Vie de famille
Témoignage: une maman magicienne
Photographe : Anne Villeneuve
«Les enfants, on part en voyage!» Assis l’un derrière l’autre sur des chaises de cuisine, ils s’imaginent partir en train.
Monica leur demande où ils souhaitent aller. «En Afrique? Super! Que voyez-vous par la fenêtre?»
Il y a de ces parents qui savent créer de la magie avec de petits riens et qui font en sorte que chaque jour, même le plus gris, prend des airs de fête. Des jeux pour stimuler l’imaginaire, ils en ont une pléiade dans leur manche. Des genres de Mary Poppins des temps modernes. Monica est assurément une de celles-là. L’ex-éducatrice, qui a accueilli une centaine d’enfants dans son foyer, en plus d’en élever trois, sait y faire avec les tout-petits. «Peut-être parce que je suis demeurée une enfant moi-même», dit la femme de 71 ans, l’œil rieur.
Désormais retraitée – elle a eu sa garderie en milieu familial pendant près de 40 ans! –, elle continue de garder trois enfants de son quartier, deux fois par semaine.
«Quand j’arrive, ils sont tellement contents, ça n’a pas de bon sens! J’ai tout le temps des surprises dans mon sac et l’on fait toutes sortes de jeux. Ça ne prend pas grand-chose pour les amuser. Il faut juste y mettre du nôtre», estime-t-elle.
La psychoéducatrice Solène Bourque abonde dans ce sens. Elle précise qu’il n’est pas nécessaire de dépenser une fortune en matériel ou encore de passer la soirée à préparer le programme du lendemain pour que l’enfant y trouve son compte. «On peut faire des activités amusantes et créatives sans que ça demande trop d’énergie. Sortir de la routine, ça peut être aussi simple que: “Aujourd’hui, on fait un bed-in en pyjama avec une pile de livres.” Ce dont l’enfant a besoin, avant tout, c’est une connexion, un contact avec son parent.»
Avec Monica, une simple balade dans le voisinage se transforme en parcours exploratoire. Les bosquets deviennent des dinosaures, et l’eau, de la peinture multicolore.
Quand ses enfants étaient en bas âge, elle confectionnait leurs pyjamas et costumes d’Halloween avec sa machine à coudre. En décembre, elle transformait sa demeure jusqu’aux vacances: «Le premier jour, ça sentait Noël, le lendemain, il y avait de la musique, un autre jour, l’ajout d’une décoration... et je demandais aux enfants de trouver ce qu’il y avait de nouveau dans la maison. C’était parfois des niaiseries, mais je prenais plaisir à créer cette magie-là. Pour moi, ce n’était pas une corvée. J’aimais ça.»
La clé, selon Mme Bourque, est de respecter sa personnalité et ses limites. «La créativité, l’inventivité, la facilité dans le jeu; certains parents ont ça en eux et se plaisent là-dedans, alors que pour d’autres, c’est plus exigeant. Ce qu’il faut savoir (et ça risque d’en déculpabiliser beaucoup!), c’est que nous n’avons pas nécessairement besoin de nous transformer en animateur pour stimuler la créativité de notre enfant; même que celle-ci va souvent naître de l’ennui.»
Alors qu’elle assistait à une conférence organisée par le bureau coordonnateur de sa garderie, Monica a entendu une phrase qui l’a marquée: «Soyez les matantes folles de ces enfants-là!» Et c’est ce qu’elle s’est efforcée de faire. «De la rigueur et de la discipline, il y en avait [dans ma garderie], mais je n’avais presque pas à en faire, parce que les enfants étaient bien», indique-t-elle.
Et à voir tous les parents et enfants qui continuent de lui témoigner leur amour, on ne doute pas que cette douce folie aura su en marquer plusieurs.