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Faut-il craindre le jeûne?

Faut-il craindre le jeûne?

iStockphoto Photographe : iStockphoto Auteur : Coup de Pouce

Le jeûne a de nombreux adeptes, mais sa pratique suscite questions et méfiances. Faut-il craindre le jeûne? Les avis d’experts semblent divisés sur les risques et les bienfaits de cette pratique qui a fait l’objet de peu d’études sérieuses.

Il importe d'abord de distinguer les deux types de jeûne habituellement pratiqués. La plupart du temps, la méthode consiste à remplacer l'alimentation habituelle par une diète composée d'eau, de fibres, de légumes et de fruits. C'est ce que l'on appelle le jeûne partiel.

Beaucoup plus rare, le jeûne intégral consiste à s'abstenir complètement de manger, pendant une période pouvant aller jusqu'à trois semaines, et à ne prendre que de l'eau. Cette deuxième option, qui comporte des risques plus importants, nécessite un suivi professionnel adéquat.

Sylvie Poisson, naturopathe et coach en intelligence émotionnelle, a développé un concept de cure qui combine le jeûne partiel et le travail émotionnel. Bien qu'elle ait personnellement expérimenté le jeûne intégral à plusieurs reprises, elle ne l'utilise pas avec ses clients. « Les gens ne respectent pas la façon de le faire et tombent ensuite malades, reconnaît-elle. Si l'on cesse de manger pendant 21 jours, il faut attendre 21 jours, ensuite, pour reprendre ses activités et un rythme alimentaire normal. D'autre part, il faut rester couché, être abrillé jusqu'au nez 22 h sur 24 h, ne pas lire ni regarder la télévision et rester au repos total. » Et ces nombreuses contraintes n'en valent pas l'effort. Selon elle, les bénéfices du jeûne intégral ne sont pas supérieurs à ceux du jeûne partiel et les risques de tomber malade sont beaucoup plus élevés.

Pourquoi jeûner?

Selon Sylvie Poisson, cette pratique permet à l'organisme d'éliminer les toxines accumulées et les dépôts de graisse. Le jeûne permettrait même de réduire les effets de certaines maladies, comme l'eczéma. D'autres adeptes avancent des bénéfices pour traiter l'arthrite rhumatoïde ou des douleurs chroniques. Quelques études ont démontré une certaine efficacité dans le traitement de l'hypertension artérielle, de la perte de poids, de la pancréatite aiguë et dans l'amélioration de la qualité du sommeil. « Mais ce n'est pas prouvé par des études sérieuses, nuance Stéphanie Côté, nutritionniste. Les quelques résumés d'études publiés sur le sujet concluent toujours en disant que d'autres études seront nécessaires pour confirmer que cela apporte des bienfaits. » Le jeûne comme approche thérapeutique reste donc un sujet controversé, certains y voyant un danger potentiel pour la santé.

Les précautions à prendre

Le jeûne ne se pratique pas n'importe comment et se prépare. Ce n'est pas quand on est stressé ou que l'on commence un nouveau boulot que l'on se met à l'eau claire! « On ne peut pas jeûner et continuer de vaquer à nos occupations », insiste Stéphanie Côté.

Avant un jeûne, il est essentiel de modifier graduellement son alimentation. « On demande aux gens, au moins une semaine avant, de diminuer leurs portions de viande et de sucre pour augmenter leurs portions de fruits, de légumes et de fibres », explique Sylvie Poisson. Les toxines, comme la nicotine, l'alcool et la caféine sont à éviter complètement.

Selon Stéphanie Côté, cette étape préparatoire qui consiste à mieux choisir ses aliments, pourrait être suffisante pour la santé de nombreuses personnes. « Beaucoup de gens mangent trop ou pas équilibré et ce sont de simples modifications alimentaires qui pourraient apporter des bienfaits sur la santé et le bien-être, sans nécessairement en arriver à l'étape du jeûne », croit-elle.

Le jeûne doit impérativement être suivi d'une phase de ré-alimentation d'une durée adéquate. « On commence par manger des fruits et légumes, puis on intègre les protéines et ensuite les féculents », explique Sylvie Poisson.

Déconseillé pour perdre du poids

Même si la perte de poids accompagne généralement le jeûne, cette pratique ne doit pas être envisagée à cette fin, d'autant plus que les gains peuvent facilement disparaître lorsqu'on se remet à manger. En effet, l'abaissement du métabolisme pendant la période de jeûne entraîne par la suite une reprise plus rapide des kilos. « Le jeûne dure quelques jours alors que, pour maintenir une perte de poids, il faut adopter des changements d'habitudes à long terme », explique Stéphanie Côté, nutritionniste. Il est donc préférable d'adopter un régime alimentaire équilibré et d'inclure l'activité physique à son horaire.

Les risques reliés au jeûne

Sylvie Poisson admet que des effets secondaires peuvent survenir durant le jeûne, surtout chez les personnes qui consomment habituellement beaucoup de caféine ou de sucre. « Le corps réagit en fonction de la quantité consommée, explique-t-elle. Les personnes peuvent ressentir des maux de tête ou avoir des vomissements. J'ai même vu des gens avoir des tremblements et des sueurs, mais ils consommaient des litres de Coca chaque jour. »

Stéphanie Côté n'hésite pas à déconseiller le jeûne intégral, même avec la supervision d'un médecin. « C'est un stress considérable pour l'organisme de ne rien recevoir, dit-elle. Lorsqu'on ne mange rien pendant plusieurs jours, et même après une journée, le corps manque de sucre et commence à utiliser les muscles pour survivre. Ce faisant, il produit beaucoup de corps cétoniques qui sont des substances toxiques dont le corps veut, normalement, se débarrasser. On dit donc que l'on veut éliminer les déchets en jeûnant, mais on en produit aussi beaucoup! »

Ces corps cétogènes, libérés par la dégradation des graisses, est responsable de l'effet euphorisant que les gens disent ressentir durant le jeûne et coupe l'appétit, rendant le jeûne plus facile. Cependant, certains effets secondaires ont été rapportés: nausées, lassitude, chute de pression artérielle et anomalie du rythme cardiaque.

Contre-indications du jeûne

Le jeûne n'est pas une pratique conseillée à tous. « Ce n'est pas recommandé pour des personnes qui ont un poids insuffisant, celles qui souffrent de diabète ou de certaines maladies qui les affaiblissent ou affectant les organes très sollicités par le jeûne, comme le foie et les reins », précise Stéphanie Côté. Il est également déconseillé aux femmes enceintes ou qui allaitent et à ceux dont le système immunitaire est affaibli.

Mise en garde contre le jeûne protéiné modifié

L'Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) affiche aussi des réticences face au jeûne. En août 2010, elle émettait une mise en garde contre le jeûne protéiné modifié à la suite d'un rapport de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé (AETMIS). Ce dernier indiquait que le jeûne modifié aux protéines n'était pas indiqué pour ceux et celles n'ayant pas de surplus de poids et qu'il devrait pas être envisagé comme solution de première ligne, même si un médecin confirmait la perte de poids nécessaire.

«Malheureusement, ce cycle est trop souvent ponctué d'une reprise du poids perdu, voire même davantage, et il contribue au ralentissement du métabolisme naturel du corps», souligne Émilie Dansereau-Trahan, chargée de projet à l'ASPQ qui travaille sur le dossier des produits, services et moyens amaigrissants.

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