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Avez-vous peur de l'hormonothérapie?

Avez-vous peur de l'hormonothérapie?

istockphoto.com Photographe : istockphoto.com Auteur : Coup de Pouce

Une vaste étude sur le traitement hormonal de substitution, la Women's Health Initiative (WHI), a pris fin prématurément, en 2002, après que les chercheurs eurent estimé que l'hormonothérapie augmentait les risques de cancer du sein.

Cette révélation a provoqué une tempête médiatique. Résultat: des milliers de femmes ont mis fin à leur traitement et de nombreux médecins lui ont tourné le dos.

Si certaines femmes voient l'hormonothérapie comme solution miracle aux symptômes de la ménopause, d'autres ont peur des risques qu'on lui a associés. Lorsque surviennent les premières bouffées de chaleur, bien des femmes ne savent plus quoi faire.

L'hormonothérapie demeure-t-elle le moyen le plus efficace de soulager les symptômes?

Impact de l'étude WHI

«L'étude a eu un impact dévastateur, affirme sans hésiter la Dre Michèle Moreau, omnipraticienne spécialisée en santé des femmes à l'Hôpital Notre-Dame. Je n'ai jamais vu autant de femmes souffrir de leur ménopause. Heureusement, plusieurs ont recommencé leur traitement d'hormonothérapie depuis.».

Selon l'omnipraticienne, il est important de bien analyser l'étude WHI. «On a présenté l'hormonothérapie comme augmentant de 26 % le risque pour les femmes, après cinq ans, d'avoir un cancer du sein. En réalité, l'étude a démontré une hausse de huit cas de cancer sur 10 000 femmes, ce qui n'est vraiment pas beaucoup», précise-t-elle.

La spécialiste remarque qu'on a passé sous silence les bienfaits de l'hormonothérapie, comme une diminution des cancers du côlon, de l'utérus et des poumons. C'est évidemment sans compter le soulagement des symptômes les plus incommodants de la ménopause: bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, douleurs articulaires et musculaires, migraines, insomnies, etc.

L'hormonothérapie dès le début de la ménopause

L'omnipraticienne est consciente que son discours n'est pas celui de tous les médecins, certains étant devenus réticents à prescrire l'hormonothérapie à la suite de l'étude. Toutefois, dans sa pratique, elle n'hésite pas à prescrire le traitement hormonal de substitution à ses patientes. D'ailleurs, elle-même admet prendre des hormones depuis 16 ans et n'a pas l'intention d'arrêter.

«L'hormonothérapie est la façon la plus efficace de donner aux femmes l'oestrogène que le corps a cessé de produire. Quoi de plus naturel que de leur redonner des hormones semblables à celles que leurs ovaires ont produit tout au long de leur vie fertile?», questionne-t-elle. C'est pour cette raison, explique la Dre Moreau, qu'il est préférable de commencer le traitement dès le début de la ménopause.

Selon elle, plus on attend, moins les effets bénéfiques se font sentir. C'est d'ailleurs un autre aspect qu'elle reproche à l'étude WHI: «Puisque les chercheurs voulaient des femmes qui n'abandonneraient pas l'étude, il a fallu en trouver qui n'avaient que peu ou pas de symptômes. L'étude a donc fait appel à des femmes beaucoup plus âgées (de 13 ans plus âgées, en moyenne) que celles à qui on fait habituellement commencer l'hormonothérapie», fait-elle remarquer.

Hormonothérapie: risques contre bénéfices
L'omnipraticienne affirme travailler fort à rassurer et informer ses patientes sur les risques réels de l'hormonothérapie. «Oui, il y a un risque un petit peu plus élevé de cancer du sein, mais les bénéfices sont encore plus grands que les risques chez celles dont les symptômes nuisent à la qualité de vie. Il ne faut pas oublier qu'à long terme l'hormonothérapie protège contre l'ostéoporose, les fractures, les maladies du coeur et l'atrophie vaginale», conclut-elle, avec conviction.
Recommandation claire
En 2006, la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada a émis des recommandations, issues des plus récentes études, concernant la façon la plus efficace de prendre en charge les patientes ménopausées. Ses recommandations sont claires: l'hormonothérapie demeure la meilleure solution pour soulager les symptômes de la ménopause. Toutefois, l'organisme souligne la nécessité, pour les médecins, d'individualiser le traitement et d'évaluer les risques sur une base individuelle.
Doses moins fortes
Gynécologue et chercheuse à l'Université Laval, la Dre Sylvie Dodin estime elle aussi qu'on a exagéré les risques de l'hormonothérapie avec l'étude WHI, ce qui a eu pour effet de faire peur aux femmes. Par contre, celle qui dirige également le Centre Ménopause Québec constate que tout ça a provoqué des changements positifs dans la pratique médicale.

«C'est vrai qu'on en était rendu à prescrire l'hormonothérapie à toutes les femmes, alors que, dans les faits, environ une sur cinq seulement aurait des symptômes suffisamment sévères pour avoir recours à ce traitement. Ce qui a changé aussi, c'est qu'on prescrit aujourd'hui des doses beaucoup plus petites qu'avant -doses deux fois plus faibles que celles utilisées dans l'étude WHI-, ce qui permet de prolonger le traitement plus longtemps», ajoute la Dre Dodin.

Plusieurs études ont mentionné que les risques liés au traitement hormonal de substitution n'apparaissaient qu'après cinq ans de traitements. Le problème, selon la Dre Dodin, est que, dans bien des cas, il s'avère très difficile pour les femmes d'arrêter après cinq ans. «C'est bien beau en théorie. Certaines y arrivent progressivement, mais d'autres reviennent au bout de quelque temps parce que leurs symptômes de la ménopause sont insupportables», précise-t-elle.

La gynécologue rapporte une étude récente, parue en 2007, selon laquelle les hormones prises sous forme de gel ou de timbres comporteraient moins de risques cardiovasculaires. «C'est sûr qu'on ne devrait pas prescrire l'hormonothérapie à n'importe qui. Le risque d'avoir un cancer du sein est légèrement plus grand. Il n'y a pas une fois où je n'explique pas ça à mes patientes, mais pour certaines, c'est clair que les bénéfices sont plus grands que les risques», affirme la docteure.

Les produits naturels, efficaces?

Et les produits naturels? Les deux femmes interrogées abondent dans le même sens. «Ils n'ont aucune efficacité pour soulager les symptômes, coûtent cher et ne sont pas remboursables», tranche la Dre Moreau. «Beaucoup de femmes veulent essayer des approches plus naturelles et c'est correct, ajoute la Dre Dodin. Cependant, un bilan des études faites sur ces produits a démontré qu'il n'y a rien d'aussi efficace que l'hormonothérapie, quoique ça vaille peut-être la peine d'essayer les produits naturels quand les symptômes de la ménopause sont légers.»

  

Lire le reportage Les produits de santé naturels ne sont pas toujours inoffensifs.

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