Vie de famille
Témoignage: TDAH de mère en fille
Photographe : Anne Villeneuve
En septembre 2008, Lili, ma fille de huit ans, se remet d’une péritonite généralisée. Pendant sa convalescence, une enseignante vient à la maison pour l’aider. C’est elle qui m’ouvre les yeux.
Elle avait remarqué qu’apprendre n’était pas simple pour Lili, même en privé. L’année précédente, les devoirs et leçons prenaient de 1 h à 1 h 30 min au lieu de la vingtaine de minutes estimées. J’avais mis ça sur le compte de la première année d’école et de mon inexpérience. C’était ma première – et seule! – enfant.
Dès janvier, on a fait tous les tests conseillés par son pédiatre et une psychologue. Le diagnostic est tombé: Lili avait un trouble du déficit de l’attention avec impulsivité. Huguette, ma mère, qui accompagnait ma fille à ses rendez-vous, a longuement discuté avec la psychologue, puisqu’elle se reconnaissait dans les traits de Lili. «On ne connaît pas les causes exactes du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), mais il y a de toute évidence une composante génétique assez forte. Souvent, un ou même les deux parents se reconnaissent dans les défis que vit l’enfant», explique Isabelle Bourgault, neuropsychologue.
Au début de la cinquantaine, une carrière en comptabilité bien établie, Huguette avait remarqué que, depuis quelque temps, elle peinait à rester concentrée. Jamais l’idée d’avoir un TDAH ne lui avait effleuré l’esprit. Elle s’était dit que les nombreuses épreuves ayant touché ses proches «dernièrement – accident, maladie, dépression – expliquaient son état. «Pendant des années, on développe des stratégies compensatoires pour bien fonctionner. Mais un changement ou un stress fait en sorte qu’on dépense plus d’énergie pour compenser notre déficit d’attention. Si cette transition est courte, ça va. Mais si elle se prolonge, on s’épuise», explique la neuropsychologue.
Ma mère a donc passé des tests qui ont confirmé ce qu’elle pressentait. Du coup, moi aussi, j’ai compris. Mais après en avoir discuté avec mon médecin de famille, je n’ai pas fait les tests. Je savais, et c’était assez pour moi.
Une nouvelle lumière éclairait certains de mes agissements: j’ai toujours besoin de faire deux choses à la fois, je mâche de la gomme pour rester concentrée, etc. Plus encore, j’ai compris pourquoi ma mère et moi – toutes deux impulsives – avons eu une relation difficile pendant mon adolescence. Les choses ne sont pas pareilles avec Lili. Il nous arrive de «péter nos coches», mais on se calme, on s’explique et on se comprend. Souvent, on n’est pas obligées d’expliquer à l’autre pourquoi on a surréagi ainsi. Après coup, on en rit et l’on dédramatise! «Un parent qui partage la même réalité que son enfant a une plus grande ouverture face aux défis qu’il peut vivre, est plus empathique et va chercher de l’aide plus rapidement, parce qu’il se rappelle par quoi il est lui-même passé», indique Isabelle Bourgault.
Ma mère et ma fille prennent un médicament. Pas moi. Je n’en ressens pas le besoin pour le moment. On verra. En attendant, je peux discuter longuement de la question avec ma mère, avec ma fille... ou même avec les deux!