Vie de famille
Petit guide pour faire le ménage en famille
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Dire à notre tout-petit de ranger ses jouets, demander à notre préado de vider le lave-vaisselle, répéter à notre ado de mettre un peu d’ordre dans sa chambre. On sait qu’il vaut mieux partager les tâches et, pourtant, on finit (trop souvent) par les abattre seule.
Certaines familles ont réussi à faire du ménage une affaire de famille... pour vrai.
Mère de trois «grands» enfants de 14, 22 et 23 ans, Marilyn Blouin n’a jamais accroché un tableau qui énumère les tâches à faire. «À long terme, ça ne fonctionne pas», laisse tomber avec conviction cette ex-éducatrice. Elle les répartit plutôt tout au long de la semaine à chacun des membres de la famille.
Elle a tout de même réussi à impliquer ses deux filles et son garçon dans le rangement et le ménage de la maison dès leur plus jeune âge. «Mon meilleur truc, dit- elle, c’est de miser sur les forces et les faiblesses de chaque personne, de tenir compte de ce qu’elle aime et de ce qu’elle n’aime pas.»
À partir de l’âge de 2 ans, elle a appris à sa marmaille à ranger au fur et à mesure. Les jouets étaient remis à leur place «dans le plaisir, en chantant des comptines», raconte-t-elle. Des punitions? Des récompenses? De l’argent? Rien de tout cela chez elle. «J’ai appris à lâcher prise et à relativiser. Ce sont des enfants! Il ne faut pas les chicaner ou virer fou avec ça, mais plutôt les aider à se responsabiliser.»
Selon Suzanne Vallières, psychologue, ce genre d’approche, constante mais décontractée, a de fortes chances d’être durable. «Le parent doit prendre le leadership, indique-t-elle, il doit distribuer les tâches et s’arranger pour que ça se fasse dans la bonne humeur, en mettant de la musique, par exemple, et en s’impliquant lui-même.»
On laisse traîner de la vaisselle sur le comptoir et l’on espère provoquer une réaction? Douce utopie, note la psychologue, auteure de la série de livres Les Psy-trucs. «Ce n’est que vers 15 ans, généralement, que les jeunes vont prendre des initiatives. Il ne faut pas oublier que le cerveau atteint sa pleine maturité vers 23 ans.»
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Des tâches simples et courtes
Des initiatives, les deux fils de Sarah St-Pierre, âgés de 3 et 4 ans, en prennent déjà... un peu. «En fait, ils veulent m’aider, ils veulent m’imiter», rapporte celle qui se qualifie de «freak du ménage». Ses fils font leurs lits, passent l’aspirateur, déposent la vaisselle sale dans l’évier de cuisine après le repas, rangent leurs jouets et s’habillent seuls à la garderie. Impressionnant pour de si petites personnes... «Je ne les force pas, souligne la mère de famille de 31 ans. Je leur demande toujours des tâches simples et courtes convenant à leur âge. Je souhaite peu à peu en intégrer davantage à leur routine, au fur et à mesure qu’ils vieillissent.»
Demander à un enfant d’exécuter des tâches trop complexes pour lui ou donner des responsabilités trop grandes peut être dommageable, précise Mme Vallières. «Cela peut causer de l’anxiété et une perte d’estime de soi. L’enfant, qui n’est pas rendu là dans son développement, pourrait ne pas se sentir à la hauteur.» Elle rappelle qu’il est indispensable d’adapter la tâche: desservir sa place à table quand on a 4 ans, oui; rincer et placer la vaisselle dans le lave-vaisselle, non.
Montrer le chemin
Une autre facette importante pour réussir son ménage en famille est de montrer l’exemple... et d’enseigner aux enfants comment accomplir les tâches. «Lorsqu’ils avaient environ 8 ou 9 ans, j’ai montré à mes garçons comment on nettoyait la salle de bains. Ils ne peuvent pas deviner!» dit Marie- Andrée Desranleau, mère de deux garçons aujourd’hui âgés de 12 et 14 ans.
Depuis qu’ils ont 2 ans, les fils de Mme Desranleau ont été incités à prendre part aux tâches. «Désormais, ils font le ménage avec nous, sans chialer ou presque», lance la femme de 48 ans avec fierté. «Le ménage n’est pas vu comme une corvée; je ne sens pas que ça les dérange.»
S’entraider
Le travail d’équipe, Zoé Leblanc-Sirois, mère de cinq enfants âgés de 2, 4, 6, 9 et 11 ans, connaît ça. Cette ancienne responsable d’un service de garde, aujourd’hui blogueuse derrière Cinq minutes pour jouer, croit beaucoup en l’entraide. «Les tâches et le ménage, ça fait partie de la vie familiale, remarque- t-elle. C’est logique que tout le monde participe.»
Chez elle, tous les enfants, tous les jours, font des tâches. «Ils aident pour vrai et font les choses à tour de rôle. La tâche est graduée selon l’âge.» Elle a aussi créé un petit système de «cartes d’urgence» pour du ménage plus important à faire: «Chaque carte présente trois ou quatre petites tâches à faire dans une pièce. Par exemple, dans le salon, ranger les jouets, nettoyer la table, remettre les choses à leur place.»
Et ça marche, clame la trentenaire. Pourquoi? «Si je leur donnais des tâches parce que je déteste ça et que je suis tannée de les faire, c’est ce qu’ils retiendraient: “Maman haït ça, et elle a raison, c’est plate.” Mais si le ménage et le rangement sont valorisés, qu’on passe un bon moment ensemble, sans pression, c’est de ça qu’ils se souviennent... Le ménage, ce n’est pas une punition!»
Jamais trop tard
Et si nos enfants sont maintenant d’âge scolaire, voire préadolescents, et qu’aucune habitude de ménage n’a encore été créée, comment fait-on? «Il n’est pas trop tard!» clame Mario Moretti, père de trois adolescents mis à la tâche sur le tard... «Quand je me suis séparé, il y a trois ans, je me suis rendu compte que je ne pouvais pas tout faire à moi seul, avec deux gars qui jouent au hockey et un emploi à temps plein. J’ai mis mes enfants devant les faits: voici ce qu’il y a à faire, comment on s’arrange?»
Il avoue que les débuts ont été difficiles et un peu chaotiques. Les enfants se sont rebellés, clamant que «chez leur mère, ils n’avaient rien à faire». Les deux ex-conjoints se sont parlé et ont décidé d’arrimer leurs façons de procéder. Dorénavant, chez l’un comme chez l’autre, les tâches sont réparties entre les enfants et les adultes. «Évidemment que j’en fais plus, c’est moi, le père, glisse l'homme de 45 ans. Et je leur laisse plus de liberté la fin de semaine. Ils ont besoin d’une pause.»
Donne-t-il de l’argent pour les tâches accomplies? Non, répond-il, sauf pour les corvées «spéciales». «Je donne des sous pour tondre la pelouse, laver la voiture, nettoyer les fenêtres, énumère-t-il. Pour le reste, pas question! On mange tous à table dans de la vaisselle propre. On aime tous ça, de la vaisselle propre, alors pourquoi je les paierais pour remplir ou vider le lave-vaisselle?»
La psychologue Suzanne Vallières souligne à quel point toute forme de dédommagement financier peut devenir une méthode lourde à soutenir, à long terme. «Ce qui est intéressant, dit-elle, c’est plutôt d’offrir une récompense affective, comme un moment privilégié avec un des parents – ou les deux –, une sortie ou encore une activité que l’enfant aime particulièrement.»
Les familles qui paient les services d’une femme de ménage doivent aussi trouver le moyen de responsabiliser les enfants, conclut Mme Vallières: «On peut faire de petits ménages entre les visites, et il y a tout de même des choses à faire, du rangement et du lavage, par exemple... Il ne faut pas oublier qu’à 20 ans, lorsque notre enfant quittera la maison, il n’aura pas de femme de ménage à son appartement!»
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Suggestions de tâches pour favoriser le développement de l’autonomie
2 ans:
- aider à ramasser mes jouets
- aider à jeter mes couches
- placer mes souliers, mon manteau au bon endroit
3 à 4 ans:
- me laver les mains sans aide
- mettre mon linge sale dans le panier
- aider à plier les serviettes
5 à 6 ans:
- aider à faire mon lit
- aider à cuisiner
- aider à ranger l’épicerie
- essuyer un dégât
7 à 8 ans:
- sortir le recyclage, les poubelles, le compost
- aider à ranger la vaisselle
- aider à mettre la table
- arroser les plantes
9 ans et +:
- faire un lavage (avec aide au besoin)
- passer l’aspirateur
- nettoyer la salle de bains