Vie de famille
Trop parents, pas assez amants?
On s'était promis que l'arrivée des enfants ne changerait rien à notre vie de couple. On croyait – un peu bêtement, avouez! - que Junior dormirait 20 heures sur 24, nous laissant libres de batifoler comme avant. Et le voilà qui arrive. Secousse sismique.
Tout petit qu'il est, bébé bouleverse notre vie en grand. Le sexe, comme le reste, en prend souvent pour son rhume… Et ça ne s'arrange pas nécessairement lorsque notre petit ange entre à l'école!La grande majorité des couples doivent réajuster leur vie sexuelle après la naissance d'un enfant. Souvent bien davantage que ce qu'ils avaient imaginé. «L'arrivée d'un bébé ébranle énormément le couple. En devenant parents, certains s'oublient en tant qu'hommes et femmes, amants et maîtresses. Il y a beaucoup de séparations post-bébé parce que l'adaptation à cette nouvelle vie ne s'est pas faite, les conjoints n'ont pas créé un nouvel équilibre en se préservant un espace à eux», souligne la psychologue Brigitte Hénault, qui conseille d'aborder la question avant l'arrivée de bébé.
Aux premières loges des enquiquineurs, il y a évidemment dame fatigue. Le goût de faire l'amour se retrouve souvent loin derrière le fantasme numéro un de tout nouveau parent: dormir. Si possible plus de quatre heures d'affilée.
Les hormones en montagnes russes n'aident pas non plus. Notre corps a mis neuf mois pour fabriquer un bébé, normal qu'il en prenne quelques-uns pour récupérer. C'est d'autant plus vrai si on allaite. Ceci parce que, en présence de la prolactine, hormone favorisant la lactation, les ovaires cessent de produire la petite quantité de testostérone qu'ils fabriquent normalement et qui fouettent la libido. L'équation est simple. Pas de testostérone = peu ou pas d'appétit sexuel.
Sur le plan psychologique, il y a l'apprivoisement du nouveau rôle parental qui exige ajustements. L'image qu'on a de soi et de l'autre est bouleversée, sans compter qu'on peut avoir du mal à accepter ce corps qu'on ne reconnaît plus. Pas étonnant que l'amazone en nous dorme parfois au quatrième sous-sol!Le corps a ses raisons
La période post-partum est-elle donc un passage obligé dans le no sex land? Pas nécessairement. Mais il faut se donner du temps.
«Inutile de se mettre de la pression: c'est normal de ne pas avoir envie de faire l'amour lorsqu'un enfant arrive dans notre vie. C'est une période d'adaptation énorme, il faut vivre cette transition, aborder cette étape comme le passage vers un nouvel équilibre. Chez les femmes, il n'est pas rare que l'adaptation complète nécessite une année», souligne la sexologue Jocelyne Robert.
Du côté masculin, le vécu est généralement différent. Si le cliché dit les hommes «toujours prêts», la réalité est plus nuancée car la fatigue des premiers mois touche aussi les papas. N'empêche. Le désir revient souvent plus vite frapper à leur porte qu'à la nôtre. L'importance d'une bonne communication prend alors tout son sens.
«Dans un couple, il y a un contrat implicite qui inclut les relations sexuelles. Après une naissance, cette partie du ˝contrat˝ est souvent bousculée, le sexe devient inexistant. La femme peut être complètement comblée par la relation symbiotique qu'elle vit avec son enfant. L'homme, lui, peut se sentir laissé pour compte», exprime le sexologue Alain Desharnais.
D'où le sentiment de jalousie parfois évoqué par les nouveaux pères, qui ont l'impression d'être exclu, d'avoir été remplacé dans le cœur de leur conjointe, laquelle n'a d'yeux et de bras que pour son poupon.
«Certaines femmes laissent vraiment peu de place au père. Elles veulent tout assumer, mais finissent exténuées. Elles en veulent alors au conjoint de ne pas être plus présent. C'est un cercle vicieux qui n'en finit plus si on ne réfléchit pas à la place qu'on se donne comme parents et à celle qu'on réserve à notre couple», souligne Brigitte Hénault.Renverser la vapeur
C'est connu, la gestion du quotidien familial exige une organisation exemplaire. De quoi tuer désir et spontanéité au sein des couples même les plus solides. «Quand on court sans cesse, qu'on ne vit que pour les enfants, il faut se demander ce que ça cache. Peut-être qu'on a peur de l'intimité avec l'autre ou qu'on cherche à compenser une relation déficiente avec ses propres parents», avance Brigitte Hénault.
Happé par le tourbillon des responsabilités familiales, on peut craindre la routine. L'habitude. Le quotidien. Peu importe le nom qu'on lui donne, ce qui compte, c'est qu'on peut lutter contre. Il n'y a pas de recettes miracles, mais on peut mettre les chances de son côté en faisant de notre couple une priorité, la pierre d'assise du reste.
La formule est éprouvée: sortir de la maison le temps d'un souper ou d'un week-end à l'extérieur a un effet salvateur. Au quotidien, des détails peuvent faire la différence. Se donner rendez-vous à la maison pendant le lunch, lorsque les enfants sont à l'école. Surprendre l'autre en prenant le temps de lui écrire. Coucher les enfants plus tôt le samedi et souper en tête-à-tête. Lentement. Sans causer des ennuis du petit dernier ou de la liste d'épicerie. À chacun de trouver la façon qui lui convient. L'important est de nourrir le plaisir de vivre des choses à deux.