Santé
Tout ce qu'il faut savoir sur le périnée
Photographe : Stocksy
Bien cachés au cœur de notre intimité, les muscles de notre plancher pelvien, y compris ceux du périnée, contribuent au maintien de notre qualité de vie. Voici pourquoi on aurait avantage à mieux les connaître et comment les garder en forme.
Jacinthe, 34 ans, a entendu parler de muscles pelviens pour la première fois à la fin de sa vingtaine, dans un cours de yoga. «L’instructrice nous a invités à contracter notre plancher pelvien, j’ai alors regardé les autres, perplexe, me demandant ce qu’elle voulait dire par là!» C’est en effet une partie de notre anatomie rarement évoquée. En fait, on a tendance à découvrir ces muscles qui forment la base de notre bassin lorsqu’ils ont été malmenés, par exemple après un accouchement.
Cet ensemble d’une dizaine de muscles s’étend, un peu comme un hamac, entre le pubis et le coccyx. «Ces muscles servent à soutenir les organes du bassin, comme l’utérus, la vessie et le rectum, explique Louise Perrin, physiothérapeute en rééducation périnéale et pelvienne. Ils assurent également la continence (contrôle de l’urine, des selles et des gaz) et jouent un rôle dans l’activité sexuelle.»
Plus précisément, le plancher pelvien est constitué de trois couches de muscles. «La couche superficielle, la plus externe, s’appelle le périnée (1), indique Chantale Dumoulin, directrice du microprogramme en rééducation périnéale et pelvienne à l’Université de Montréal. Cette couche comprend tous les petits muscles qui entourent le clitoris, la vulve et le vagin. Ces muscles ont une action d’ordre sexuel. Lorsqu’ils sont toniques et se contractent bien, ils permettent d’avoir plus de sensations dans cette région et d’obtenir plus de satisfaction sexuelle.» La partie moyenne centrale du plancher pelvien (2), pour sa part, comprend le sphincter de l’urètre et joue un rôle important dans la prévention des fuites urinaires. «De son côté, la couche la plus profonde (3) comprend des muscles importants qui travaillent pour supporter les organes et pour fermer bien fort les orifices», poursuit Mme Dumoulin, qui dirige aussi un laboratoire de recherche sur l’incontinence et le vieillissement à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal.
Bassin féminin avec plancher pelvien Photographe: Patrick Séguin
Sarah Baribeau, kinésiologue et fondatrice de Bougeotte et Placotine, une entreprise qui offre des cours de mise en forme pour mamans, ajoute que les muscles pelviens sont essentiels à la posture. «Avec les abdominaux et les muscles du bas du dos, ils font partie de nos muscles stabilisateurs.» Ils aident donc aussi à stabiliser notre bassin et à protéger notre dos.
Des muscles malmenés!
Avec le temps, si on ne les exerce pas, les muscles du plancher pelvien ont tendance à s’affaiblir et à se relâcher, notamment à cause du poids des organes qu’ils supportent. D’autres facteurs accentuent la pression sur ces muscles et contribuent à les fragiliser, en particulier les grossesses, les accouchements, le surplus de poids, la toux chronique et la constipation. Les changements hormonaux de la ménopause affaiblissent aussi les muscles pelviens.
Lorsque ces muscles sont relâchés, ils remplissent moins bien leurs fonctions. On peut alors se retrouver avec des problèmes de fuites urinaires, d’incontinence, de baisse de satisfaction sexuelle, voire de descentes d’organes. Des problèmes plus courants qu’on le pense, surtout en ce qui concerne les fuites d’urine. «Pendant la grossesse, environ 30 à 50 % des femmes ont des fuites urinaires à cause du poids du bébé qui fait pression sur leur plancher pelvien, indique Chantale Dumoulin. Après l’accouchement, les fuites urinaires persistent à long terme pour 10 % des mères. D’autre part, on estime qu’environ une femme de plus de 65 ans sur deux a des fuites urinaires.»
La bonne nouvelle, toutefois, c’est qu’on peut renverser la vapeur en renforçant ces muscles. «C’est bien prouvé, dans la littérature scientifique, que les problèmes d’incontinence urinaire peuvent être prévenus et traités par des exercices, mentionne Émilie Brunet-Pagé, sage-femme et professeure suppléante au programme en pratique sage-femme de l’UQTR. Comme n’importe quel autre muscle de notre corps, quand on ne les entraîne pas, les muscles pelviens deviennent moins efficaces dans leur travail.»
Sujet tabou?
Quand on constate les bienfaits d’avoir un plancher pelvien fort et en santé, on se demande pourquoi on n’en entend pas davantage parler. En France, par exemple, depuis le milieu des années 1980, l’État paie systématiquement 10 séances de rééducation périnéale et pelvienne aux femmes qui viennent d’accoucher. Ici, certains médecins recommandent les exercices de plancher pelvien, mais aucun programme n’est mis en place. «C’est malheureux, mais quand les problèmes surviennent, les femmes en parlent peu», note Chantale Dumoulin. Elles n’ont pas toujours envie de partager leur difficulté à avoir du plaisir sexuel ou à retenir une envie. «Les études indiquent que, pour qu’une femme parle de ses fuites urinaires à son médecin, ça peut prendre sept ans», déplore-t-elle.
«Les femmes pensent souvent qu’elles doivent accepter leur condition et porter des protections [contre les fuites urinaires]. Mais non, ce n’est pas normal et il y a des solutions.» - Chantale Dumoulin, directrice du microprogramme en rééducation périnéale et pelvienne à l'Université de Montréal
«Plusieurs publicités et certains médecins véhiculent aussi l’idée qu’il est normal, avec le temps et les grossesses, d’avoir des fuites urinaires. Les femmes pensent souvent qu’elles doivent accepter leur condition et porter des protections. Mais non, ce n’est pas normal et il y a des solutions. Dans mon laboratoire, des femmes âgées de plus de 65 ans viennent faire un programme d'exercices de 12 semaines, et, à la fin, elles n'ont plus de fuites, alors qu'elles en avaient depuis leur premier accouchements!»
Il n'est jamais trop tard pour commencer à faire des exercices pour renforcer notre plancher pelvien. C'est particulièrement bon de le faire au moment de la grossesse et de la ménopause, deux événements qui vont l'affaiblir, mais le souhait des spécialistes interrogées, c'est que les femmes soient sensibilisées dès la puberté à l'importance de préserber la force de cette région centrale de notre anatomie. «Il y a un manque de connaissances à rattraper, reconnaît Louise Perrin. Et si on réintègre les cours d'éducation à la sexualité à l'école, je suis d'avis qu'on y parle de plancher pelvien et de toute l'utilité de cette structure.»
Des sports à surveiller
Certains sports exercent une pression sur le plancher pelvien. C'est le cas de la course et des sports avec sauts, comme le volleyball, le badminton et le tennis, de même que les acticités qui demandent des efforts intenses, comme le CrossFit. L'idée n'est toutefois pas de les arrêter. «Mais si on sent qu'on a toujours une envie pressante quand on pratique notre sport ou qu'on a des fuites urinaires, ça veut dire qu'on a surchargé notre plancher pelvien», dit Chantale Dumoulin. Il faut alors penser à le renforcer. «Les muscles pelviens devraient être des amortisseurs de coups, prévient Louise Perrin. S'ils n'arrivent pas à bien faire leur travail, c'est le temps de les entraîner. On peut alors modifier un peu notre entraînement habituel, en privilégiant les exercices à faible impact, le temps de rendre notre plancher pelvien plus fort.» À noter que les exercices de type crunch pour renforcer les abdominaux sont aussi déconseillés. «Ces exercices diminuent la longueur abdominale et exercent une pression sur le plancher pelvien, indique Émilie Brunet-Pagé. Il est préférable de faire des exercices de planches pour faire travailler nos abdominaux.»