Nutrition
Finis les régimes, voici l'alimentation intuitive!
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Que celles qui sont insatisfaites de leur corps et qui sont tannées des régimes lèvent la main!
Nous voilà donc mûres pour l’alimentation intuitive, une approche positive et bienveillante de la nutrition qui permet d’établir une relation plus saine avec la nourriture et notre corps... Alléluia!
Après des décennies de régimes amaigrissants de toutes sortes, de Weight Watchers au cétogène, en passant par Atkins, Montignac, le paléo et les cures détox, un constat s’impose: les régimes miracles n’existent pas. Et non seulement ils nous font jouer au yoyo avec notre poids à force de les enfiler sans succès, mais ils finissent par ancrer en nous des sentiments d’échec et de culpabilité, de même qu’une insatisfaction constante par rapport à notre physique. Et tout ça fatigue à la longue...
Pour en finir avec les régimes, deux diététistes américaines, Evelyn Tribole et Elyse Resch, ont élaboré une nouvelle approche de l’alimentation, qu’elles ont présentée en 1995 dans leur livre Intuitive Eating: A Revolutionary Program that Works. Si leur idée a pris du temps à se rendre jusqu’à nous, elle est actuellement sur toutes les lèvres.
Se reconnecter avec son corps
Pour comprendre ce qu’est l’alimentation intuitive, on range dans le tiroir de notre mémoire tout ce qu’on a appris et tout ce qu’on nous a dit concernant l’alimentation depuis l’enfance... et on le ferme à clé. L’idée est d’arrêter de rationaliser ce que l’on mange pour mieux écouter les besoins de notre corps.
Cela signifie de se tenir loin du culte de la minceur et de la culture des régimes, qui nous empêchent de manger à notre faim, qui excluent certains aliments ou qui les classent en «bons» et en «mauvais». Mais ça veut aussi dire d’arrêter de se forcer à manger, que ce soit pour éviter de gaspiller de la nourriture ou parce que c’est l’heure du repas.
«Ce sont toutes des informations qui proviennent de l’extérieur de notre corps. Avec l’alimentation intuitive, on ne cherche pas une recette toute faite, on veut plutôt trouver une bonne façon de faire qui provient de l’intérieur de nous», précise Karine Gravel, docteure en nutrition et nutritionniste, qui a publié en septembre dernier le livre De la culture des diètes à l’alimentation intuitive.
Les gens qui mangent intuitivement sont plus attentifs à leurs préférences alimentaires ainsi qu’à leurs signaux de faim et de satiété. Tout cela leur indique ce qu’ils devraient manger, quand le faire et en quelle quantité. Ils vont prendre le temps de mâcher et de savourer chaque bouchée, en pleine conscience. Mais ils vont aussi réfléchir, sans se juger, aux raisons qui les incitent à manger quand ils n’ont pas ou plus faim. «Dans quel état émotionnel suis-je quand je fais mes choix alimentaires? Est-ce que j’ai le goût de manger parce que mon corps m’envoie des signaux de faim ou parce que je m’ennuie, que je me sens seule, anxieuse ou stressée?
Manger intuitivement requiert non seulement d’être à l’écoute de mes sensations physiques, mais aussi de mes émotions», souligne Noémie Carbonneau, professeure et chercheuse au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), notamment spécialisée en psychologie de l’alimentation et en alimentation intuitive.
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Retrouver son poids naturel
À long terme, les personnes qui consomment une variété d’aliments selon leurs préférences et dans une quantité qui correspond à leurs besoins, mais qui font aussi de l’exercice pour se sentir bien plutôt que pour maigrir, vont retrouver leur poids dit «naturel». «C’est un poids réaliste qui tend à demeurer assez stable et qui est le résultat à la fois de saines habitudes de vie et de facteurs non modifiables, comme notre génétique et notre âge», détaille Karine Gravel.
Celui-ci peut toutefois demander un travail d’acceptation pour certaines personnes, parce qu’il ne correspond pas nécessairement au poids considéré comme «normal» selon l’indice de masse corporelle (IMC) ni aux critères esthétiques établis. «L’acceptation de son physique n’est pas une forme de résignation, mais une invitation à ne pas attendre de maigrir pour profiter de la vie», poursuit-elle.
De la théorie à la pratique
Nombreuses sont les personnes qui s’étouffent avec leur latté en entendant parler de l’alimentation intuitive pour la première fois. Tout ça semble bien beau en théorie, mais comment l’appliquer au quotidien? Est-ce qu’on n’en vient pas à s’empiffrer de cochonneries à longueur de journée? Et convient-elle à tout le monde, même aux personnes ayant des troubles alimentaires, une allergie ou un état de santé qui requiert une certaine diète, comme les diabétiques et les cardiaques?
D’abord, il faut savoir que l’alimentation intuitive n’est pas un passe-droit pour manger n’importe quoi, n’importe quand. «Le mangeur intuitif respecte son corps en le traitant avec bienveillance et en étant à l’écoute de ce qu’il ressent... et l’on ne se sent pas bien quand on mange une trop grande quantité d’aliments», répond Karine Gravel, en admettant que de petits excès sont souvent commis au cours de la période d’adaptation et que ça fait partie du processus. «Cela dit, les études montrent que les gens qui adoptent à long terme l’alimentation intuitive ne mangent pas plus gras ou plus salé que la population en général», souligne-t-elle.
Ensuite, l’alimentation intuitive n’est pas soumise à des règles. Elle est plutôt guidée par des principes qui touchent à l’alimentation, aux émotions, à l’activité physique et à l’image corporelle. «Ces principes peuvent être adaptés à notre situation ou à notre état de santé et, si un principe est trop difficile à appliquer, on peut se concentrer sur les autres. L’alimentation intuitive reste une approche très flexible», indique Karine Gravel.
Le piège de la facilité
Retrouver le plaisir de manger et de bouger sans règles... Ça peut sembler facile à faire, mais c’est loin d’être le cas, tiennent à préciser nos deux sources. «Ce n’est pas si simple de se reconnecter avec son corps, surtout pour les personnes qui ont été au régime longtemps et qui ont perdu l’habitude d’écouter leurs signaux de faim et de rassasiement», indique la nutritionniste.
Même chose pour les gens qui ont pris l’habitude de calculer leurs portions et leurs calories ou de catégoriser les aliments en bons et mauvais. «Ça demande un travail énorme sur soi pour réussir à refaire confiance à son corps et à reconnaître que c’est lui l’expert», fait remarquer la chercheuse en psychologie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la nutritionniste indique qu’il ne faut pas se mettre de pression ou de délai pour arriver à manger intuitivement. «Ça peut prendre des années», dit-elle.
Cela dit, les deux spécialistes restent convaincues que l’alimentation intuitive représente une avenue prometteuse pour aider monsieur et madame Tout-le-Monde à entretenir une relation plus saine avec les aliments et avec leur corps, puis à vivre moins de culpabilité et de détresse. «La recherche montre clairement que l’alimentation intuitive est liée à plusieurs marqueurs de santé physique, mais aussi à des indicateurs de bien-être physique et psychologique, notamment la vitalité et la satisfaction ressentie à l’égard de la vie», conclut Noémie Carbonneau.
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10 principes de l’alimentation intuitive
- Rejeter la culture des régimes amaigrissants.
- Honorer sa faim.
- Faire la paix avec les aliments.
- Cesser de catégoriser les aliments en bons et mauvais.
- Découvrir le plaisir de manger.
- Considérer sa sensation de rassasiement.
- Vivre ses émotions avec bienveillance.
- Respecter son corps.
- Ressentir les bienfaits de l’activité physique.
- Honorer sa santé et ses papilles gustatives.
Témoignage
Karine Nadeau, 38 ans, le dit elle-même: elle a toujours été à une dizaine de livres du bonheur. Celle que l’on avait surnommée «Miss biscuits», enfant, et qui considère avoir toujours eu un bon appétit a découvert à l’âge de 13 ans le contrôle qu’elle pouvait avoir sur son corps en diminuant ses portions et en faisant de l’exercice. «J’ai souffert de troubles alimentaires pendant 20 ans: anorexie, orthorexie, hyperphagie, mais surtout boulimie avec compulsions alimentaires, entrecoupées de régimes très sévères», nous confie celle qui a joué au yoyo avec son poids presque toute sa vie.
Pour s’en sortir, elle a dû consulter, faire une introspection et un travail sur elle-même. «Aujourd’hui, les troubles alimentaires sont derrière moi», assure la maman de deux enfants de 2 et 4 ans, qui a découvert l’alimentation intuitive récemment. «Ç’a été une révélation pour moi! Je suis convaincue que c’est la seule manière de vivre en paix avec mon alimentation.»
Or, il y a plusieurs éléments dans cette approche qu’elle trouve difficiles à appliquer, comme écouter son corps et vivre ses émotions au lieu de les manger. «Avant, je m’interdisais de manger des biscuits, mais dès que je vivais un stress émotionnel, je vidais la boîte. Aujourd’hui, j’en mange quand je veux et, souvent, j’arrête après un ou deux.»
Pour mieux gérer ses émotions, elle continue sa psychothérapie. Elle écrit également sur ses états d’âme et son cheminement sur un blogue qu’elle a créé (lebeaudesordre.com). Puis, elle estime qu’elle doit se déprogrammer de tout ce qu’elle a appris au cours de ses nombreuses années de régimes. «Au fond, c’est un retour à la base. Mes enfants sont devenus mes principaux modèles à la table. Ils écoutent leur faim et leur satiété, et je trouve ça beau.»
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