Santé
Comment traiter avec un paranoïaque?
Petit guide pour mieux comprendre ce trouble affectif complexe qui est la paranoïa.
Qu'est-ce que la paranoïa?La paranoïa a plusieurs visages. Il n'est pas rare qu'un individu ayant consommé de la drogue souffre de symptômes paranoïdes passagers. Même chose pour les gens en dépression. Leur sensibilité à fleur de peau les rend parfois plus farouches et défensifs. Mais il existe des cas de paranoïa beaucoup plus graves, le trouble délirant paranoïaque en est un. Une personne en proie à ce genre de délire peut être persuadée que des micros sont installés chez elle et passer la nuit à les chercher.
Toutefois, le plus commun des cas est le trouble de personnalité paranoïde (TPP), classifié dans le célèbre Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Les gens qui en sont atteints souffrent d'un complexe de persécution. Ils se sentent facilement exploités, doutent de la loyauté des autres et contre-attaquent d'habitude assez violemment. C'est sur celui-ci que nous nous attarderons.
Combien de gens souffrent d'un trouble de personnalité paranoïde?
Selon le psychologue Claude Bélanger, entre 0,5% et 2,5% de la population serait atteinte de ce trouble. Il apparaîtrait généralement au début de l'âge adulte, chez des hommes en majorité. Pourquoi? «Ce serait une façon culturelle de réagir, explique Claude Bélanger. Les femmes, quant à elles, sont plutôt sujettes aux troubles paniques, à l'agoraphobie et à la dépression majeure.»
Les origines de la paranoïa
«Il est encore impossible de pointer une cause biologique ou psychologique, précise le psychologue Kieron O'Connor, puisque les recherches sur le sujet ne sont pas encore assez développées. «Cependant, ajoute-t-il, on remarque souvent la présence d'un événement déclencheur qui pourrait provoquer des symptômes paranoïdes. Par exemple, un stress important ou une grande atteinte à l'image de soi.»
«Certaines des personnes souffrant de TPP ont été trahies ou victimes d'abus par un de leurs proches», explique la travailleuse sociale et directrice générale intérimaire de l'Association québécoise des parents et amis de la personne atteinte de maladie mentale (AQPAMM), Yolanda Sabetta. Ces expériences douloureuses ont eu pour conséquence de surélever leurs mécanismes de défense. Cela dit, un enfant trahi ne deviendra pas nécessairement paranoïaque et l'inverse, un paranoïaque n'a pas toujours été trahi dans son enfance…Comment repérer un paranoïaque?
Les personnalités paranoïdes ont beaucoup de difficulté avec l'intimité et peuvent être perçues comme manquant de chaleur dans leurs rapports avec les autres. Leur hyper-vigilance, leur désir de contrôle et d'autosuffisance - découlant de leur méfiance - en font des êtres critiques et souvent accusateurs. C'est donc en l'observant qu'on peut repérer une personne souffrant de trouble de personnalité paranoïde. Elle se méfie des autres et est donc réticente à toute confidence!
De toute façon, le paranoïaque ne croit pas avoir de difficultés. En effet, le propre de ce trouble - et ce qui en fait sa complexité - est que l'individu croit fermement avoir raison. «La personnalité paranoïde ne perçoit pas que ses comportements l'aliènent des autres, explique le psychologue Claude Bélanger. Elle est constamment dans le: c'est pas moi, c'est les autres.»
Le paranoïaque n'épargne pas sa famille
De toute évidence, les paroles et les actes de la famille et des proches seront aussi mis en doute. «Entre autres, un mari souffrant de ce trouble sera convaincu que sa femme l'a trompé si elle rentre une demi-heure en retard à la maison», raconte Claude Bélanger.
Comme elle se sent facilement menacée, la personnalité paranoïaque est prompte à la contre-attaque et à la colère. Ses proches en ont l'habitude et se sont parfois habitués à faire profil bas. «S'habituer à marcher sur des œufs pour ne pas déclencher les crises de son partenaire est une solution à court terme qui peut provoquer beaucoup de détresse à long terme», estime Claude Bélanger. Ainsi, on comprendra que les personnalités paranoïdes ont très peu de relations durables. En fait, il n'y a bien souvent que leurs enfants qui doivent, selon les circonstances, les supporter jusqu'au moment où ils quittent le foyer.
Comment réagir?
«Surtout, ne pas argumenter», insistent les spécialistes interviewés. Le psychologue Claude Bélanger conseille de dire au fur et à mesure ce qui ne va pas et d'éviter toute confrontation puisqu'elle ne fera que renforcer la vision du paranoïaque. L'important est de développer une relation de confiance.
À noter: la famille et les proches doivent respecter leurs limites s'ils veulent réellement aider la personne souffrante. «Si tu ne me crois pas, c'est ton affaire», est une bonne réplique à servir aux paranoïaques lorsque notre niveau de tolérance est atteint, selon la travailleuse sociale Yolanda Sabetta. «Face à quiconque, parler de ce qu'on ressent est toujours la meilleure option», souligne-t-elle. Par exemple, on peut dire: je me sens irritée lorsque…
Ça se soigne?
Selon tous les intervenants, le trouble de personnalité paranoïde est très difficile à soigner puisque le patient est convaincu d'être bien portant. Donc, première étape: l'individu doit reconnaître qu'il a un problème. Sans cela, les proches peuvent bien alerter la terre entière, il sera très difficile de l'aider. «La plupart du temps, la seule façon de le rencontrer en thérapie, c'est lorsque qu'il consulte pour des problèmes affectifs ou de stress», révèle le psychologue Kieron O'Connor.
D'autre part, il faut savoir que les médicaments ne sont pas très efficaces contre ce genre de désordre, on recommande plutôt la psychothérapie cognitive ou comportementale. Dans ce type de traitement, le thérapeute tente de changer le contenu du discours du paranoïaque (par exemple, un verre d'eau à moitié vide deviendrait un verre d'eau à moitié plein). «Des thérapies familiales peuvent aussi être utiles pour trouver de nouveaux moyens de communication, précise Claude Bélanger. Ces thérapies aideront le paranoïaque à constater que ses proches ne sont pas contre lui…»
Coordonnées
Association québécoise des parents et amis de la personne atteinte de maladie mentale (AQPAMM), (514) 524-7131.
Ont collaboré à cet article: Claude Bélanger, psychologue clinicien et professeur de psychologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM), Yolanda Sabetta, travailleuse sociale et directrice générale intérimaire de l'Association québécoise des parents et amis du malade mental (AQPAMM) et Kieron O'Connor, chercheur et docteur en psychologie à l'Institut Fernand-Léger de l'hôpital Louis-Hipppolyte Lafontaine.