Santé
L'environnement nuit-il à notre santé?
Les problèmes environnementaux affectent bien plus que les forêts ou les ours polaires. Ils nuisent aussi à notre santé. Survol des risques et pistes de solutions.
Les polluants environnementaux se cachent partout: dans l'air, dans l'eau, dans le sol.Les polluants rejetés par les cheminées d'usines s'accumulent dans l'eau ou sur les végétaux qui servent de repas aux animaux... qui se retrouvent dans notre assiette.«Les troubles de santé ont plusieurs causes: l'environnement peut être l'une d'elles», dit Donna Mergler, du département des sciences biologiques de l'Université du Québec à Montréal (UQÀM). Dans le cas du cancer, certains polluants environnementaux comptent parmi les facteurs de risque à côté de l'âge, des prédispositions génétiques et de l'alimentation. «Il n'y a pas de maladies dues uniquement à la pollution, nuance Claude Viau, professeur au département de santé environnementale et santé au travail de l'Université de Montréal. La seule exception est le mésothéliome, un cancer rare, presque toujours causé par une exposition professionnelle à l'amiante.»
Les chercheurs ont des indices quant à l'effet des polluants sur notre santé, mais ont du mal à le prouver de manière définitive. «Nous sommes exposés de manière constante à un grand nombre de produits chimiques mais à des niveaux très faibles», dit Donna Mergler. Or, «même si on mesure des microgrammes de certains polluants dans l'eau, par exemple, on connaît mal leurs effets sur notre santé en aussi petite quantité», ajoute Patrick Levallois, médecin spécialisé en santé communautaire et expert reconnu sur la pollution de l'eau à l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ).
Notre exposition à un polluant donné peut s'étaler sur des années, alors que la plupart des études durent tout au plus quelques mois. En plus, les scientifiques évaluent habituellement un seul polluant alors que «c'est peut-être leur combinaison qui est dangereuse», note Philip Spear, biologiste associé au Centre de recherche en toxicologie de l'environnement.
Pour déterminer si un polluant est dangereux, les chercheurs multiplient donc les preuves indirectes. Ils observent d'abord la santé des travailleurs qui le manipulent ou respirent. «Comme ils en reçoivent une dose plus forte, les effets, s'il y en a, seront plus marqués chez eux», dit Pierre Gosselin, médecin de santé publique et conseiller à l'INSPQ. Ils donnent aussi de grosses doses de ces polluants à des animaux ou en introduisent dans des cellules humaines. «Malgré leurs limites, ces études sont un bon indice de la nocivité d'un produit», explique Onil Samuel, agent de recherche en santé et en environnement à l'INSPQ.
Les études épidémiologiques comparent les habitudes de vie, l'alimentation ou le lieu de résidence de deux populations très semblables. Par exemple, «on compare le quotient intellectuel ou la croissance des enfants d'une communauté qui pêche dans un fleuve pollué avec ceux d'une autre qui pêche dans un lac peu contaminé», dit Philip Spear.
Cet ensemble d'indices montre que plusieurs polluants minent notre bien-être: «Ils interfèrent avec notre métabolisme et peuvent affecter notre système immunitaire, reproductif ou neurologique», dit Donna Mergler. Cela peut se traduire notamment par une augmentation des troubles de la fertilité, des cancers et des cas de diabète...En 2006, le groupe Environmental Defence a trouvé, dans le sang ou l'urine d'une douzaine de Canadiens, 46 polluants chimiques. Ces produits sont des cancérigènes (cela signifie qu'ils augmentent les risques de développer un cancer et non qu'ils causent cette maladie). Voici les principaux.
Le plomb
Selon un rapport de la Commission de coopération environnementale (CCE), le top 20 des polluants les plus émis par les industries canadiennes et américaines, en 2004, incluait le plomb et le mercure, qui se dégradent mal et s'accumulent dans notre organisme. Le plomb provient des cheminées d'usines, des vieilles peintures qui s'écaillent et des anciens réseaux d'eau potable. Certains jouets pour enfants ont été rappelés, car ils en contenaient. Le plomb peut entraîner de l'anémie, des difficultés à se concentrer, des troubles d'apprentissage et de l'hyperactivité.
Le mercure
Il provient du poisson qu'on mange. «Mais les concentrations dans notre sang sont trop faibles pour avoir un effet important chez la majorité des gens», affirme Claude Viau. Une exposition élevée au mercure peut entraîner des troubles neurologiques: retards moteurs et un manque de coordination.
Le benzène
Le benzène, cancérigène, est présent dans l'essence, les contenants de plastique et les pneus.
Le PBDE
Cet ignifugeant est présent dans les fauteuils, les tapis, les séchoirs à cheveux et les grille-pains. Santé Canada a constaté que le lait maternel des Canadiennes en contient 100 fois plus qu'il y a 20 ans. Les études ne l'ont pas encore prouvé, mais on le soupçonne de causer le cancer.
Les composés perfluorés
Ils se cachent dans les revêtements en téflon et dans certains produits anti-taches. Les études ne sont pas concluantes, mais certains de ces composés seraient cancérigènes.
Les phtalates
Servant à assouplir les plastiques, on les retrouve dans les emballages, les jouets pour enfants, les planchers de vinyle et les vernis à ongles, on les suspecte d'être des perturbateurs endocriniens. Ils interféreraient avec nos hormones.
Pas de panique! «Malgré la présence de mercure ou de phtalates dans notre environnement, l'espérance de vie augmente! dit Claude Viau. Et, si le téflon libère des composés toxiques, il a peut-être aussi prévenu des centaines de maladies cardiovasculaires en limitant les matières grasses qu'on utilise pour cuisiner!»
Que faire?
Pour s'assurer qu'un objet qu'on possède n'est pas toxique, on peut effectuer une recherche dans la section "Avis, mises en garde et retraits".La pollution de l'air
Les usines et les véhicules motorisés rejettent une foule de composés nocifs, dont le dioxyde de soufre (SO2), les composés organiques volatils (COV), les oxydes d'azote (NOx) et les particules fines. Ces dernières, produites par la combustion incomplète de combustibles comme l'essence, demeurent en suspension dans l'air, et on les aspire involontairement. Celles dont le diamètre est inférieur à 0,1 millionième de mètre se faufilent dans notre système sanguin, où elles augmentent la viscosité du sang et entraînent des maladies cardiovasculaires. De son côté, le SO2 (qu'on retrouve aussi dans les pluies acides) irrite les voies respiratoires. Ces dernières deviennent alors plus susceptibles aux bronchites ou aux crises d'asthme. Le smog - un mélange de COV, de NOx et de particules fines - est aussi un irritant.
«Des milliers d'études montrent que ces composés engendrent des maladies respiratoires ou cardiaques», résume Pierre Gosselin. Santé Canada estime même que, chaque année, 3 800 à 8 000 Canadiens en meurent. Cette soupe chimique augmenterait le risque de cancer du poumon chez les fumeurs.
Les feux de foyer dégagent des COV et des dioxines, dont certaines sont des cancérigènes, proviennent aussi des incinérateurs et de certaines usines de pâtes et papiers.
5 conseils
Pester contre les pesticides
Près de quatre millions de kilos de pesticides se sont vendus au Québec en 2003, estime le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs du Québec. «Les études animales montrent que certains d'entre eux affectent le système immunitaire, le système endocrinien et pourraient causer certains cancers», dit Onil Samuel. On les absorbe en respirant à proximité d'un champ ou d'une pelouse qui vient d'être traitée, en touchant des surfaces contaminées ou en croquant dans un fruit ou un légume [qui a été vermifugé].
Les pesticides les plus dangereux ont été interdits au Canada, mais on les utilise encore dans certains pays d'Afrique ou d'Asie. Selon l'Agence canadienne d'inspection des aliments, environ 88 % des produits agricoles importés ne contiennent aucun résidu détectable de pesticides.
Pour se rassurer, «si on en a les moyens, manger des fruits et des légumes biologiques peut réduire notre exposition», suggère Onil Samuel.
Que peut-on faire?
On se sent interpellée par le réchauffement de la Terre, les banquises qui fondent et les catastrophes climatiques qui menacent notre planète? On devrait aussi s'inquiéter pour nous. Selon une étude de l'INSPQ, un climat plus chaud tuera chaque été 2 % plus de Québécois dès 2020 et 10 % de plus en 2080. Les causes de décès vont des cancers de la peau aux coups de chaleur.
Le réchauffement de la planète amènera aussi jusqu'au Canada des maladies transmises par les insectes, comme le virus du Nil ou la maladie de Lyme, autrefois limitées aux pays chauds.
Enfin, ajoute Pierre Gosselin, «les changements climatiques vont nuire à la salubrité de l'eau en provoquant des pluies torrentielles et, par conséquent, des ruissellements intenses». Cela signifie que les champs agricoles seront plus souvent inondés et que le purin qui s'y retrouve s'écoulera plus facilement vers nos cours d'eau.
Faire notre part...
Nano-polluants à l'horizon?
De rares chercheurs s'inquiètent des nanoparticules. Celles-ci, dont le diamètre est de 50 000 à 100 000 fois plus petit qu'un cheveu, se répandent dans le commerce: on en trouve dans certains cosmétiques et aérosols. Ces particules sont si petites qu'elles peuvent se faufiler dans les bronches, le système sanguin et même le cerveau. Le problème? Personne ne connaît les effets possibles de ces composés, dont le carbone, à une taille aussi petite. Pour l'instant, des groupes de recherche québécois développent des guides qui indiquent aux travailleurs comment manipuler ces particules de manière sécuritaire. À surveiller.
Pour aller plus loin
Sur le Web
Santé Canada
Dans "Votre santé et vous", puis dans "Environnement".
La Société canadienne du cancer
Dans "Partout au Canada", puis "Le cancer et l'environnement".
L'Institut national de santé publique du Québec
Dans la section "Santé environnementale et toxicologie".
En librairie