Nutrition
Aliments probiotiques: des bactéries bénéfiques pour la santé
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Les aliments probiotiques envahissent les supermarchés. Le yogourt, le lait, les jus et les céréales contiennent déjà ces super bactéries. L’industrie va-t-elle bientôt nous faire consommer exclusivement des aliments bénéfiques pour la santé?
Les probiotiques sont des bactéries. Mais pas n'importe lesquelles. Selon l'Organisation mondiale de la Santé, ce sont «des microorganismes vivants qui, en quantité suffisante, procurent un bénéfice sur la santé de l'hôte». Quels bénéfices, au juste, les hôtes bienveillants que nous sommes peuvent-ils tirer de cette nouvelle génération d'aliments protecteurs?
Les probiotiques protègent le corps
Les probiotiques ont de multiples propriétés. Ils peuvent:
- Protéger la muqueuse intestinale et agir comme une barrière en augmentant la production de mucus et d'anticorps;
- Empêcher ou freiner l'invasion de bactéries ou de virus indésirables, en étant simplement plus nombreux qu'eux;
- Tuer certaines bactéries en produisant des substances antibactériennes;
- Stimuler le système immunitaire lorsqu'il est affaibli ou le modérer quand il travaille trop, dans les cas d'allergies ou de maladies inflammatoires de l'intestin, par exemple;
- Dégrader certains produits cancérigènes ou en réduire la formation à partir d'autres substances;
- Contribuer à la digestion en sécrétant des enzymes.
Les souches bactériennes
On ne peut toutefois pas attribuer l'ensemble de ces vertus à tous les probiotiques. Sous ce terme générique, on désigne en effet des dizaines et des dizaines de variétés de souches bactériennes. Et toutes n'ont pas les mêmes aptitudes ni la même spécialité. Pour reprendre une analogie de Claude Champagne, chercheur à Agriculture et Agroalimentaire Canada: «C'est comme chez les humains. Nous ne sommes pas tous de bons coureurs, et encore moins tous des Bruny Surin!».
Pour affirmer qu'une souche bactérienne prévient et traite la diarrhée ou les infections urinaires, qu'elle prévient l'eczéma atopique chez les enfants à risque, qu'elle soulage les symptômes du côlon irritable ou qu'elle stimule le système immunitaire, il faut des preuves solides. En d'autres mots, il faut avoir effectué de sérieuses études cliniques dans des conditions contrôlées: même souche bactérienne, même aliment, même dose, même public cible, etc. Peu de produits actuellement sur le marché répondent à ces critères. Malgré tout, nombreux sont les chercheurs qui croient en l'importance des probiotiques pour notre santé. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'industrie alimentaire, elle, en tire profit.
Probiotiques: survivre malgré l'acidité
Il existe une condition sine qua non pour que les bactéries probiotiques exercent un effet positif: elles doivent être vivantes au moment où l'on consomme l'aliment qui les contient et, de plus, survivre à leur passage dans notre système digestif. Ce qui veut donc dire qu'elles doivent vaincre l'acidité de notre estomac, habitué à ne faire qu'une bouchée des bactéries qui le visitent!
Malheureusement, toutes les souches ne peuvent traverser avec succès les étapes «gastro-entérologiques». Seules quelques-unes ont à ce jour démontré un bon taux de survie et ont fait l'objet d'études cliniques:
- Lactobacillus rhamnosus GG. Des études scientifiques ont démontré que cette souche de lactobacilles peut réduire les risques de diarrhée - attribuable à la méchante bactérie E. coli, à la «tourista» ou au rotavirus -, de même qu'en diminuer l'importance et la durée. Les enfants et les adultes en bénéficieraient. Mais attention, un petit pot de yogourt ou un bol de céréales enrichies de probiotiques sont loin de suffire. Des mégadoses - au moins 2 milliards par portion - sont nécessaires. Et seuls les suppléments peuvent les fournir.
- Lactobacillus acidophilus L. casei CL1285. Selon une étude montréalaise menée en 2003-2004, ces lactobacilles contenus dans le lait fermenté de marque Bio-K permettraient de prévenir de façon importante les cas de diarrhée associés aux antibiotiques et les infections à la bactérie Clostridium difficile. Pour que le Bio-K soit efficace, il faut le consommer au moins deux heures avant ou après l'antibiotique, car ce dernier tue indifféremment toutes les bactéries, qu'elles soient bonnes ou mauvaises. Un petit pot de 98 g contient 50 milliards de bactéries vivantes.
- Bifidobacterium lactis DN-173 010. Cette souche permettrait d'accélérer le transit intestinal, et donc de contrer la constipation chez les femmes et les personnes âgées dont le transit est plus lent. Pour l'instant, seul le yogourt Activia en contient, car cette souche est la propriété de Danone. Ses bienfaits apparaissent avec la consommation d'une portion de 100 g par jour, et encore davantage avec deux ou trois portions. Une étude récente a aussi démontré que la consommation régulière de deux pots de 100 g d'Activia atténuait de manière significative la sensation de ballonnement et améliorait le confort digestif des adultes atteints du syndrome du côlon irritable.
- B. lactis Bb12. Cette autre souche de bifidobactéries contribuerait à renforcer le système immunitaire, selon certaines études cliniques. On la trouve dans plusieurs aliments, dont les boissons laitières Natrel Pro et Additio de Nutrinor (cette dernière est principalement vendue au Saguenay-Lac Saint-Jean), le yogourt Yoptimal immuni de Yoplait et le fromage AllégroProbio d'Agropur.
Probiotiques: un renfort pour les bactéries perturbées
Naturellement, un système digestif sain abrite plusieurs milliards de bactéries. En fait, elles sont même plus nombreuses que toutes les cellules de notre corps! Et compte tenu du fait qu'au moins 70 % de nos défenses immunitaires se trouvent dans nos intestins, on peut facilement imaginer que notre microflore et notre système immunitaire sont intimement liés. Nul doute, donc, que les «bactéries amies» de la flore intestinale jouent un rôle important dans le maintien d'une bonne santé. Le hic, c'est que cette microflore n'est pas immuable. Au contraire, son équilibre peut être perturbé par le stress, le vieillissement, les antibiotiques, les habitudes alimentaires et certaines maladies. Les probiotiques peuvent ainsi intervenir en renfort, quand les bactéries endogènes sont menacées.
Est-ce que tout le monde gagne à en consommer? Ça reste à prouver. Si vous êtes en parfaite santé et que votre flore intestinale est prolifique, rien ne prouve que les probiotiques amélioreront votre qualité de vie. Heureusement, les risques associés à leur consommation sont presque nuls. Seules les personnes dont le système immunitaire est très affaibli ou déficient devraient consulter leur médecin avant de prendre des probiotiques, dans les aliments ou en suppléments.
Sources:
Agence française de sécurité sanitaire des aliments (afssa), «Effets des probiotiques et prébiotiques sur la flore et l'immunité de l'homme adulte», février 2005. Document en ligne dans La documentation Française.
Entrevue avec Denis Roy, Ph. D., titulaire de la Chaire de recherche du Canada en biotechnologies des cultures lactiques d'intérêt laitier et probiotique à l'Institut des nutraceutiques et des aliments fonctionnels de l'Université Laval, avril 2007.
Entrevue avec Claude Champagne, microbiologiste et chercheur pour Agriculture et Agroalimentaire Canada, avril 2007.
Guyonnet D et al., «Effect of a fermented milk containing Bifidobacterium animalis DN-173 010 on the health-related quality of life and symptoms in irritable bowel syndrome in adults in primary care: a multicentre, randomized, double-blind, controlled trial», Aliment Pharmacology & Therapeutics, vol. 26, no 3, p. 475-486