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Les troubles alimentaires existent aussi chez les hommes

Les troubles alimentaires existent aussi chez les hommes

IStock Photographe : IStock Auteur : Coup de Pouce

Les troubles alimentaires ne sont pas qu’une affaire de femmes. Les hommes aussi souffrent d’anorexie, de boulimie ou d’hyperphagie. Lumière sur un phénomène qui se conjugue parfois au masculin.

Les troubles de la conduite alimentaire, les distorsions de l'image corporelle, les problèmes d'exercices à outrance et l'obésité ont pris des proportions endémiques chez les hommes depuis quelques années, selon Leigh Cohn coauteure de Making Weight: Men's Conflicts with Food, Weight, Shape and Appearance. Une étude de l'Université Harvard a révélé en 2007 que les hommes sont de plus en plus affectés par les troubles alimentaires. Alors qu'on croyait que seulement 10% des gens souffrant d'anorexie était des hommes, les chercheurs américains ont évalué que ce taux était désormais passé à 25%.

Mais même si les hommes sont plus nombreux qu'il y a dix ans à consulter pour des troubles alimentaires, l'anorexie masculine et l'anorexie inversée restent marginales par rapport à l'anorexie féminine. Le Dr Jean Wilkins, professeur à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal, estime voir beaucoup moins de cas à la clinique des troubles de la conduite alimentaire de la section de médecine de l'adolescence du CHU Sainte-Justine dont il s'occupe. « Sur quelque 150 nouveaux cas qu'on traite annuellement, seulement deux ou trois sont des garçons. Mais ils présentent le même tableau clinique que les filles. La maladie, que ce soit l'anorexie restrictive et la boulimie, s'exprime de la même manière », remarque-t-il.

Son de cloche un peu différent du Dr Howard Steiger qui travaille auprès d'une clientèle adulte. Le chef du Programme des troubles de l'alimentation à l'Institut Douglas dit voir une différence entre hommes et femmes. Selon ses observations, les hommes souffriraient davantage d'hyperphagie boulimie que d'anorexie - on parle de deux hommes pour trois femmes -, alors que la proportion est inversée chez les femmes. Mais les troubles alimentaires restent rares pour les hommes. Le Dr Steiger évoque le chiffre d'un homme pour 10 à 15 femmes.

Des chiffres qui sont peut-être sous-estimés parce que les troubles alimentaires sont moins recherchés chez les hommes et parce que c'est honteux d'en parler. « Pour un gars, parler d'une maladie de fille c'est difficile », témoigne l'acteur et animateur Jean-MarieLapointe. Dans son livre, Mon voyage de pêche paru en 1999 (réédition 2005), il évoque ses épisodes d'anorexie et de boulimie. « Pour moi, c'était thérapeutique. Ça me faisait du bien et si cela a pu faire du bien à d'autres...» Il est un des rares hommes à avoir abordé le sujet, avec l'acteur américain Billy Bob Thornton qui a fait état de ses problèmes d'anorexie nerveuse dans Inside Edition.

Le Dr Arnold Andersen, directeur du programme de traitement des troubles de l'alimentation et professeur de psychiatrie à l'université de l'Iowa souligne dans son livre Making Weight: Men's Conflicts with Food, Weight, Shape and Appearance que les hommes qui souffrent de ces "troubles féminins" se sentent "étiquetés" et qu'ils sont peu enclins à venir chercher de l'aide. Et comme pour toutes les victimes, un sentiment de honte pèse sur les personnes victimes de troubles alimentaires: "je suis dégoûtant", "regarde ce que je me fais à moi-même", etc.

Des différences entre les hommes et les femmes?

Les femmes se sentent grosses avant de développer des troubles alimentaires et sont habituellement de poids moyen, alors que les hommes sont le plus souvent médicalement en surpoids avant de développer le trouble, selon les recherches menées par Arnold Andersen. De plus, les hommes souffrant d'anorexie et de boulimie sont plus sensibles à l'anxiété sexuelle. Il peut également y avoir un lien chez les hommes entre les troubles de l'attention et de l'hyperactivité, l'anorexie, la boulimie et la violence auto-infligée. Des recherches plus approfondies devraient être faites dans ce domaine.

Les médecins soupçonnent une anorexie mentale en présence:

  • d'une perte de poids importante;
  • d'une atteinte des signes vitaux;
  • d'une aménorrhée ou d'une baisse d'intérêt pour la sexualité
  • d'une conduite alimentaire restrictive;
  • d'une vasoconstriction périphérique (mains et pieds froids);
  • d'une baisse de la tension artérielle.
Hommes et garçons, un peu différents

«Chez les deux sexes, le comportement anorexique s'installe à la suite de cette rencontre entre un individu vulnérable et la sensation particulière que lui procure le contrôle restrictif de son alimentation, explique le Dr Wilkins. Le tout survient généralement à l'adolescence pour l'anorexie et au début de l'âge adulte pour la boulimie. L'hyperphagie boulimique, qui se caractérise par des épisodes d'orgies alimentaires accompagnées de sentiments de culpabilité et de honte, toucherait davantage les hommes autour de l'âge de 40 ans.

Le Dr Howard Steiger explique cette différence par le fait que les hommes adultes sont souvent plus préoccupés par la musculature que par la maigreur. «Plusieurs personnes associent le phénomène aux problèmes d'anorexie, de boulimie et de dysmorphobie, qui est une obsession pour une partie du corps en particulier, mais un homme peut avoir une obsession pour un corps musclé sans développer d'anorexie nerveuse, même s'il prend de la créatine ou d'autres suppléments.»

Homosexuels, les garçons anorexiques?

L'anorexie s'accompagne d'une baisse de la libido, conséquence d'une régression hormonale. Cette perte d'intérêt sexuel amène plusieurs parents à se questionner sur l'orientation de leurs fils. Pourtant, il n'existe aucune corrélation, soutient le Dr Wilkins. « Les anorexiques ont une sensualité prépubère et un désintérêt pour le sexe. Chez les filles comme chez les garçons. Ainsi, celui qui avait des activités sexuelles de masturbation pourrait avoir cessé. Ces adolescents ne sont pas pour autant homosexuels. Tout finit par se replacer avec le temps et ils retrouvent leur orientation sexuelle première une fois l'anorexie traitée. »

«L'anorexie n'a pas rapport avec la minceur et la pression sociale, soutient le Dr Wilkins. C'est plus complexe que ça. C'est une impasse intérieure. C'est un moment où le corps se développe, où on se questionne. Mes patients ont besoin d'être à off, de ralentir. Ils sont épuisés au plan physique et psychique. Le contrôle qu'il exerce sur sa faim et son poids devient une victoire personnelle, une façon de s'affirmer.»

Cette pause a pour conséquence d'interrompre la croissance des jeunes garçons et filles, ce qui peut avoir des répercussions sur leur développement et leur santé. La majorité des jeunes qui souffrent d'anorexie mentale et de boulimie nerveuse s'en sortent toutefois très bien, selon le Dr Wilkins. Seulement de 10 à 15 % d'entre eux développeront des problèmes de chronicité qui perdureront à l'âge adulte, ce qui cause une morbidité parfois lourde. Plus la période de troubles alimentaires se prolonge, plus les personnes qui en souffrent risquent d'être atteintes d'un trouble psychiatrique additionnel: personnalité limite, trouble du caractère ou dépression.

Saviez-vous que?

De 0,5% à 1% des adolescentes et jeunes femmes adultes souffrent d'anorexie, mais jusqu'à 10% ont des symptômes de troubles alimentaires, selon l'Academy for Eating Disorders.

Les garçons représentent environ 10 % des cas dans les unités de troubles alimentaires du CHU Sainte-Justine et de l'Institut Douglas, à Montréal.

Si 80 % des femmes souhaitent perdre du poids, les hommes sont presque aussi nombreux à être insatisfaits de leur image corporelle. Les hommes se séparent en deux camps : ceux qui veulent gagner du poids - en muscles - et ceux qui veulent en perdre.

Références

Anorexie et boulimie Québec (ANEB)

Maison l'Éclaircie

Muscle dysmorphia. An underrecognized form of body dysmorphic disorder, Pope HG Jr, Gruber AJ, Choi P, Olivardia R, Phillips KA, Psychosomatics, 1997 Nov-Dec; 38(6):548-57.

The Adonis Complex : The secret Crisis of male Body obsession, Harrison G. Pope, Katharine A. Phillips et Roberto Olivardia, Free Press, 2000, 286 pages.

Making Weight: Men's Conflicts with Food, Weight, Shape and Appearance, Arnold Andersen, Leigh Cohn, and Tom Holbrook, Gurze Books, 2000, 256 pages.

L'anorexie mentale, déni et réalités, Maurice Corcos, Claire Lamas, Alexandra Pham-Scottez et Catherine Doyen, Édition Doin, 2008, 104 pages.

O'Dea JA; Abraham S; Eating and exercise disorders in young college men. J Am Coll Health 2002 May;50(6):273-8

Journal of American college health

Woodside DB; Garfinkel PE; Lin E; Goering P; Kaplan AS; Goldbloom DS; Kennedy SH: Comparisons of men with full or partial eating disorders, men without eating disorders, and women with eating disorders in the community. Am J Psychiatry 2001 Apr;158(4):570-4

Males With Eating Disorders (Brunner/Mazel Eating Disorders Monograph Series), Arnold E. Andersen (Hardcover - Apr 1, 1990)

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