Nutrition
Manger? Avec plaisir!
L'obsession de la minceur conduit aux régimes amaigrissants. On se prive, on compte les calories, on étiquette les aliments comme «bons» ou «mauvais», on se culpabilise... et on oublie complètement que c'est bon, manger! Et s'il existait un scénario plus séduisant?
On le sait: à long terme, les régimes ne sont pas efficaces. Pire, ils dérèglent notre métabolisme et finissent généralement par entraîner une augmentation durable du poids, en plus de porter atteinte à notre estime personnelle. C'est ainsi que certaines d'entre nous se retrouvent au régime... toute leur vie.
«Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi l'industrie de l'amaigrissement est si prolifique depuis trente ans, alors que le poids moyen de la population augmente au lieu de diminuer? demande la nutritionniste et conférencière Marie-France Lalancette. Tout simplement parce que les régimes, basés sur la privation et la volonté, nient complètement la façon dont le corps humain fonctionne. Un organisme qu'on prive volontairement de la nourriture dont il a besoin pour fonctionner aura immanquablement tendance, par la suite, à accumuler des réserves afin de se préparer à une nouvelle période de privation.» Alors, qu'est-ce qu'on fait?
Adieu régime, bonjour satiété
«La seule issue possible est de réapprendre à manger en fonction de nos besoins, explique Marie-France Lalancette. Cela signifie manger à notre faim lorsque celle-ci se fait sentir et cesser lorsque se manifeste la satiété. La faim, cette sensation d'avoir l'estomac creux, se manifeste généralement trois ou quatre heures après un repas et dépend de mécanismes biologiques sains qui se déclenchent dans notre organisme lorsque nos réserves d'énergie doivent être renouvelées. Il s'agit en fait d'une alerte nous prévenant que notre corps manquera sous peu de carburant pour fonctionner de façon optimale si on ne refait pas le plein bientôt.»
Le hic, c'est que plusieurs ont oublié à quoi ressemble le signal de satiété. On «outre-mange», comme si on ne pouvait pas s'arrêter avant d'avoir l'estomac distendu. «La plupart des gens qui ne détectent pas leurs signaux ont simplement développé la faculté de les ignorer. On fait des excès pour se désennuyer, parce qu'on est triste ou seul, qu'on veut se récompenser ou qu'on veut étirer le plaisir que nous procure la compagnie des autres convives. C'est aussi, parfois, une simple question de conditionnement, dit Marie-France Lalancette. Quitte à se faire aider par un professionnel, il faut rééduquer son appétit afin de manger pour satisfaire sa faim, et non pour combler un autre besoin.»
«Certains de mes clients ont du poids à perdre, alors qu'ils mangent chaque jour des fruits, des légumes et des protéines maigres, témoigne la nutritionniste Guylaine Guèvremont, qui a développé une méthode dite "anti-régime" et fondé la Clinique Muula. Le problème, c'est qu'ils peuvent consommer une boîte de thon entière pour le lunch, suivie d'un demi-bloc de tofu et d'un litre de soupe au légumes. Leur surpoids s'explique non seulement par leurs excès, mais aussi par la confiance aveugle qu'ils ont en certains aliments. Manger sainement, c'est bien; encore faut-il savoir s'arrêter quand notre corps hurle qu'il en a assez.»
Se réapproprier son alimentation
Manon, 45 ans, est venue à bout d'un problème de surpoids après une longue thérapie. «Après des années où j'alternais les périodes de privation et les orgies de beignes au miel, j'ai réappris à me nourrir en lisant des livres de recettes et en découvrant chaque mois de nouveaux aliments. C'est devenu une sorte de jeu. Ah! l'odeur du basilic frais, du gingembre fraichement râpé, de la salade de tomates du jardin! Et le plaisir de goûter vraiment ce que l'on porte à sa bouche! Avant, je mangeais pour toutes sortes de raisons, mais je n'appréciais pas ce que j'ingurgitais. J'avalais, tout simplement. Mon régime était peu varié, les mêmes aliments revenaient constamment. Et puis, surtout, je me sentais coupable tout le temps!»
La psychologue Nathalie Parent reçoit bon nombre de patientes aux prises avec ce genre de problème. «Nous vivons à une époque où la performance et la perfection sont extrêmement valorisées, explique-t-elle. Les femmes, en particulier, ont parfois tendance à sous-estimer leur jugement et à s'en remettre aux conseils de "spécialistes" qui font la promotion de solutions miracles.»
Inondées d'informations sur la nutrition, nous n'osons plus nous fier à nos goûts lorsque vient le temps de faire l'épicerie. Nous cherchons plutôt à faire les «meilleurs choix»: ce yogourt est-il sans gras? Contient-il des probiotiques? Ces pâtes blanches vont-elles me faire grossir davantage que des pâtes de blé entier? «S'alimenter devient une opération rationnelle, remarque la psychologue. En voulant bien faire, on anesthésie nos sensations, on se coupe de notre plaisir. Pire, on le dénature: on ne mange plus que pour faire nos devoirs en matière de santé ou... pour compenser parce qu'on est frustrée. On oublie qu'on a autrefois mangé pour le simple plaisir de soulager notre estomac affamé, en se régalant d'une crème glacée en été ou de la purée de pommes de terre de notre mère en hiver. Et puis, affamée et tannée de se priver, on finit par dévorer tout ce qui nous tombe sous la main.»
Retrouver le plaisir de manger
«Dans les heures qui suivent sa naissance, le nouveau-né expérimente le plaisir de se nourrir, rappelle Nathalie Parent. Ce plaisir naturel tend déjà à se dénaturer lorsqu'on console un bébé qui s'ennuie en lui donnant un biberon de jus ou lorsque, quelques années plus tard, on tente de forcer l'enfant à terminer son assiette, même lorsqu'il affirme qu'il n'a plus faim ou qu'il souhaite se garder de la place pour le dessert.»
Dans son livre Manger!, Guylaine Guèvremont propose «une prise de conscience accompagnée visant à rendre aux femmes leur confiance en elles-mêmes et leur liberté de manger ce qui leur plaît, ce qui leur procure du plaisir», explique l'auteure. Car, pour se défaire de l'habitude de manger au-delà de ses besoins, il faut aller à la source du problème, «détricoter» les automatismes acquis au fil de nos expériences. Pour y arriver, on doit s'adonner à des exercices pratiques: par exemple, s'habituer progressivement à manger plus lentement et à savourer la nourriture au lieu de l'avaler tout rond. On se permet aussi de manger seulement lorsqu'on a faim (et non en se fiant à l'horloge) et on intègre des collations entre les repas pour ne pas arriver à table complètement affamée.
Perdre du poids en réapprenant simplement à manger comme un enfant et en choisissant les aliments qui nous plaisent, ça semble trop beau pour être vrai! Mais ce n'est pas aussi facile que ça en a l'air. Celles qui se lancent dans l'aventure sont confrontées à l'habitude de ne pas se respecter suffisamment, de nier les signaux de leur corps et leurs choix alimentaires spontanés. De plus, elles doivent parfois lutter contre les conventions sociales, qui peuvent mettre leurs belles résolutions à l'épreuve. Par exemple, que fait-on lors d'un repas de noces où l'on n'a pas vraiment faim, mais où s'abstenir de manger risquerait d'être vu comme un affront - et qu'on a de toute façon terriblement envie de goûter à tous les plats sur la table? Et que dit-on à nos enfants au moment de se mettre à table, alors qu'on n'a décidément pas assez faim pour avaler nos choux de Bruxelles? «On se donne du temps, car on n'y arrivera pas tout de suite, et surtout on se donne le droit à l'erreur, explique Isabelle, une habituée de la Clinique Muula. Pour montrer l'exemple aux enfants ou combler notre désir de retrouver les copines à l'heure du lunch même si on n'a pas faim, on peut toujours se contenter d'une entrée, d'une soupe ou d'un café, histoire de les accompagner.»
Accepter d'abandonner un savoureux risotto lorsqu'il en reste la moitié dans l'assiette ne sera sans doute pas facile, même si on n'a plus faim - mais ça vaut la peine d'essayer, ne serait-ce que pour retrouver la joie d'en manger.
Elles ont retrouvé le plaisir de manger
Marie-Hélène, 32 ans
«J'ai toujours été ronde: l'enfant ronde de la famille, l'élève grassouillette de la classe, la copine bien enrobée de mon cercle d'amis, la joviale du bureau... Évidemment, je rêvais d'être "comme les autres", alors je me suis longtemps imposé des régimes à répétition. Résultat: je me sentais perpétuellement coupable! Puisque mon corps reprenait tous les kilos perdus, ça devait être ma faute. Mais quand on le prive systématiquement de nourriture, notre corps se venge, et la bouffe devient une obsession. On riposte en devenant spécialiste du contenu en calories de tous les aliments. Notre vie entière se met à tourner autour de ce qui est permis ou interdit. On n'a plus de répit ni de qualité de vie.
Un jour, sans trop y croire, j'ai accompagné une amie qui allait rencontrer la nutritionniste Guylaine Guèvremont. Ce moment a changé ma vie. Au fil des rencontres, j'ai découvert ce que c'était que de savourer un plat qu'on aime, sans culpabilité ni crainte, et de voir tout de même s'envoler les kilos. Pour mon plus grand bonheur, je mange dorénavant tous les jours à ma faim, et seulement à ma faim. C'est en apprenant à se respecter et à respecter son corps qu'on apprend à lui donner ce dont il a besoin. Au fil du temps, j'ai appris à m'abandonner au plaisir que me procurent mes aliments préférés, comme le font les enfants qui mordent avec délectation dans un biscuit.»
Isabelle, 38 ans
«J'étais prisonnière, je suis enfin libre! Pendant des années, je me suis pesée tous les matins. Mon poids était ma principale préoccupation, et le pèse-personne dictait mon humeur de la journée. Pour enfin perdre des kilos, il m'a fallu m'attaquer au sempiternel sentiment de culpabilité, qui est omniprésent lorsqu'on accepte d'être assujettie aux caprices d'un pèse-personne. La formule n'est pas magique, même si elle en a l'air, et tout ça ne se fait pas instantanément. Accompagnée par une nutritionniste, j'ai dû travailler fort pendant des mois pour y arriver. Grâce à cette nouvelle façon d'écouter mon corps, j'ai évidemment maigri, mais surtout, mon corps est devenu mon meilleur ami, pour la vie!»
Le Week-end spa de Muula
Qu'est-ce que c'est? Un week-end thématique de 48 heures dans une auberge de l'Estrie, animé par une équipe de spécialistes (nutritionnistes, psychologue, spécialiste de l'activité physique, cuisinière) formée dans l'approche «anti-régime» de Guylaine Guèvremont, qui est aussi sur place. Au menu: repas thématiques, ateliers de découverte de soi avec psychologue, marches guidées et moments libres pour réfléchir et compléter des exercices afin d'assimiler la matière abordée.
La promesse: Une fin de semaine pour retrouver nos signaux régulateurs de la faim et de la satiété, comprendre les blocages liés à notre poids et nous sentir enfin libre de manger sans interdits, et surtout sans culpabilité.
Notre verdict: On doit ouvrir notre coeur à une profonde remise en question, car tout y passe: notre relation avec nous-même, notre alimentation depuis l'enfance (où se situe souvent le vrai bobo), notre estime de soi et nos relations avec les autres. On découvre que manger est tellement plus que simplement avaler des aliments! On rit beaucoup, on pleure parfois et on tisse des liens forts avec les autres participantes, qui se livrent dans un climat de confiance absolue. Les participantes (six femmes, cette fois-ci) sont toujours libres de s'exprimer ou non, et certaines le font plus que d'autres, mais toujours dans le respect de soi et des autres. On repart avec une meilleure connaissance de soi et la certitude qu'on a désormais compris que, pour être bien dans son corps, il faut d'abord être bien dans sa tête et savoir se respecter. En plus, loin des branches de céleri et du tofu nature, on se délecte de plats savoureux, histoire de vraiment apprendre à manger comme on le souhaite - à notre faim, évidemment! Mais attention: ce n'est pas une démarche qu'on aborde à la légère. Il faut être sincèrement prête à se remettre en question, à revoir nos idées reçues, voire à se sentir bousculée si l'on espère modifier durablement notre relation avec la nourriture.
Pour s'inscrire: Les week-ends ont lieu deux fois par année, au printemps et à l'automne. Infos: 514-490-1001 ou clinique@muula.ca.