Santé
Mal de tête: comment déceler une urgence médicale?
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Un mal de tête peut cacher un problème grave. Voici dans quels cas la douleur peut signaler une urgence médicale.
Prenons trois exemples: le syndrome du «pire mal de tête»; le syndrome du mal de tête sub-aigu ou progressif; et le syndrome du mal de tête chronique quotidien ou récidivant de façon stéréotypée. Voyons-les, un par un, en commençant par le mal de tête de Sophie.
Le syndrome du pire mal de tête
Sophie n'a jamais eu mal à la tête en 35 ans de vie. Soudainement, en soulevant son bac de récupération, une douleur fulgurante la frappe, comme une bombe qui exploserait dans son crâne. Elle appelle Robert, son amoureux, et s'évanouit dans ses bras. Sophie est transportée en ambulance aux urgences de l'hôpital le plus proche, où l'urgentologue la voit immédiatement à la salle de choc. Il constate que sa respiration est régulière, que ses voies aériennes sont bien dégagées, mais que sa nuque est raide, que ses pupilles sont toutes petites et qu'elles ne réagissent pas à la lumière. Il soupçonne une hémorragie cérébrale.
Elle est alors conduite immédiatement au département d'imagerie où une tomographie axiale du cerveau est réalisée sur-le-champ. Les images montrent une hémorragie sous-arachnoïdienne diffuse, mais avec une petite collection de sang dans le lobe temporal gauche. Elle est admise aux soins intensifs, où le neurochirurgien demande rapidement une angio-résonance magnétique cérébrale.
Rupture d'un anévrisme cérébral
L'examen révèle la rupture d'un anévrisme cérébral à la trifurcation des artères carotide, cérébrale antérieure et cérébrale moyenne. Sophie est opérée le lendemain matin et l'anévrisme, ligaturé. Elle reprend conscience quinze jours après son admission et demeure encore quinze jours à l'hôpital. Après cinq mois de convalescence, elle peut enfin retourner au travail. Après cette épreuve, elle est en vie et s'en réjouit. Elle est infirmière à l'hôpital où elle a été traitée.
Ce cas extrême est heureusement très rare et l'on peut avoir son «pire mal de tête» sans qu'il y ait rupture d'anévrisme ou danger de mort. Par exemple, un orgasme peut provoquer une céphalée coïtale, très intense mais bénigne; une toux ou un effort physique peuvent aussi provoquer une céphalée aiguë, comme un coup de tonnerre.
Ce qu'il faut retenir ici, c'est qu'un mal de tête nouveau, soudain, intense PEUT représenter une situation d'urgence qui nécessite une évaluation dans les plus brefs délais.
Le syndrome du mal de tête sub-aigu ou progressif
Jacques a 18 ans. Il étudie avec succès les sciences de la santé au cégep. Il file le parfait amour avec son amie de coeur, et ses parents l'aident et l'encouragent beaucoup. Il n'avait jamais eu mal à la tête de sa vie. Depuis deux jours, il se sent de plus en plus fatigué, transpire anormalement et il souffre d'un mal de tête qui augmente d'heure en heure, surtout dans la nuque. Il a de la difficulté à se concentrer. La nuit dernière, il a vomi deux fois. Il ne se sent pas en mesure de se rendre à ses cours ce matin. Sa mère le trouve dans sa chambre, prostré, grelottant sous les couvertures. Il est confus et incohérent, incapable d'expliquer ce qui se passe; sa mère appelle immédiatement l'ambulance.
Aux urgences, Jacques est amené à la salle de choc, où l'urgentologue constate, entre autres, une fièvre à 41 °C, une nuque raide, une peau marbrée et froide, une semi-conscience avec d'occasionnels moments d'agitation et aucun signe de latéralisation à l'examen neurologique. Il soupçonne un processus infectieux cérébral et appelle le neurologue de garde en urgence. Celui-ci demande une tomographie axiale du cerveau, laquelle s'avère normale.
La ponction lombaire montre un liquide céphalorachidien opalescent, suggérant une infection bactérienne cérébrale. Le neurologue commence tout de suite un traitement intraveineux avec antibiotiques à large spectre. Le laboratoire de microbiologie identifie rapidement un type de méningocoque responsable d'une méningite débilitante qui peut devenir mortelle, si non traitée très rapidement.
Maladie neurologique
Jacques reprend conscience après deux jours de traitements intensifs aux antibiotiques intraveineux, mais ses reins cessent de fonctionner et ne reprendront leur fonction normale qu'après six mois de dialyse. Jacques est rentré chez lui après deux mois d'hospitalisation, encore faible mais heureux d'être en vie. Il reprendra ses cours à la session suivante, plus que jamais décidé à devenir médecin.
Le mal de tête sub-aigu ou progressif est insidieux et peut être l'annonce de maladies graves, comme la méningite sub-aiguë de Jacques, mais aussi comme une tumeur cérébrale, une artérite temporale (chez les patients de plus de 50 ans), un hématome sous-dural sub-aigu ou chronique uni ou bilatéral, une hypertension intracrânienne idiopathique ou finalement une méningite chronique.
Ce qu'il faut retenir ici, c'est que tout mal de tête progressif DOIT d'emblée être considéré comme suspect puisque, dans la grande majorité des cas, nous avons affaire à une maladie neurologique significative.
Le syndrome du mal de tête chronique quotidien ou récidivant
C'est la bonne vieille douleur épisodique ou chronique, aux motifs prévisibles, qui résulte de la migraine avec ou sans aura, d'une céphalée de Horton, d'un mal de tête de tension et(ou) d'origine cervicale.
À l'instar de la céphalée d'origine médicamenteuse, tous ces maux de tête peuvent perdurer et s'incruster, bref se chroniciser. La stéréotypie des crises et l'absence de progression des symptômes les rendent moins inquiétants que la céphalée aiguë de Sophie ou la céphalée progressive de Jacques. Mais un mal de tête qui s'installe, ou qui revient, mérite toute notre attention.
Sources
GIAMMARCO, R., EDMEADS, J., DODICK, D., Critical Decisions in Headache Management, BC Decker Inc. Hamilton-London, 1999.