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Les hormones: nos alliées mal-aimées

Les hormones: nos alliées mal-aimées

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Longtemps, on leur a mis nos sautes d’humeur sur le dos, comme si elles ne servaient qu’à nous faire sortir de nos gonds.

Qui ça? Nos hormones, bien sûr!

Pourtant, c’est extrêmement réducteur de ne leur attribuer que nos sautes d’humeur. Sans elles, tout se détraque! «Ce n’est pas compliqué, les hormones, c’est la vie!» lance tout de go la Dre Marie-Andrée Champagne, médecin généraliste formée en ménopause et auteure du livre Le bonheur est-il hormonal?

Notre corps sécrète une cinquantaine d’hormones qui jouent un rôle essentiel dans le maintien de notre bien-être et de notre santé globale. «Les hormones sont des messagères. En temps normal, elles communiquent entre elles avec harmonie, comme un orchestre symphonique, enchaîne Julie Goulet, docteure en nutrition et naturopathe. Mais lorsqu’il y a un déséquilibre, tout devient cacophonique. Et plus rien ne va. Notre corps réagit de mille et une façons.»

Nos hormones, produites par de nombreux organes et par le système endocrinien (un ensemble de glandes et de cellules), voyagent dans nos vaisseaux sanguins. Ce large réseau de communication coordonne et influence des centaines de fonctions de l’organisme, dont la faim, le sommeil, la croissance, la concentration, la mémoire, l’humeur, la reproduction, etc.

Certaines hormones, comme l’adrénaline, agissent dans l’urgence et provoquent des réactions rapides, tandis que d’autres créent une réaction en différé, dont les effets se font sentir sur plusieurs jours. Et exit la question de genre! «Hommes et femmes ont les mêmes hormones. Ce qui nous différencie, ce sont leurs taux», indique la Dre Sylvie Demers, médecin de famille clinicienne et chercheuse, dont le dernier ouvrage s’intitule Hormones féminines et cholestérol, alliés insoupçonnés de votre santé cardiovasculaire.

 

Et si c’étaient les hormones?

Quand on comprend le rôle crucial des hormones, on imagine aisément ce qui se passe quand l’équilibre hormonal fout le camp. «Pas surprenant que lorsqu’elles se dérèglent, les contrecoups soient potentiellement nombreux et parfois même intenses», indique la Dre Sylvie Demers. Le dysfonctionnement d’une ou de plusieurs hormones se manifeste entre autres par une prise de poids, une baisse des fonctions immunitaires, une hausse de stress, une baisse de la libido, un sommeil perturbé, des difficultés de concentration, de la fatigue, de l’irritabilité, des problèmes digestifs, un dérèglement du métabolisme et du système reproducteur ou des troubles menstruels.

La cause de ces déséquilibres? Les hormones sont sensibles et ont parfois un effet domino. En voici un exemple probant: en période de stress, notre corps produira plus de cortisol et aura donc besoin de plus d’énergie pour «combattre» quelque chose. Cela déclenchera, entre autres, des fringales et des envies de sucré. Cette réaction créera des surplus, le corps n’ayant pas véritablement besoin de toute cette énergie pour venir à bout du stress. Les surplus stimuleront la production d’insuline. Et pendant toute cette mobilisation, les autres hormones importantes seront mises sur «pause».

Comme chaque jour nous amène un nombre impressionnant de «stresseurs», les déséquilibres hormonaux peuvent être nombreux. De plus, leur taux fluctue naturellement à différents moments de notre vie (grossesse, ovulation, allaitement, ménopause, etc.). La première moitié du cycle menstruel est dominée par l’estrogène et la seconde, par la progestérone, par exemple.

 

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En chute libre

Notre mode de vie et le rallongement de notre espérance de vie causent aussi des remous. «Notre corps n’est pas adapté pour traverser la ménopause et le vieillissement. En 1940, l’espérance de vie tournait autour de 48 ans, alors qu’en 2022, elle est de 84 ans. Dans l’ensemble du monde vivant, il y a une constante: quand on arrête de se reproduire, le vieillissement s’enclenche», explique la Dre Demers.

La ménopause, au même titre que la presbytie, fait partie du vieillissement naturel. Or quand l’estrogène chute, ses fonctions protectrices contre les problèmes cardiovasculaires, l’ostéoporose, le déclin cognitif et le vieillissement de la peau disparaissent.

Le risque de souffrir d’une maladie cardiovasculaire est plus élevé chez la gent masculine et, de façon générale, les taux de mortalité par maladie cardiovasculaire chez les hommes sont presque deux fois plus élevés que chez les femmes, apprend-on sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec.

Après la ménopause, cependant, le portrait change. Le risque pour les femmes devient égal ou supérieur à celui des hommes du même âge «en raison de la chute du taux d’estrogène», confirme l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa.

D’ailleurs, c’est souvent au cours de cette période que les femmes consultent, car elles observent l’apparition d’une kyrielle de symptômes hétéroclites. «Certains problèmes sont liés aux hormones, mais on les traite autrement. C’est entre autres le cas avec la fibromyalgie, qui survient un peu par hasard et qu’on explique souvent difficilement. On s’aperçoit qu’un traitement hormonal pourrait jouer un rôle bénéfique sur certains symptômes», soulève la Dre Marie-Andrée Champagne. Les femmes reçoivent donc des diagnostics et des traitements médicamenteux pour certains ennuis de santé sans que personne n’ait vérifié si leurs causes pouvaient être reliées à un déséquilibre hormonal.

 

L’effet WHI

Au moment de la publication de l’étude WHI (Women’s Health Initiative), qui concluait que la prise d’hormones augmentait les risques de cancer du sein, de maladies cardiovasculaires et d’AVC, l’hormonothérapie a perdu beaucoup de son lustre. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. «Dans les années 1950, l’hormonothérapie avait le vent dans les voiles en médecine. On y voyait une évidence dans le fait qu’elle prévenait les maladies cardiovasculaires. De nombreuses femmes ont donc eu recours à la prise d’hormones. Puis, en 2002, l’étude clinique WHI a créé une onde de choc et a eu l’effet d’une véritable douche froide», se désole la Dre Demers.

Même si les conclusions de l’étude WHI ont depuis été réfutées – notamment parce qu’elle comportait une faille majeure en ce qui a trait à l’âge des participantes – et que de nouvelles analyses, plus rassurantes celles-là, ont été diffusées, la peur et la confusion persistent.

«Pendant des années, beaucoup de femmes ont donc refusé d’emblée un traitement hormonal parce qu’elles avaient peur. Et, de fait, la plupart ont souffert. Elles continuaient à vivre avec des problèmes non compris et mal traités. Et pour la société, il y a également eu un coût économique important à soigner les femmes avec des traitements qui n’étaient peut-être même pas nécessaires», estime la Dre Demers.

Les fluctuations hormonales ne sont pas la cause de tous les maux, mais les expertes que nous avons interrogées sont d’avis qu’un traitement hormonal pourrait en éradiquer et même en prévenir certains; une idée qui ne fait pas consensus au sein de la communauté scientifique. Il est aussi utile de préciser que les compositions des hormones bio-identiques (progestérone micronisée en comprimé et estradiol en comprimé ou transdermique) et non bio-identiques (des estrogènes équins conjugués et une progestine nommée acétate de médroxyprogestérone) diffèrent et que les contre-indications ne sont pas les mêmes dans les deux catégories.

 

Être à l’écoute de son corps

Nos hormones, ces grandes messagères, sont de précieuses alliées qu’on aurait avantage à mieux connaître et à mieux écouter. Être à l’affût des informations qu’elles nous transmettent nous permettra de mieux prendre soin de nous.
«Les femmes sont responsables de leur santé hormonale. Elles doivent en parler si elles pensent qu’il y a déséquilibre. Et insister au besoin quand on ne les écoute pas. Nos hormones fluctuent, et il y a diverses solutions possibles pour rétablir une stabilité hormonale», explique la Dre Marie- Andrée Champagne. Des exemples de solutions possibles: la prise d’un anovulant, la pose d’un stérilet, l’hormonothérapie ou une meilleure écoute des signaux de notre corps.

S’il est souhaitable de le faire tout au long de sa vie, c’est particulièrement utile quand s’enclenche la périménopause, souvent considérée comme la première tempête hormonale. Un traitement d’hormonothérapie n’est certes pas un remède miracle, mais ce n’est pas non plus le diable en personne. Le mieux, c’est de s’informer et d’en parler avec un professionnel de la santé.

 

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À quoi servent-elles?
  • Les hormones thyroïdiennes agissent sur le métabolisme et assurent notamment la régulation de notre température corporelle.
  • La mélatonine, l’hormone du sommeil, influe sur nos rythmes circadiens.
  • Le cortisol, la sérotonine et l’adrénaline gèrent le stress et l’humeur.
  • L’insuline contrôle le taux de sucre dans le sang, tandis que la leptine et la ghréline jouent sur nos réserves de graisse et notre appétit.
  • Les hormones sexuelles (progestérone, testostérone, estrogène et androgène) touchent le cycle menstruel et la reproduction.

 

Atteindre l’équilibre

Notre équilibre hormonal dépend étroitement de notre mode de vie. Voici donc quelques trucs pour prendre soin de nous (et donc de nos hormones!).

1. Observer nos états

On note les variations de notre appétit, de notre niveau d’énergie, de notre digestion, de notre sommeil, de notre irritabilité, etc.

2. Adapter nos activités

Une baisse d’énergie survient souvent pendant la deuxième phase du cycle menstruel. On choisit donc des exercices moins intenses et on se couche plus tôt. Ce n’est pas le temps de se lancer des défis trop exigeants. Autrement, on met notre corps en état de stress, ce qui perturbe encore plus nos hormones.

3. Prendre soin de notre flore intestinale

Une flore déséquilibrée peut affecter les niveaux d’estrogènes et favoriser la production d’autres hormones. Alors, on consomme du yogourt avec probiotiques, des légumineuses, etc.

4. Miser sur notre santé globale

On mise sur une saine hygiène de vie: on bouge, on dort suffisamment, on varie nos activités, on va dehors, etc.

5. Réduire notre stress

Les effets du stress sont néfastes, alors on se trouve des activités qui nous aident à mettre plus de calme dans notre vie. On ne se pousse pas toujours à bout. Notre corps a besoin de repos.

 

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