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Hypocondrie: l'obsession de la maladie

Hypocondrie: l'obsession de la maladie

Istockphoto.com Photographe : Istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

On s'est tous, à un moment ou l'autre de notre vie, inquiété pour un mal de tête persistant, une douleur musculaire ou un trouble de digestion. Mais qu'en est-il lorsque la crainte d'être atteint d'une maladie grave devient une préoccupation obsessive? C'est ce qu'on appelle l'hypocondrie.

À la moindre toux ou au moindre étourdissement, les hypocondriaques peuvent accourir chez le médecin. Même si celui-ci ne trouve rien, ils demeurent convaincus d'être atteints d'une maladie grave. La vie d'un hypocondriaque n'a rien d'une partie de plaisir.

Les hypocondriaques accumulent les ordonnances, les examens cliniques, radiographies et scanners. Certains visitent le médecin ou la salle d'urgence plusieurs fois par semaine.

Beaucoup d'hypocondriaques vont passer d'un spécialiste à un autre. Le fait qu'un spécialiste ne trouve rien d'anormal ne les rassure pas; ils croient plutôt que le laboratoire a fait une erreur ou que la maladie n'est pas encore assez avancée pour avoir été décelée.

Les personnes hypocondriaques adoptent de fausses croyances qui les renforcent dans leur trouble. Le moindre changement dans leur corps est perçu comme le signe d'une maladie sérieuse parce que chaque symptôme doit avoir une cause physique identifiable.

Les hypocondriaques sont persuadés que, s'ils ne consultent pas aussitôt qu'ils remarquent un symptôme inhabituel, il sera trop tard ensuite.

Obsédés par la maladie, les hypocondriaques sont très sensibles aux «maladies de l'actualité», c'est-à-dire à celles dont on entend beaucoup parler dans les médias, que ce soit le cancer du sein, la grippe aviaire ou le sida. En fait, la seule maladie dont ils ne soupçonnent pas être atteints est bel et bien... l'hypocondrie.

«Le cas le plus sévère que j'ai vu, c'était une dame qui était persuadée d'avoir le cancer. En plus, elle travaillait dans le milieu médical, où il y a énormément de sources de stimulation pour un hypocondriaque. Le conjoint de cette dame devait l'examiner constamment pour voir si elle n'avait pas de bosses suspectes», raconte Frédéric Langlois, psychologue et professeur à l'Université du Québec à Trois-Rivières.L'hypocondrie est un trouble de nature anxieuse, classé parmi les troubles somatoformes (présence de symptômes physiques qui ne peuvent s'expliquer complètement par une affection médicale générale ou par un autre trouble mental), selon le DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux de l'American Psychiatric Association. Elle est caractérisée par une préoccupation centrée sur la crainte ou l'idée d'être atteint d'une maladie grave. La personne qui en souffre interprète le moindre symptôme physique comme le signe d'une maladie grave. L'hypocondrie se caractérise aussi par une incapacité pour la personne qui en souffre d'être rassurée. Même un bilan médical approprié et rassurant n'arrive pas à calmer les inquiétudes de la personne. Pour qu'une personne soit diagnostiquée comme étant hypocondriaque, ses angoisses doivent être la source d'une souffrance cliniquement significative et entraîner des répercussions sur son travail, ses relations sociales ou autres. Pour être diagnostiqué, le trouble doit persister depuis au moins six mois.

L'hypocondrie toucherait environ 5 % de la population. Hommes et femmes en souffrent dans une même proportion. Toutefois, il semble que les femmes s'inquiètent un peu plus du cancer tandis que les hommes craignent davantage d'être atteints de troubles cardiaques. L'hypocondrie apparaît généralement de façon graduelle. Des recherches sont actuellement en cours afin de déterminer s'il ne serait pas possible d'en déceler les premiers signes dès l'adolescence.

Causes
Les causes de l'hypocondrie sont mal connues. Certains chercheurs ont démontré qu'elle pourrait être «apprise», notamment auprès de parents qui réagissent avec excès à la maladie, par exemple, un parent qui panique dès que son enfant a un petit bobo ou qui parle sans arrêt de maladie. On s'aperçoit que la maladie a pris une grande place dans l'enfance de plusieurs hypocondriaques adultes. Certains ont été malades quand ils étaient jeunes tandis que d'autres ont vécu la maladie d'un proche. Ils ont ainsi grandi avec l'idée que le corps humain est fragile. Les personnes hypocondriaques pourraient aussi avoir une prédisposition génétique à l'anxiété.Plusieurs facteurs contribuent à maintenir l'inquiétude des hypocondriaques. Le cercle vicieux classique: les hypocondriaques centrent toute leur attention sur leur corps, ce qui les amène à ressentir les sensations physiques de façon plus intense qu'elles ne le seraient normalement. Puisqu'ils interprètent ces symptômes comme le signe d'une maladie grave, leur anxiété s'accroît et provoque de nouveaux symptômes.

Les visites médicales à outrance ont aussi un effet pervers. Les consultations excessives de la personne augmentent les chances qu'on lui propose des prescriptions de médicaments visant à soulager ses symptômes, mais qui entraînent aussi des effets secondaires. De nouveaux symptômes apparaissent alors, qui sont évidemment source d'inquiétude, et ainsi de suite.

Les hypocondriaques peuvent avec le temps épuiser leur entourage et les professionnels de la santé avec leurs perpétuelles inquiétudes, puisqu'il est souvent très difficile de les rassurer. Ils finissent par ne plus se sentir écoutés. Pour certains, cela devient un combat afin de prouver qu'ils ont une maladie. Puisque, pour eux, tout tourne autour de la maladie, bien des hypocondriaques n'arrivent plus à se concentrer au travail et voient leur réseau social s'effriter. Dans certains cas, l'hypocondrie va mener à la dépression.

La thérapie cognitivo-comportementale peut aider les personnes hypocondriaques, car elle vise principalement à remettre en question les fausses croyances et à tester certaines d'entre elles dans la réalité.

Le psychologue aidera aussi le client à diminuer le nombre de comportements de rassurance qui, au bout du compte, n'apportent qu'un soulagement temporaire de l'anxiété. Des exemples: diminuer les consultations médicales excessives, les recherches sur Internet ou dans des revues médicales, etc.

La personne hypocondriaque est aussi amenée à visualiser ce qu'est la maladie et à écrire quelles sont ses peurs. Il s'agit ici d'habituer tranquillement la personne au contenu de ses peurs, afin de les atténuer.

Finalement, la thérapie permet à l'hypocondriaque de développer des techniques afin de détacher graduellement ses pensées de la maladie et ainsi écourter la durée de ses pensées obsessionnelles sur la maladie.

Ces traitements ont démontré leur efficacité. La difficulté dans le traitement de l'hypocondrie est que de nombreux patients abandonnent la thérapie en cours de route quand on leur dit que leur problème est psychologique et non physique.

Saviez-vous que...

Certains chercheurs croient que l'hypocondrie pourrait être «apprise» dans l'enfance, auprès de parents réagissant avec excès à la maladie.
Source:
Malade d'inquiétude, guide de l'hypocondriaque, de Michel Cymes et Tristan Cudennec, France Info – Balland/Jacob-Duvernet, 2001.

Nous remercions Frédéric Langlois, psychologue et enseignant à l'Université du Québec à Trois-Rivières.

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