Santé
La sécheresse vaginale: parlons-en!
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«Il est fort probable qu’une personne de sexe féminin ait, à un moment de sa vie, un épisode de sécheresse vaginale», affirme la sexologue Audrey Morabito.
Pourtant, le sujet reste tabou. Et si l’on en parlait franchement?
La sécheresse vaginale est un problème très commun qui affecte des femmes de tout âge, principalement lors de la ménopause et de la périménopause. Inconfort, douleur, sensation de brûlure... Pourquoi endurent-elles ce mal?
«Seulement 20 % des femmes qui en souffrent en parlent, et 10 % se traitent, alors que ça nuit énormément à la qualité de vie», constate la Dre Jeanne Bouteaud, obstétricienne-gynécologue au CHUM, spécialisée dans les problèmes liés à la ménopause. Plusieurs facteurs expliquent ces faibles statistiques, dont la gêne d’en parler ou d’être examinée (on parle encore peu de la vulve des femmes!), la méconnaissance des traitements possibles et le manque d’accès aux soins de première ligne. Pourtant, les expertes interrogées nous assurent que les solutions sont simples et efficaces.
Un symptôme commun
Il faut savoir que les déséquilibres hormonaux (grossesse, allaitement, ménopause, mais aussi ceux provoqués par le stress ou une maladie) affectent les muqueuses vaginales. En dehors de la ménopause, les causes les plus fréquentes de la sécheresse vaginale sont les maladies de peau qui atteignent la vulve, la prise de certains médicaments et l’allaitement. Les traitements contre le cancer peuvent par ailleurs provoquer ce symptôme, tout comme l’alcool, la drogue, le tabac ou les contraceptifs oraux. Selon la cause, différentes avenues seront explorées par le médecin pour soulager la patiente (traitement adapté, lubrifiant ou crème, etc.).
La perturbation de la flore vaginale peut également être à la source de cet inconfort. Or, inutile de tenter de «laver» ses parties intimes avec des douches vaginales et des produits parfumés, prévient Mme Morabito: «Ça déséquilibre le pH. Les douches vaginales ne sont vraiment pas nécessaires, ça se fait tout seul. Ça sert à ça, les sécrétions.» Dans son livre La bible du vagin, la Dre Jen Gunter utilise cette image très claire: «Le vagin est comme un four autonettoyant.» Pour se laver, mieux vaut s’en tenir à l’eau.
Le syndrome génito-urinaire
Mais c’est de loin la ménopause qui est la cause la plus fréquente de sécheresse vaginale: presque 80 % des femmes ménopausées éprouveront ce symptôme. Les tissus de la vulve, du vagin et des voies urinaires sont remplis de récepteurs hormonaux (estrogène et testostérone). Avec la baisse d’hormones, «les tissus de la vulve et du vagin s’amincissent et se fragilisent», précise la Dre Bouteaud. Ceux-ci peuvent même s’atrophier.
C’est ce qu’on appelle le syndrome génito-urinaire, qui touche toute la sphère génitale et qui cause sécheresse, sensation d’inconfort ou de brûlure, irritation et démangeaisons dans les différentes parties où se trouvent des muqueuses (lèvres, clitoris, entrée du vagin). L’absence de lubrification entraîne de la douleur lors des relations sexuelles, d’un examen gynécologique ou de l’utilisation d’un tampon. Non seulement le syndrome génito-urinaire affecte la sphère sexuelle, mais il entraîne également différents symptômes sur le plan urinaire. «La vessie peut aussi être hyperactive, et les infections urinaires peuvent devenir fréquentes», poursuit la Dre Bouteaud.
Consulter sans hésiter
Si l’on constate une diminution des pertes (le vagin produit entre 1 et 3 ml de sécrétions vaginales par tranche de 24 heures) ou que l’on ressent un inconfort, il ne faut pas hésiter à consulter notre médecin de famille, notre gynécologue, notre pharmacien, une infirmière praticienne spécialisée ou une clinique d’hormonothérapie féminine qui déterminera la source de notre malaise. «Ce qui est difficile, c’est que la lubrification naturelle est différente pour chaque personne. Ça peut prendre du temps avant que les femmes remarquent un changement», observe Mme Morabito. Pour certaines, les douleurs surviendront pendant les relations sexuelles, tandis que d’autres auront mal au quotidien. «Ça frotte, c’est plus sec... c’est comme quand on a les yeux secs. On le sent», affirme Véronique Larouche, infirmière clinicienne spécialisée en périnatalité à Trois-Rivières et fondatrice de la clinique e-liv.
Surtout, il ne faut pas attendre pour consulter. «La bonne nouvelle, c’est que cet état est réversible quand on recourt au bon traitement», note Mme Larouche. Le plus tôt est le mieux, car «une fois que le mal est bien installé et que les symptômes sont sévères, il est difficile d’en venir à bout complètement», avertit la Dre Bouteaud, qui raconte que ses patientes confondent souvent les symptômes du syndrome génito-urinaire et ceux d’une infection à champignon. La crème antifongique les soulagera temporairement, mais ne traitera pas la source du problème.
Et contrairement aux bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale ne partira pas d’elle-même. Elle continuera à s’aggraver si elle n’est pas traitée. «Les patientes ressentent de plus en plus d’inconfort: en marchant, en s’assoyant, en pratiquant des activités physiques... À long terme, ça peut même entraîner des saignements», affirme la Dre Bouteaud.
Des traitements variés
Il existe plusieurs façons de soulager la sécheresse vaginale causée par le syndrome génito-urinaire. «Les traitements sont sécuritaires, couverts par la RAMQ, mais sous-utilisés. Il y a un manque de connaissances des patientes, mais aussi des intervenants de la santé par rapport à cette pathologie», dit la Dre Bouteaud. L’hormonothérapie peut atténuer la sécheresse, mais ce n’est pas toujours suffisant: de 30 à 40 % des femmes auront besoin d’un traitement local.
Des hydratants vaginaux sans hormones en vente libre peuvent être utilisés en continu et de façon régulière pour hydrater le vagin et la vulve. «Leur emploi prévient la création de microlésions qui augmentent les risques d’infection», ajoute Mme Morabito.
Des traitements hormonaux locaux peuvent également être prescrits sur ordonnance. Crèmes, comprimés ou anneau vaginal contiennent différentes formes d’estrogène. Par ailleurs, cet automne, de nouveaux médicaments arriveront sur le marché canadien: comprimé crémeux à insérer dans le vagin et à base de DHEA (qui produit de l’estrogène et de la testostérone au niveau des tissus), de même que le premier comprimé oral pour traiter spécifiquement la vulve et le vagin.
Quant aux traitements au laser, en causant une brûlure superficielle, ils contribueraient à recréer des tissus plus élastiques. Cependant, la Dre Bouteaud ne les recommande pas pour l’instant, car «les études sont contradictoires et peu concluantes».
Traitements hormonaux et risques
Santé Canada et la FDA obligent les fabricants à apposer, sur tous les produits à base d’hormones, un avertissement au sujet des risques de caillots sanguins. Or, dans le cas des traitements locaux – comme les crèmes et comprimés à insérer localement –, ça ne s’applique pas, indique la Dre Bouteaud. Les patientes craintives par rapport aux traitements hormonaux doivent savoir que les traitements locaux ne présentent aucun risque de thrombose ni de cancer du sang.
Outre les traitements médicamenteux, d’autres spécialistes peuvent venir à la rescousse pour diminuer les symptômes et la détresse qui l’accompagne. «La sécheresse peut avoir une origine somatique ou encore causer des problèmes psychologiques. C’est entremêlé, et ça peut être très souffrant», souligne Mme Morabito.
Le sexologue, par exemple, accompagne les femmes aux prises avec une baisse de désir, des douleurs ou la crainte d’être touchée. «Pour les personnes en couple, ça peut entraîner des conflits, des tensions avec le partenaire. Certaines iront même jusqu’à concevoir une aversion pour la sexualité», souligne Mme Morabito. Le sexologue cherche à réduire les craintes en identifiant les mécanismes qui atténuent les symptômes. Le but? Se réapproprier sa sexualité tout en tenant compte du problème de sécheresse. «C’est une phase de la vie. Le corps change, et on doit accepter où on en est, trouver ce qu’on peut faire pour être bien», précise Mme Morabito. Lors des relations sexuelles, il est d’ailleurs recommandé d’utiliser un lubrifiant à base d’eau ou de silicone – et d’éviter à tout prix les lubrifiants parfumés – pour soulager l’inconfort.
Une autre avenue intéressante? La physiothérapie périnéale, qui exerce l’élasticité des tissus. Lorsque les tissus sont stimulés (par des relations sexuelles ou des exercices de physiothérapie), ceux-ci conservent un meilleur apport sanguin. «C’est comme un muscle: continuer d’utiliser cette zone du corps ralentira la progression de l’atrophie», explique la Dre Bouteaud. Faire une croix sur les relations sexuelles et l’autostimulation n’est donc pas recommandé. «Mais on ne doit pas se forcer, nuance-t-elle, parce que ça peut empirer la douleur et créer une association négative entre l’activité et la douleur.»
Devant tant d’inconfort, il est malheureux qu’un grand nombre de femmes hésitent à consulter. «Il existe des solutions simples... Les femmes n’ont pas à endurer ça!» conclut Mme Larouche.