Santé
Soigner par l’hypnose
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Loin des salles de spectacle, plus de 130 professionnels de la santé utilisent l’hypnose pour soigner ou traiter leurs patients au Québec. Psychologues, dentistes et médecins obtiennent des résultats spectaculaires grâce à cette technique.
L'hypnose fascine et suscite la controverse depuis l'Antiquité. Son aura de mystère et de nombreux charlatans ont contribué à sa mauvaise réputation. Bannie par Sigmund Freud, qui l'estimait dangereuse, longtemps considérée comme peu sérieuse par le corps médical, elle est aujourd'hui en voie de réhabilitation.
«L'utilisation thérapeutique de l'hypnose progresse au Québec», se réjouit Michel Landry, psychologue et président de la Société québécoise d'hypnose (SQH), dont les membres sont tous des professionnels de la santé reconnus. «Sa perception est en train de changer auprès des praticiens et du public, même si les patients y viennent encore souvent en dernier recours.» Ce changement tient pour beaucoup aux études scientifiques et à l'imagerie cérébrale, qui ont démontré la réalité de l'hypnose et son efficacité dans la prise en charge de la douleur.
L'hypnose démystifiée
L'hypnose fonctionne chez tout le monde. La confusion provient du fait que le terme hypnose désigne à la fois la technique et l'état de la personne: un état de concentration que tous possèdent. Certaines personnes, comme les enfants ou les adultes pourvus de beaucoup d'imagination, entrent plus facilement en état d'hypnose. Vous en avez sûrement déjà fait l'expérience sans le savoir, lorsque vous n'avez pas vu le temps filer, concentré devant votre ordinateur ou au volant.
Par contre, personne ne peut être hypnotisé contre son gré: il faut le vouloir et être parfaitement détendu; autrement, cela ne fonctionne pas. De même, un hypnotiseur mal intentionné pourra difficilement manipuler une personne au-delà de ses valeurs morales. Elle sortirait immédiatement de la transe hypnotique. Quant à l'autohypnose, cela reste de l'hypnose. La seule différence, c'est qu'il n'y a pas de guide pour mener la personne vers un état hypnotique. Enfin, on n'oublie pas forcément tout après une séance. Certaines personnes demeurent conscientes tout au long du processus.
Un antidouleur naturel
L'hypnose est surtout utilisée pour gérer la douleur. Le neuropsychologue Pierre Rainville, de l'Institut universitaire de gériatrie de Montréal, a démontré que lorsqu'il est en état hypnotique, si on suggère au patient que sa souffrance diminue, cela fonctionne. L'activité de la zone du cerveau impliquée dans la sensation de la douleur diminue1. Des chercheurs français ont prouvé que l'hypnose réduisait la douleur ressentie par les patients de plus de 50 % en quatre semaines, de même que les doses de médicaments2. Le dentiste Claude Verreault l'utilise avec succès depuis 40 ans. «Je m'y suis intéressé étudiant après avoir assisté à l'extraction d'une dent de sagesse réalisée sous hypnose sans anesthésie.» En quelques secondes, il hypnotise son patient et l'envoie se balader «dans ses souvenirs ou en voyage» pour travailler plus facilement. Ainsi, la personne n'oppose aucune résistance et peut soutenir sans effort de longs travaux dentaires. «L'hypnose permet de relaxer un patient anxieux ou de soigner des personnes allergiques à l'anesthésie. En plus, les plaies saignent moins et cicatrisent plus vite après une intervention.»
Contrairement au Québec, plusieurs pays d'Europe reconnaissent le statut de l'hypnose en milieu médical. En France, il existe des formations pour les médecins qui l'utilisent dans les hôpitaux, principalement en anesthésie, afin de diminuer l'anxiété et d'améliorer le confort des patients sans faire appel à des substances chimiques. «On la retrouve dans des utilisations plus spécifiques comme pour aider des malades atteints d'un cancer ou des grands brûlés à se préparer à des traitements particulièrement éprouvants et à supporter ceux-ci», assure Michel Landry, qui l'utilise aussi à ces fins.
Le pouvoir de l'inconscient
Le potentiel de l'hypnose en santé ne s'arrête pas au traitement de la douleur. Michel Landry l'utilise pour traiter des troubles du sommeil, l'anxiété, certaines phobies, les états dépressifs, et même les acouphènes et certains problèmes dermatologiques. Selon le psychologue, l'hypnose peut également être utile pour renforcer l'estime de soi ou se préparer à des performances sportives ou intellectuelles. «Elle peut aussi être efficace pour nous aider à agir sur nos habitudes inconscientes comme celles d'allumer une cigarette ou de grignoter quand on est stressé», ajoute-t-il.
Toutes ces utilisations demandent la participation active du patient. «Mais même l'hypnose ne pourra faire arrêter de fumer quelqu'un qui n'est pas décidé», soutient Michel Landry. Chaque sujet est différent et demandera une approche adaptée. L'hypnose, c'est toujours du sur-mesure.»
Trouver un professionnel de l'hypnose
Tout le monde peut manier un scalpel, mais on ne confie son cœur qu'à un chirurgien. Même chose pour l'hypnose. Cette technique doit être employée avec précaution, tout particulièrement dans le domaine de la santé. Avant de se lancer, mieux vaut s'assurer que l'hypnologue choisi est un professionnel de santé reconnu. La Société québécoise d'hypnose fournit sur son site une liste de praticiens qui exercent au Québec.
Saviez-vous que?
Les premières traces de l'hypnose remontent à la civilisation sumérienne, il y a près de 4000 ans. En Égypte, le pharaon Ramsès II s'en servait pour motiver ses troupes. Remise à la mode par le médecin allemand Mesmer dans les années 1800, elle s'enfoncera peu à peu dans l'oubli au début du XXe siècle.
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Voir aussi: Hypnose: comment ça marche
Sources
1. Gay MC, Philippot P, Luminet O. Differential effectiveness of psychological interventions for reducing osteoarthritis pain: a comparison of Erickson hypnosis and Jacobson relaxation. European Journal of Pain, 2002; 6(1):1-16.
2. Rainville P, et coll. Hypnosis modulates the activity in brain structures involved in consciousness. Journal of Cognitive Neuroscience, 2002; 14(6):887-901.