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Millepertuis et médicaments: un mariage à haut risque

Millepertuis et médicaments: un mariage à haut risque

iStockphoto Photographe : iStockphoto Auteur : Coup de Pouce

Le millepertuis, un remontant naturel apparemment inoffensif, peut former un couple infernal avec les médicaments que l’on prend. Et transformer le processus de guérison en histoire d’horreur!

Près de 70% des Canadiens consomment chaque année des produits naturels, souvent sans connaître les risques auxquels ils s'exposent quand ils associent ces produits apparemment inoffensifs à leurs médicaments d'ordonnance.

Votre corps est très bien équipé pour faire face aux toxines, aux polluants et aux médicaments. En fait, à tout ce que vous consommez, y compris les produits «naturels». Ces derniers, comme toutes les substances précédentes, sont en effet dirigés vers les parois des intestins ou vers le foie, où des enzymes spécialisées en diminuent l'activité ou les transforment en molécules biologiquement actives.

Mais que se passe-t-il quand une famille d'enzymes doit faire face, en même temps, à un produit naturel et à un médicament?

Y a-t-il suffisamment d'enzymes au portillon?

Pour le savoir, lisez ces quelques histoires vraies. Vous verrez, elles donnent froid dans le dos...

Millepertuis et transplantation cardiaque

Monsieur Pépin a eu la chance de subir une transplantation cardiaque à l'âge de 59 ans. Mais il n'est pas à l'abri d'une petite déprime. Sa femme, voulant bien faire, lui propose de prendre du millepertuis («Pas mal plus naturel qu'un antidépresseur, mon chéri»). Mais l'anecdote tourne au drame. Monsieur Pépin rejette la greffe et il en meurt. Que s'est-il passé?

Des médicaments anti-rejets comme la cyclosporine permettent au greffé de vivre avec un organe qui ne lui appartient pas. Le millepertuis augmente la concentration d'enzymes (CYP3A4 et Pgp) qui empêchent l'entrée de la cyclosporine dans l'organisme et accélèrent sa dégradation en molécules inactives. Conséquence: les concentrations de cyclosporine deviennent insuffisantes et c'est le rejet du greffon, dans ce cas, du coeur transplanté.

Millepertuis et HIV

Monsieur A. P. a 35 ans et il est infecté par le VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Depuis quelques années, il est traité avec des antiviraux, dont le ritonavir, qui contrôlent l'activité des virus. Un jour, un ami lui apporte du millepertuis. Sur l'étiquette, on peut lire, «Antiviral, including HIV and Herpes» ou en d'autres mots: qualités antivirales, notamment à l'endroit du virus du sida et de l'herpès. En commençant à en consommer, monsieur A. P. est loin de se douter que le millepertuis risque d'accélérer l'élimination du ritonavir.

Résultat: la concentration des antiviraux dans son organisme chute de 57 %, ce qui non seulement réactive les virus, mais accroît aussi sa résistance aux médicaments. Pas exactement l'effet recherché!

Millepertuis et cholestérol

Monsieur Viens a 60 ans. Pour contrer ses «problèmes» de cholestérol, il prend divers médicaments dont une statine (SimvastatinMD)) plutôt coûteuse mais efficace pour stabiliser les parois des artères coronaires. Ici encore, le millepertuis a des effets pervers. Il diminue la quantité de médicaments qui entre dans l'organisme et en accélère l'élimination par le foie.

Si le pot aux roses n'est pas découvert à temps, le médecin devra prescrire à monsieur Viens un second médicament pour contrôler son niveau de cholestérol. Et dire que tout cela aurait pu être évité!

Millepertuis et Coumadin

On prescrit du CoumadinMD pour «éclaircir le sang», comme on dit. Dans les faits, ce médicament évite la formation d'un thrombus qui pourrait, par exemple, bloquer les artères alimentant le cerveau. Le médecin traitant en vérifie l'efficacité au moyen de tests sanguins réguliers. Or, madame Sauvé, qui a commencé à prendre du millepertuis pour se donner du «pep», s'est retrouvée victime de la fameuse bataille d'enzymes que nous avons évoquée dans les exemples précédents. Ici encore, une bonne partie du CoumadinMD qu'elle a absorbée a rapidement été éliminée hors de son organisme. La faute à qui? Au millepertuis.

Heureusement pour madame Sauvé, son médecin a pu constater la chute de ses facteurs de coagulation, à l'occasion d'un test sanguin. En questionnant sa patiente, il a rapidement trouvé le coupable. Et madame Sauvé a évité de justesse un accident vasculaire cérébral (AVC).

Millepertuis et contraceptifs oraux

Surprise! Le redoutable millepertuis a également la faculté de diminuer l'absorption des contraceptifs et, en outre, de favoriser la transformation des hormones contraceptives en métabolites inactifs. Conséquence «légère»: un écoulement sanguin en cours de cycle, puisqu'il n'y a pas assez d'hormones pour stabiliser l'endomètre. Conséquence plus lourde: vous vous retrouvez enceinte! Pas tout à fait le but de la démarche, une fois de plus.

Millepertuis et antidépresseurs

Il arrive que les effets d'un produit naturel s'additionnent à ceux d'un médicament. En voici un bel exemple. Madame Françoise prend des antidépresseurs depuis un an. Elle a lu dans une revue que le millepertuis est l'antidépresseur le plus prescrit par les médecins allemands, pour le traitement des dépressions légères à modérées. Mais attention: les médicaments administrés à madame Françoise et le millepertuis agissent de la même façon. Cette conjugaison augmente le niveau de sérotonine, un neurotransmetteur du cerveau. La surcharge provoque donc des symptômes d'agitation, des maux de tête et des nausées qui conduisent la patiente à l'urgence.

En bref

Dans tous les cas, vérifiez auprès de votre médecin ou de votre pharmacien si les produits naturels que vous vous apprêtez à prendre sont compatibles avec vos médicaments prescrits. À commencer par le millepertuis!

 

Sources

Jean-Louis Brazier, professeur titulaire, Faculté de pharmacie, Université de Montréal

 

La version originale de cet article a été publiée sur Servicevie.

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