Santé
J'ai une bosse au sein: qu'est-ce que je fais?
On se découvre une bosse sur le sein? Voici la marche à suivre pour prendre les choses en main. Et on garde espoir: plusieurs lésions sont bénignes.
Le cancer du sein est toujours le plus répandu chez les femmes, et c'est pourquoi il est si inquiétant de détecter une bosse à son sein. Cela dit, la présence d'une bosse ne signifie pas nécessairement qu'on a le cancer: d'après la Fondation du cancer du sein du Québec, environ 80 % des masses découvertes à la palpation ne sont pas cancéreuses. Plusieurs causes peuvent expliquer ces masses, et plusieurs examens sont parfois nécessaires pour en déterminer la nature exacte.
Voici ce qu'il faut savoir sur les différents types de bosses qui peuvent se développer dans un sein et sur les tests qu'on nous fera passer si on en trouve une.
Le guide des bosses
Il est difficile de déterminer la nature d'une masse en la palpant. Voici tout de même des indices qui permettent de reconnaître les principaux types de bosses au sein.
Le kyste. On le compare à un petit ballon rempli d'eau. En effet, le kyste est une cavité remplie de liquide inoffensif, dont le diamètre peut mesurer jusqu'à 5 cm environ. Cette masse, bien définie et mobile, occasionne souvent un malaise ou un inconfort. On n'en connaît pas la cause. «Le kyste est associé aux changements hormonaux», dit la Dre Jinder Sall, médecin de famille et membre du conseil d'administration de la Fondation du cancer du sein du Québec. Les adolescentes et les femmes en préménopause y sont d'ailleurs plus sujettes, lit-on dans le Guide familial des symptômes. Le kyste varie selon le cycle menstruel: il apparaît souvent quelques jours avant les règles et voit son volume diminuer après. «La plupart des kystes ont tendance à disparaître, dit la Dre Sall. Si cette masse demeure une semaine ou deux après les menstruations, on devrait consulter.» Lorsque le kyste cause de la douleur ou est apparent, le médecin de famille ou un spécialiste peut le vider par aspiration, à l'aide d'une aiguille. Sinon, on le laisse là. Il est bénin et ne risque pas de se transformer en quelque chose de plus grave.
Maladie fibrokystique. Si nos seins présentent plusieurs bosses, plus ou moins grosses, on peut avoir ce qu'on appelle la maladie fibrokystique, une condition très courante qui touche, selon le Programme de dépistage du cancer du sein de la région de Québec, 50 % à 60 % des femmes âgées entre 30 et 50 ans. Des nodules et des kystes se forment à l'intérieur du sein, ce qui peut causer un gonflement, de la douleur ou de la sensibilité aux seins (les symptômes sont plus importants durant la phase prémenstruelle). Ces masses bénignes, dont on ne connaît pas la cause, doivent être investiguées et nécessitent un suivi annuel (la maladie fibrokystique n'augmente pas les risques de cancer, mais il faut surveiller l'apparition de nouvelles bosses). On n'enlève les kystes que lorsqu'ils sont douloureux ou gênants. La Dre Sall conseille d'éviter le tabac, l'alcool, la caféine et l'aspirine, afin de diminuer la rétention d'eau, qui favorise la formation de kystes.
Le fibroadénome. Cette tumeur bénigne, bien délimitée et mobile, possède une consistance ferme et caoutchouteuse, comme une balle de caoutchouc. Le fibroadénome, qui apparaît généralement chez les femmes de moins de 30 ans, cause généralement peu ou pas de douleur. «Sa cause n'est pas connue», dit la radiologue Denise Ouimet Oliva, professeure à l'Université de Montréal. Son volume peut aussi varier en fonction du cycle menstruel, mais dans une mesure moindre que le kyste, d'après la Dre Sall. «On enlève le fibroadénome s'il augmente de taille, s'il inquiète la patiente ou s'il nuit à l'esthétique du sein, dit Pierre Audet-Lapointe, médecin conseil responsable du Programme québécois de dépistage du cancer du sein de la région de Montréal. Mais cette chirurgie laisse une cicatrice.» Cette tumeur bénigne ne se transforme pas en cancer.
Cancer du sein. On peut illustrer la masse cancéreuse par un corail: elle est dure, irrégulière et possède une surface ligneuse. Cette tumeur maligne, qui donne l'impression d'être attachée à la peau, ne disparaît pas au gré du cycle menstruel. Et, contrairement à ce que plusieurs pensent, la lésion peut être douloureuse, souligne la Dre Sall. La lésion cancéreuse peut être accompagnée d'écoulements brunâtres, noirâtres ou rouges provenant du mamelon, d'une rétractation du mamelon, d'une petite crevasse sur la peau du sein ou d'une altération de l'épiderme du sein.
J'ai trouvé une bosse... qu'est-ce que je fais?
On se trouve une bosse à un sein. Voici les différentes étapes à suivre pour se rassurer ou, le cas échéant, prendre les mesures nécessaires pour stopper la progression de la maladie.
1. On consulte.
On vérifie si la masse disparaît après les menstruations. Si elle persiste, on consulte rapidement. Durant l'examen clinique, le médecin palpe la masse, les deux seins, les aisselles et la région au-dessus de la clavicule afin de déterminer si les ganglions lymphatiques sont enflés. Il examine aussi la peau du sein et des mamelons. Le médecin prescrira aussi une mammographie diagnostique, pour laquelle le temps maximal d'attente peut aller d'un mois à deux mois, si le médecin détermine, à l'examen clinique, que la masse n'est pas suspecte. Si, au contraire, la masse est suspecte, la mammo est passée dans les jours qui suivent.
2. On investigue.
La mammographie diagnostique (une radiographie des tissus mammaires) s'effectue de la même façon que la mammographie de dépistage (on comprime les seins entre deux plaques, ce qui peut faire mal), mais elle est plus approfondie. On produit des clichés ciblés sur la région de la masse. La mammographie diagnostique permet de déceler les lésions anormales, indétectables à la palpation. Après cet examen, le radiologue a souvent une bonne idée de la nature, cancérigène ou bénigne, de la masse, surtout si on est une femme âgée (chez les moins de 35 ans, l'image radiologique n'est pas toujours claire, car les tissus du sein sont plus denses). Lorsque l'image est très claire, la mammographie permet de poser un diagnostic, mais on effectue généralement un autre examen pour confirmer. «Si on a une masse palpable et que la mammographie ne la détecte pas, il faut faire une échographie, dit la Dre Sall. La mammographie comporte une marge d'erreur.»
La mammographie peut être accompagnée d'une échographie (certains hôpitaux l'utilisent très souvent, d'autres moins). Dans cette technique à ultrasons, les seins, enduits de gel, subissent un balayage à l'aide d'une sonde. La période d'attente pour passer cet examen varie grandement dans les divers hôpitaux et cliniques du secteur public: à Montréal, on peut devoir patienter jusqu'à quatre mois, d'après le Dr Pierre Audet-Lapointe! «Cet examen permet de voir si la masse est liquide ou solide et si elle est bénigne, probablement bénigne, modérément suspecte, etc.» dit la Dre Denise Ouimet Oliva. Pour le déterminer, le radiologue s'appuie sur différents critères, comme la forme, la densité, le contour et l'homogénéité de la lésion. Grâce à l'échographie, on détecte facilement un kyste, qu'on peut vider en cas de besoin. Quand la masse est solide et «probablement bénigne», on surveille l'évolution de la masse. On effectue une échographie après six mois, un an, deux ans et trois ans. Si la masse ne se modifie pas durant ce délai, on cesse ce suivi systématique (il pourrait s'agir d'un fibroadénome ou d'une autre forme de nodule). En revanche, lorsque la bosse est solide et «modérément suspecte», on n'a d'autre choix que de se soumettre à d'autres formes d'examen. La possibilité d'un cancer n'est toujours pas exclue.
3. On analyse.
La biopsie, qui consiste à prélever des cellules ou tissus de la lésion afin de les examiner au microscope, permet d'établir le diagnostic avec certitude. Cet examen effectué à l'aide d'une aiguille (elle peut être fine ou plus grosse) n'est pas douloureux puisqu'il est fait sous anesthésie locale. Cet examen s'effectue souvent sous échographie, la sonde permettant de localiser la masse où l'on doit insérer l'aiguille. Si, en plus de notre masse, on détecte des lésions très petites (ex.: 5 mm), on peut devoir faire une biopsie stéréoguidée. On est alors couchée à plat ventre, la tête tournée, sur une table munie d'un orifice duquel sort le sein. On localise les lésions à l'aide de radiographies reliées à un ordinateur et on prélève six échantillons de tissu avec une aiguille. L'examen n'est pas douloureux (il est aussi fait sous anesthésie locale), mais la position est inconfortable. Le lendemain d'une biopsie, on peut pratiquer nos activités quotidiennes. La Dre Sall recommande toutefois d'éviter de pratiquer un sport, comme de l'aérobie ou du tennis, dans les trois jours qui suivent.
On obtient habituellement les résultats de la biopsie après deux à trois semaines. On sait alors si notre masse est cancéreuse ou non. Si elle ne l'est pas, l'investigation se termine ici. Si elle l'est, les prélèvements sont analysés pour déterminer le type de cancer dont on souffre (il en existe plusieurs; les plus fréquents prennent naissance dans les canaux et les glandes du sein et portent le nom d'adénocarcinomes) et pour planifier le traitement.
Lorsqu'on soupçonne une lésion extensive (plusieurs sites dans le sein), on peut avoir recours à l'imagerie par résonance magnétique. Cet examen, réservé à des cas particuliers parce qu'il est coûteux pour l'État, qui dispose de peu d'appareils, permet de déterminer le stade du cancer et de relever d'autres petits sites de cancer du sein. Lors de ce test, on est couchée à plat ventre sur une table et nos seins sont bien étalés dans un moule. On nous injecte un produit isotopique par voie intraveineuse et on nous glisse ensuite dans un tunnel. On peut alors détecter des lésions très petites. L'examen, qui dure environ 40 minutes, peut être angoissant pour celles qui craignent les espaces clos (si on est claustrophobe, on le mentionne au radiologue).
4. On traite.
Le spécialiste décide du traitement selon le type de cancer, son degré de malignité (son grade), son stade et notre état de santé général. On procède à une chirurgie pour enlever la tumeur ou le sein. Le quart des patientes doit subir une mastectomie (ablation du sein), d'après le Dr André Robidoux, titulaire de la Chaire Banque Scotia en diagnostic et traitement du cancer du sein de l'Université de Montréal.
Par la suite, le traitement est personnalisé. On peut avoir recours à la radiothérapie (on détruit les cellules cancéreuses à l'aide de rayons X de haute énergie), à la chimiothérapie (médicaments qui empêchent le développement et la propagation des cellules cancéreuses) ou à l'hormonothérapie (hormones sous forme de comprimés ou d'injections). Les femmes qui ont vaincu le cancer reçoivent souvent un traitement antihormonal (sous forme de médicaments) de cinq ans et sont suivies par un médecin aux six mois.
Un spécialiste répond à nos questions
Le Dr André Robidoux, titulaire de la Chaire Banque Scotia en diagnostic et traitement du cancer du sein de l'Université de Montréal, répond aux questions qu'on se pose toutes sur le cancer du sein.
L'incidence du cancer du sein est-elle en hausse?
On dénombre un peu plus de cas qu'auparavant. Une femme sur neuf souffrira du cancer du sein au cours de sa vie. Il y a 20 ans, c'était 1 sur 16. Ce phénomène s'explique en partie par le fait que la population vieillit. Le risque de cancer du sein augmente avec l'âge: à 25 ans, environ 50 femmes sur 100 000 sont touchées; à 35 ans, 65 femmes sur 100 000; à 60 ans, 335 femmes sur 100 000; et à 75 ans, 450 femmes sur 100 000. Au XIXe siècle, l'espérance de vie de la femme était de 46 ans. Elle ne mourait pas du cancer du sein, mais en couches ou d'une pneumonie! On peut toutefois se demander si on on ne trouve pas plus de cancers du sein parce qu'on cherche davantage à les dépister (grâce au Programme québécois de dépistage du cancer du sein). Environ 50 % des femmes qui souffrent d'un cancer du sein n'ont pas de lésions palpables. La mammographie de dépistage permet de découvrir les petites tumeurs invisibles à l'oeil nu.
Est-ce qu'on meurt encore du cancer du sein?
En Amérique du Nord, une femme décède du cancer du sein toutes les 12 minutes. Le quart des femmes affectées par cette maladie en meurt toujours. C'est tout de même deux fois moins que dans le passé. On pourrait réduire de 30 % à 40 % la mortalité due à ce cancer si 70 % des femmes âgées entre 50 et 69 ans participaient au Programme de dépistage du gouvernement québécois. (À Montréal, seulement 40 % des femmes de cet âge y sont inscrites.) Le cancer du sein demeure une maladie complexe et très hétérogène. Son caractère agressif et invasif dépend du type de cancer. Le temps de dédoublement d'une cellule maligne varie de 30 à 900 jours. Ce n'est pas parce qu'une lésion cancéreuse ne fait que 5 mm que le cancer n'est pas très agressif.
En sait-on un peu plus aujourd'hui sur les causes du cancer du sein?
Chez 5 % des patientes, le cancer est transmis par les gènes. Mais, dans 95 % des cas, on ne connaît toujours pas la cause de la maladie. En revanche, on sait que le cancer du sein est le résultat d'une combinaison de facteurs de risque. Certains sont non modifiables, comme le bagage génétique, le nombre de parents proches (mère, soeur ou fille) qui ont souffert d'un cancer du sein (cela augmente le risque de deux à quatre fois), des premières menstruations précoces, l'âge et une ménopause tardive. Il y a aussi d'autres facteurs, sur lesquels on peut agir: l'obésité, la consommation d'alcool (le fait de boire deux verres ou plus par jour), la prise du traitement hormonal substitutif combiné durant la ménopause, le fait de ne pas avoir d'enfant ou d'en avoir un tardivement augmentent le risque de cancer. Par ailleurs, on a mené beaucoup de recherches afin de déterminer si la pilule contraceptive constituait un facteur de risque. Les études effectuées jusqu'à présent montrent qu'elle n'augmente pas le risque. Malgré tout, on le soupçonne fortement.
Peut-on prévenir la maladie si on possède un bagage génétique ou familial négatif?
Le Tamoxifen, un médicament utilisé pour traiter les femmes souffrant de cancer du sein, peut être utilisé à titre préventif chez les femmes présentant un risque élevé. Dans une étude publiée en 1998 et à laquelle j'ai participé, nous avons montré que ce médicament réduit de 50 % les chances de développer un cancer durant les années qui suivent le début de la prise du médicament. Ce n'est toutefois pas dans les moeurs de prendre un médicament préventif contre le cancer, même si on le fait pour prévenir une grossesse ou un problème de cholestérol. Il reste que le Tamoxifen présente le désavantage d'augmenter le risque de cancer de l'utérus. On étudie présentement un autre médicament, le Raloxifene, qui ne présenterait pas cet inconvénient. On pratique aussi de plus en plus la mastectomie préventive chez les femmes qui présentent un risque très élevé.
Croyez-vous en l'efficacité de l'auto-examen des seins?
Les études effectuées jusqu'à présent n'ont pas permis de conclure que l'auto-examen réduit le risque de décès dû au cancer du sein. Mais ce moyen de prévention n'a pas encore été assez étudié pour conclure qu'il n'est pas efficace. Je recommande aux femmes de le faire. Mais elles ne le font malheureusement pas...
[NDLR: Le Programme québécois de dépistage du cancer du sein souligne aussi que l'auto-examen permet à la femme d'être plus sensible aux changements qui surviennent chez elle, sans toutefois remplacer l'examen clinique et la mammographie.]
Est-il vrai que les émotions peuvent provoquer le cancer du sein?
C'est tout à fait faux. Ça ne repose sur aucune base scientifique. Qui n'a pas vécu un événement traumatisant, comme un deuil, un déménagement ou une perte d'emploi?