Santé
L'insomnie chronique nuit à la santé
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Trouver le sommeil est chaque soir un cauchemar? Peut-être souffrez-vous d’insomnie chronique. Lumière sur un problème qui nuit à la santé et à la qualité de vie de 10% des Québécois.
L'insomnie touche une personne sur quatre et une sur dix de façon chronique au Québec, soit 700 000 personnes, en majorité des femmes. Le problème menace la qualité de vie des personnes qui en souffrent, mais peut aussi avoir des conséquences graves sur leur santé. L'insomnie figure sur la liste des problèmes de santé les plus souvent rapportés aux médecins, selon le psychologue Charles M. Morin, directeur du Centre d'études des troubles du sommeil à l'Université Laval.
Charles Morin estime que l'insomnie devrait être considérée comme un problème de santé publique en raison du grand nombre de personnes affectées et de ses conséquences néfastes sur le plan collectif et social. Les personnes atteintes d'insomnie chronique manquent en moyenne de 14 à 20 heures de travail par période de trois mois, selon une étude du chercheur publiée dans la revue Sleep en 2009. L'insomnie coûterait au Québec 6,6 milliards de dollars par année en coûts directs et indirects (pertes de productivité, absentéisme, soins de santé, etc.).
«On sous-estime l'insomnie dans notre société. Or, le sommeil représente la moitié de la santé, affirme Jacques Clairoux, directeur de Fondation Sommeil. Si nous étions plus attentifs aux troubles de sommeil, cela éviterait bien des dépressions et autres problèmes.»
Diagnostiquer l'insomnie chronique
Tout le monde vit un problème d'insomnie à un moment ou à un autre de sa vie, que ce soit à cause d'une surcharge de travail, d'une maladie ou d'une séparation. Le problème c'est lorsque les difficultés à s'endormir perdurent.
Une personne qui se réveille la nuit devrait compter les moutons pendant environ 30 minutes avant de pouvoir s'endormir à nouveau. L'insomniaque chronique, lui, peine à s'endormir, dort trois ou quatre heures, puis se réveille sans parvenir à fermer l'œil à nouveau. «Si on éprouve des troubles d'endormissement ou à maintenir le sommeil trois fois ou plus par semaine, et ce, depuis plus d'un mois, on peut parler d'insomnie chronique», indique M. Clairoux. Un état qui dure souvent plusieurs mois, voire plusieurs années.
On doit toutefois faire la différence entre «insomnie» et «privation de sommeil». Les petits dormeurs qui ont un horaire très chargé pour une période donnée n'auront pas de problème à dormir quand ils peuvent récupérer, contrairement aux insomniaques. De plus, même si sept à huit heures sont nécessaires pour un adulte en moyenne, six heures conviendront à d'autres.
Les causes derrière l'insomnie
Des raisons médicales et biologiques peuvent expliquer les cas d'insomnie chronique tout comme un environnement bruyant, un horaire irrégulier au boulot et une mauvaise hygiène de vie. La ménopause, mais aussi certains changements dans les cycles de sommeil associés au vieillissement en sont aussi des causes. La plupart du temps, l'insomnie est due à une situation stressante précise telle qu'un deuil, une rupture, une perte d'emploi, des dettes, etc. Une fois cet élément déclencheur passé, certaines personnes vont toutefois continuer à avoir de l'insomnie.
Les personnes au tempérament anxieux et perfectionniste seraient également plus susceptibles d'être touchées, car leurs tracas de la journée les suivent au lit, selon le Dr Morin. Et elles s'inquiètent de savoir si elles vont réussir à dormir avant même d'aller au lit, ce qui empire la situation. «L'insomnie, ce n'est pas de ne pas pouvoir dormir, c'est plutôt le drame de vouloir dormir. Le problème est que les insomniaques sont effrayés par leur lit, car ils se disent qu'ils ne parviendront pas à trouver le sommeil», explique M. Clairoux.
L'insomnie est néfaste pour la santé
Le manque répété de sommeil peut avoir plusieurs conséquences néfastes. Au-delà de la fatigue physique et morale, elle est étroitement associée à différents troubles de santé mentale, dont l'anxiété. L'insomnie diminue la capacité de concentration et la mémoire, occasionne de l'irritabilité et augmente les risques de dépression. Les adolescents touchés par ce problème éprouveront davantage de difficultés d'apprentissage et seront plus enclins au décrochage scolaire. Sans oublier les risques d'accident de travail et la somnolence au volant, l'une des causes d'accident sur les autoroutes.
L'insomnie chronique peut aussi causer des problèmes de santé tels que des troubles gastro-intestinaux, des infections virales et des maux de tête. De récentes recherches ont démontré qu'elle est associée à des risques d'hypertension artérielle. D'autres études ont prouvé qu'il existe un lien entre le manque de sommeil chronique réel, la prise de poids et le diabète. Les nuits de sommeil perturbées engendreraient en effet des risques de diabète par résistance au glucose.
Vaincre l'insomnie
L'insomnie n'est pas une fatalité. Elle se traite efficacement par une thérapie cognitive et comportementale. Elle vise à identifier les sources de l'insomnie, à modifier les mauvaises habitudes de sommeil et à rétablir chez le patient son cycle naturel de sommeil. «En général, entre 6 et 12 séances sont suffisantes et son efficacité est de 85 %», précise M. Clairoux. Certains ne se débarrasseront pas de toutes leurs difficultés de sommeil, mais ils auront amélioré leur sommeil.
Il existe aussi des médicaments pour dormir, mais ils ne devraient être employés qu'en cas de nuits blanches en raison de leurs effets secondaires et des risques de dépendances physique et psychologique. «C'est un peu comme mettre un pansement sur une plaie. L'insomnie est un symptôme, pas une maladie. On doit en identifier les causes pour pouvoir agir», précise M. Clairoux.
Changer ses habitudes
Les insomniaques ont intérêt à développer une hygiène de vie favorable au sommeil. «Certaines personnes affirment souffrir d'insomnie, mais boivent de l'alcool avant d'aller au lit, dorment avec leurs vêtements et ont une literie inconfortable. On doit s'efforcer de se créer un rituel au sommeil pour avoir une relation d'amour avec lui!», conseille le directeur de la Fondation Sommeil. La chambre à coucher doit devenir un lieu de repos et non de frustration. «Pas de boulot ni de lecture dans cette pièce qui doit être réservée au dodo ou aux activités sexuelles. Dès qu'on a les yeux qui piquent ou que l'on bâille, on se rend au lit. Et si on ne parvient pas à dormir après 20 minutes, on en sort.»
Insomniaque un jour, insomniaque toujours? «C'est un peu comme demander si on peut guérir l'anxiété... Il y a des optimistes et des pessimistes. Oui il y des personnes qui sont prédisposées à l'insomnie. Mais je pense que si l'on parvient à faire un bon bilan, identifier les causes et appliquer les traitements, on peut parvenir à des résultats très positifs», conclut Jacques Clairoux.
Suggestions de lecture
Vaincre les ennemis du sommeil, Charles M. Morin, Éditions de l'Homme, 2009, 288 pages.
Références
Daley, M., Morin, C. M., LeBlanc, M., Grégoire, J.-P., & Savard, J. (2009). The economic burden of insomnia: direct and indirect costs for individuals with insomnia syndrome, insomnia symptoms and good sleepers. Sleep, 32, 55-64.
Daley, M., Morin, C. M., LeBlanc, M., Grégoire, J.-P., Savard, J.,& Baillargeon, L. (2009). Insomnia and its relationship to health-care utilization, absenteeism, productivity and accidents. Sleep Medicine, 10, 427-438.
Morin, C. M., Bélanger, L., LeBlanc, M., Ivers, H., Savard, J., Espie, C., Mérette, C., Baillargeon, L., & Grégoire, J.-P. (2009). The natural history of insomnia: A population-based 3-year longitudinal study. Archives of Internal Medicine, 169, 447-453.
Centre d'étude des troubles du sommeil