Santé
Efficaces les aimants pour traiter la douleur?
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Ils vous protègeraient du cancer, de l'arthrite, de l'ostéoporose et de l'hypertension, diminueraient les spasmes musculaires de la sclérose en plaques… Les aimants auraient-ils enfin vaincu la douleur?
La douleur fait mal. C'est la raison pour laquelle la plupart des gens préfèreraient s'en passer. La douleur, c'est le mal, et toutes les cultures ont leurs stratégies pour la conjurer: cela va du sacrifice des jeunes vierges au premier jour de la lune, jusqu'à l'aspirine dissoute dans un verre d'eau, en passant par l'utilisation des aimants (coussin magnétique) pour influencer les courants magnétiques qui passent dans notre corps, petit bout de Cosmos ambulant.L'effet des aimants
Une étude publiée en 2007 sur le traitement de la douleur a comparé l'effet des aimants statiques à celui de placebos dans des situations de souffrance apparentées. Cette étude avait pour principal intérêt d'être une revue de différentes études faites sur la question; c'est en quelque sorte une étude sur les études, ce qu'on appelle une méta-analyse, avec point de vue critique (comme dans n'importe quelle étude). Conclusion: l'analyse statistique de toutes ces études révisées n'a montré aucune différence significative dans l'atténuation de la douleur entre les aimants et les placebos. De ce fait, les auteurs concluent que l'utilisation d'aimants statiques comme traitement contre la douleur n'est pas recommandée... et rien n'a jamais prouvé qu'elle puisse être recommandable! Dans le cas de l'arthrose cependant, les données disponibles ne suffisaient pas pour exclure un avantage clinique.Enlever le mal, s'y soustraire, le faire disparaître, l'anéantir, tous ces mots illustrent le combat que livrent nos semblables contre la souffrance depuis la nuit des temps. La souffrance du corps nous renvoie à nos propres limites, à notre fragilité, à notre sensibilité. Dès lors, comment s'étonner que depuis des siècles, plusieurs aient fantasmé sur le pouvoir qu'auraient les aimants à attirer les maladies et les faire sortir du corps. Après tout, les aimants font aussi tenir le numéro de téléphone d'Info-Santé sur la porte du frigo... Malheureusement, on n'a pas trouvé d'aimant assez puissant à coller au frigo pour attirer le gras trans hors des «saucisses à hot-dog» qu'il renferme...
Donc aucune atténuation de la douleur?
La plupart des études sur les effets biologiques des champs magnétiques réguliers se sont faites sur les champs de haute fréquence, comme ceux utilisés dans les aimants d'imagerie par résonnance magnétique (IRM), et les études portant sur les produits de thérapie magnétique sont très limitées. Peu de données intéressantes donc, d'où l'intérêt de les rassembler pour en faire une méta-analyse et tenter d'y voir plus clair: combinées, ces études nous confirment donc que les aimants n'apportent aucune différence significative dans l'atténuation de la douleur.
Les conclusions portées par cette méta-analyse sur l'utilisation d'aimants dans le traitement de la douleur doivent donc nous alarmer. À l'image de la polémique suscitée par le «mesmérisme», cette théorie du magnétisme animal, une critique sérieuse doit être faite sur toute pratique qui ne va pas dans l'intérêt du patient, qui ne vise qu'à enrichir le praticien à ses dépens ou qui pourrait carrément lui nuire. Force d'attraction à laquelle nous devons résister, les aimants n'attirent pas nécessairement le mal hors du corps.
Les aimants: un peu d'histoire
Un des précurseurs de l'utilisation d'aimants à des fins thérapeutiques fut Paracelse, un médecin, alchimiste et chirurgien suisse du 16e siècle. Selon lui, l'aimant a le pouvoir de recentrer la maladie, de la circonscrire et de l'arrêter.
C'est au 18e siècle que Franz-Anton Mesmer, un médecin allemand très controversé, émet une théorie sur l'existence d'un fluide universel pouvant être canalisé et isolé à des fins thérapeutiques: le magnétisme animal. Selon ses principes, les aimants étaient des matériaux aidant à drainer le flux de ce fluide vers les patients. Cette théorie fut abandonnée vers le milieu du 19e siècle après un rapport de l'Académie de médecine de France concluant à l'inexistence du fluide universel. Mais au 20e siècle, la création d'aimants permanents plus puissants devait raviver l'intérêt pour les aimants à des fins thérapeutiques.
L'influence du Japon n'est pas à négliger. Initialement développée sous le nom de Taiki-thérapie, l'utilisation d'aimants s'inspire des figures posturales imposées par la philosophie Nô, selon laquelle l'immobilité, et de ce fait l'action apparemment immobile de métaux ou de petites pastilles aimantés collées sur des points d'acupuncture, aurait une action curative ou génératrice de santé.
Le saviez-vous?
De nos jours, en médecine non conventionnelle, l'utilisation d'aimants sur les sites d'acupuncture s'appelle la magnétothérapie. Dans cette technique aux origines mixtes, on considère que le corps humain est parcouru de différents flux, principe que l'on retrouve également dans la majorité des thérapies dites «énergétiques». L'aimant n'est ni un passeur ni un intermédiaire immobile, il agit non pas sur l'homme mais sur l'énergie qui traverse l'homme.
Sources:
Pittler, Max H. Static magnets for reducing pain: systematic review and meta-analysis of randomized trials, CMAJ 2007; 177(7):736-42.
Commission des praticiens de médecine douce au Québec
« Quakwatch », le guide sur la fraude et le charlatanisme du Dr Stephen Barrett