Vie de famille
Question de brownies
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J’ai récemment plongé avec délice dans L’année du oui, de Shonda Rhimes, un bouquin hautement divertissant qui donne le goût de sortir de sa zone de confort et de se lancer plus souvent dans le vide. Si cette femme qui gère de front un empire télévisuel et une famille de trois enfants peut trouver l’énergie de relever tous les défis qui se présenteront à elle pendant un an, pourquoi n’y arriverais- je pas moi aussi? C’est encore plus motivant quand elle décrit les effets que cette résolution a eus sur elle: en disant oui à ce qui lui fait peur, elle dit avoir trouvé une paix d’esprit qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps.
Un des chapitres du livre s’intitule «Oui à la fin de la guerre des mamans», et il m’a bien sûr interpellée, parce que la culpabilité ressentie par les mères est un problème qui me préoccupe depuis longtemps. Shonda Rhimes expose clairement ce que peu de femmes dans sa position disent: il est impossible de mener une carrière très prenante et d’assumer en même temps toutes les tâches liées aux soins des enfants. Si elle peut écrire des séries comme Grey’s Anatomy et Scandal, c’est parce qu’une nounou travaille à temps plein auprès de ses filles. Et parce qu’elle n’a jamais adhéré au traditionnel modèle de la maman parfaite. Après une anecdote savoureuse où elle raconte s’être exclamée: «Vous vous foutez de ma gueule?» dans une réunion à l’école où une autre mère demandait que les parents apportent seulement des gâteaux faits maison, elle écrit ceci:
«Vous estimez peut-être que c’est important pour le développement de votre enfant de faire des pâtisseries à la maison. Tant mieux pour vous, mes soeurs. Je défendrai votre droit de faire des brownies, je manifesterai pour votre droit de faire toutes les pâtisseries que vous voudrez. Mais j’enlèverai mes boucles d’oreilles et je demanderai à quelqu’un de tenir mon sac à main pour la confrontation verbale que nous devrons avoir si vous tentez de me convaincre que je dois définir mon rôle de mère suivant les mêmes termes que vous. (...) Si j’ai envie d’acheter mes brownies chez Costco et de les déposer à l’école dans un sac en papier froissé, encore emballés dans leur barquette en plastique et en aluminium avec le prix en orange collé dessus, vous savez quoi? C’est comme ça que ça se passera. Et que ceux qui me jugent aillent se faire voir.»
Elle s’en prend aussi de façon jouissive à l’argument de ceux qui affirment que la meilleure place des mères est à la maison parce qu’être mère est notre travail le plus important. «Le travail le plus important pour une femme qui a un loyer, des mensualités pour sa voiture, des factures et qui doit faire ses courses, c’est celui qui lui rapporte de l’argent pour maintenir sa famille en vie.»
Être mère n’est pas un travail, dit Shonda Rhimes, en poursuivant avec l’une des plus belles définitions de la maternité que j’ai lues. «On peut démissionner d’un travail. Je ne peux pas démissionner de mon rôle de mère. Je suis mère pour toujours. Les mères n’ont jamais fini leur journée, les mères ne sont jamais en vacances. Être mère nous redéfinit, nous réinvente, nous détruit et nous reconstruit. Être mère nous met face à nous-même enfant, face à nos mères en tant qu’êtres humains, face à nos peurs identitaires les plus effroyables. Être mère exige de nous que nous trouvions notre équilibre pour ne pas risquer de traumatiser une autre personne à tout jamais. Être mère nous arrache le coeur et l’attache à nos petits humains qui se retrouvent lâchés dans la nature, éternellement otages.»
Chères mamans, que vous soyez du type pâtisseries maison ou brownies de l’épicerie, je vous souhaite une joyeuse fête des Mères. Et je vous fais un beau high five virtuel.
Claudine St-Germain
Rédactrice en chef
Mai 2017