le rapport.

On veut toujours plus d'eau

La surpopulation est l'un des problèmes qui pourraient mener à une crise mondiale de l'eau, selon le rapport. La population du globe, aujourd'hui de 6,6 milliards d'habitants, augmente de 80 millions chaque année, ce qui hausse les besoins en eau de 64 milliards de mètres cubes par an. Et selon les données publiées par l'ONU, la population mondiale devrait dépasser les 9 milliards en 2050. La majeure partie de cette progression vertigineuse interviendra dans les pays pauvres, et surtout dans des régions où l'eau est déjà rare.

Cette croissance démographique exerce une pression sur la demande en eau, notamment pour l'agriculture, qui représente 70 % de l'ensemble de la consommation en eau (contre 20 % pour l'industrie et 10 % pour les besoins domestiques). L'évolution des habitudes alimentaires pèse également lourd dans la balance, alors que les pays émergents consomment de plus en plus de viande, de pain et de produits laitiers. La production d'un kilo de blé nécessite de 800 à 4000 litres d'eau, comparativement à 2000 à 16 000 litres pour un kilo de viande de bœuf.

Besoin croissant en énergie

Plus de monde veut aussi dire besoin croissant en énergie, deuxième secteur utilisateur d'eau.

La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre stimule le développement de l'hydroélectricité, qui assure aujourd'hui 20 % de la production électrique mondiale. La production de biocarburant s'est intensifiée. Il s'est produit trois fois plus d'éthanol en 2007 qu'en 2004. Pourtant, «les biocarburants peuvent avoir un impact disproportionné sur l'environnement et la biodiversité parce que leur culture nécessite l'utilisation de grandes quantités d'engrais et de beaucoup d'eau», notent les auteurs du rapport. Entre 1000 et 4000 litres d'eau sont nécessaires pour produire un seul litre de biocarburant. En comparaison, il faut 2 m3 d'eau pour produire 1 MWh d'électricité à partir du charbon, 2,5 m3 à partir du nucléaire, 4 m3 à partir du pétrole et de 20 à 45 m3 à partir du pétrole bitumineux.

Le Canada pointé du doigt, le Québec félicité

L'exploitation des sables bitumineux albertains est d'ailleurs pointée du doigt, rapporte La Presse. Les auteurs du rapport soulignent que l'extraction de ce pétrole non conventionnel demande 10 fois plus d'eau que la production de pétrole classique. Ils ajoutent que le pompage de ces énormes quantités d'eau hypothèque l'avenir de la rivière Athabasca, où elle est puisée, et pose un problème d'entreposage de l'eau contaminée. Actuellement, cette dernière est confinée dans des bassins de décantation.

Le Québec reçoit pour sa part des félicitations pour son approche par bassin versant (territoire dont les eaux de surface s'écoulent vers un même lieu) qui consiste à regarder le cycle hydrologique dans son ensemble. Cette méthode encourage l'action communautaire pour déterminer les problèmes environnementaux liés à l'eau.

Réfugiés climatiques et investissements

Dans le même temps, les régimes hydrologiques sont déréglés par le réchauffement climatique. Les scientifiques s'accordent à prévoir des sécheresses plus longues et des inondations plus nombreuses. En 2030, 47 % de la population vivra dans des régions déjà soumises à un fort stress hydrique. La pénurie que connaîtront certaines régions arides et semi-arides aura un impact décisif sur les migrations. On estime que de 24 à 700 millions de personnes pourraient être forcées de migrer pour des raisons liées à l'eau.

Selon les auteurs du rapport, les pays riches ne sont pas les seuls à devoir investir dans le secteur de l'eau. La prospérité à venir dépend en partie des investissements qui y seront effectués. On estime en effet que chaque dollar consacré à l'amélioration de l'accès à l'eau se traduit par des gains de 3 à 34 dollars américains. A contrario, lorsque l'investissement est faible, le produit intérieur brut (PIB) peut en être affecté jusqu'à concurrence de 10 %.

Confrontés à des pénuries croissantes, certains pays ont déjà commencé à intégrer leur stratégie de gestion des ressources en eau à leur plan de développement. C'est notamment le cas de la Zambie, ce qui a amené des donateurs à incorporer des investissements relatifs à l'eau dans l'aide qu'ils accordent au pays. À Sydney, en Australie, un double système de distribution a été mis en place en 2008. Deux circuits distribuent, d'une part, l'eau potable, et de l'autre, une eau impropre à la consommation servant à d'autres usages.

Risques de conflits pour l'eau

La crise de l'eau annoncée par les auteurs du rapport se dessine déjà. Les conflits liés aux difficultés d'accès à l'eau se multiplient. Les écosystèmes, surexploités, se dégradent. «Dans certaines régions, la réduction des stocks et la pollution ont atteint un point de non-retour», peut-on lire dans le rapport.

Certains grands fleuves, comme le Colorado, le Nil, ou le fleuve Jaune, n'atteignent plus la mer. L'assèchement des zones humides, la baisse des nappes souterraines, la pollution par les rejets industriels, agricoles ou urbains et la prolifération d'algues nocives n'ont pas seulement des conséquences graves pour la biodiversité: elles hypothèquent la capacité des écosystèmes à fournir une eau saine aux générations futures.

Les problèmes sont énormes et ils s'aggraveront s'ils ne sont pas traités. Mais les défis ne sont pas insurmontables, affirment les auteurs du rapport. À condition de commencer par cesser de considérer la ressource comme inépuisable et de repenser la gestion de l'eau jusqu'ici non durable et inéquitable.

Faits marquants:

Quelque 1,2 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable dans le monde. Selon les prévisions de l'ONU, ce chiffre pourrait doubler en 2025 déjà, englobant un tiers de l'humanité.

L'agriculture consomme de 70 % de l'eau mondiale. Près de 60 % des ressources utilisées se perdent à cause de l'inefficacité des systèmes d'irrigation.

Les maladies diarrhéiques, comme le choléra, ont augmenté de 35 % en 2008 par rapport à 2006, surtout en Afrique subsaharienne, d'après la Fédération de la Croix-Rouge.

Selon l'ONU, 700 millions d'habitants de 43 pays seraient touchés par le manque d'eau, c'est-à-dire que les ressources disponibles sont de moins de 1700 m3 d'eau par personne par an.

Dans les pays en développement, 80 % des maladies sont liées à l'eau et causent la mort prématurée de trois millions de personnes chaque année. Un dixième des maladies pourraient être évitées dans le monde grâce à une amélioration de l'approvisionnement, de l'assainissement, de l'hygiène et de la gestion des ressources en eau.

L'accès aux services de base liés à l'eau (eau potable, assainissement et production alimentaire) demeure insuffisant pour une large part du monde en développement. On estime qu'en 2030, plus de cinq milliards de personnes (67 % de la population mondiale) ne disposeront pas d'un accès à des installations sanitaires décentes.

Selon l'ONU, l'Amérique du Nord se classe au deuxième rang en ce qui concerne les prélèvements d'eau en général, loin derrière l'Asie. Ce dernier a prélevé, pour différentes utilisations, quelque 2400 km3 d'eau en 2000, contre 525 km3 pour l'Amérique du Nord. L'Europe suit en troisième position, avec 418 km3.

  

Saviez-vous que?

La terre contient à peu près 1,4 milliard de km3 d'eau (97 % d'eau salée). Sur 35 millions de km3 d'eau douce, moins de 1 % sont accessibles à l'homme. On estime à quelque 3700 km3 la quantité eau prélevée chaque année pour l'ensemble des activités et besoins humains.
Sources

Rapport mondial des Nations Unies L'eau dans un monde qui change.

Conseil mondial de l'eau

Forum mondial de l'eau (en anglais)

 

 

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