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Pourquoi j’ai fait une cure d’alcool de trois mois

Pourquoi j’ai fait une cure d’alcool de trois mois

Getty Images Photographe : Getty Images Auteur : Coup de Pouce

Une décision qui a suscité nombre d’interrogations, mais qui n’avait pas été prise sans motivation.

Autour de l'îlot, entre les quartiers de citron, les flûtes à champagne et les bouchons de bière, je me concocte un thé glacé aux pêches. J'essaie de suivre la conversation des autres invités. Ils parlent fort et vite. Les verres s'entrechoquent, se vident et se remplissent.

Moi, je suis à jeun. À jeun ce soir-là et tous les autres des semaines suivantes: je suis en plein milieu d'une cure d'alcool de trois mois. De septembre à décembre, par défi personnel, je me suis mis dans la tête de ne pas boire une goutte d'alcool. Niet. Nada. Zéro.

Et si tout se passe généralement très bien tout au long de cette traversée du désert, ce soir, je sirote mon thé glacé en maudissant ma résolution.

Celle-ci suscite bien des interrogations. Après la fameuse exclamation «Tu es enceinte!», que je réfute, fuse, bien sûr, l'interrogation: «Pourquoi?»

Je me qualifie de bonne buveuse, soit une buveuse régulière, constante. Je ne suis pas seule: au Québec, 62% des femmes de 15 ans et plus sont des buveuses régulières, c'est-à-dire qu'elles consomment de l'alcool au moins une fois par mois, selon l'étude L'Alcool et les Femmes d'Éduc'alcool, qui vient tout juste d'être publiée. Parmi elles, 13% boivent quatre fois ou plus par semaine et 21%, deux ou trois fois.

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Selon ce document de recherche, j'ai peut-être même le profil de la buveuse «excessive», c'est-à-dire celui d'une femme qui dit avoir consommé quatre verres ou plus lors d'une même occasion au cours des douze derniers mois. Elles sont 49% au Québec, selon Santé Canada, et ce chiffre grimpe selon les catégories d'âge: 83% des 18-24 ans abusent de l'alcool, 70% des 25-34 ans et 53% des 45-54 ans.

Cette tendance à la hausse inquiète le directeur général d'Éduc'alcool, Hubert Sacy: «L'alcool est un produit agréable et il fait peu de dégât s'il est consommé avec modération, dit-il. Toutefois, consommé de façon excessive, il peut avoir des conséquences négatives sociologiquement, biologiquement et psychologiquement.» Il cite en exemple la corrélation établie par les scientifiques entre la prévalence du cancer du sein et la consommation d'alcool (selon la Société canadienne du cancer, le risque d'avoir un cancer du sein augmente de 13% chez les femmes qui prennent un verre par jour et de 27% chez celles qui en prennent deux).

Les risques pour la santé des femmes incluent aussi les maladies cardiovasculaires, les interactions avec les médicaments et les situations de vulnérabilité, sans parler de la dépendance.

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Autour de moi, elles sont nombreuses à réclamer leur verre de blanc après une journée intense. Ma collègue Danielle Verville en parlait récemment dans son billet Maman a besoin de sa coupe de vin. «L'alcool est un anxiolytique, explique Louise Nadeau, professeure en psychologie à l'Université de Montréal et chercheuse à l'Institut universitaire de santé mentale Douglas McGill. On a une journée de fou, on se verse un apéro et hop! l'anxiété baisse.»

Catherine Paradis, analyste principale, recherche et politiques au Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, parle de la théorie de la multiplication des rôles pour expliquer la consommation des femmes. «L'horaire des femmes est surchargé, dit-elle. Dans les faits, elles s'occupent encore beaucoup des tâches domestiques et des enfants en plus de leur travail professionnel. L'alcool devient une automédication, une béquille.»

C'est en pensant à tout ça, l'été dernier, que j'ai pris la décision de faire une trêve. Comme j'étais accompagnée d'une copine, elle aussi mère de deux jeunes enfants, l'aventure fut plus facile. Nous nous sommes échangé des recettes de cocktails sans alcool et avons profité des encouragements de l'autre dans les moments plus ardus. Ce que j'en retiens? Que du positif! J'ai été plus patiente et sereine avec les enfants, j'ai mieux dormi, je me suis sentie plus en forme durant la journée, mon teint était plus clair (un avantage non négligeable!) et j'ai pris du recul vis-à-vis ma consommation. Et vis-à-vis notre consommation, en tant que société.

Je vise maintenant la consommation «modèle» d'alcool, telle que décrite par le directeur général d'Éduc'alcool: prendre un verre ou deux par jour (jamais plus), cinq jours par semaine, sans dépasser dix verres par semaine. «Si on s'en tient à cette règle, on a tous les avantages sans les inconvénients», conclut M. Sacy.
 

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