Vie de famille

Parents de prématurés : entrevue avec la Dre Annie Janvier

Parents de prématurés : entrevue avec la Dre Annie Janvier

Keith Barrington Photographe : Keith Barrington Auteur : Coup de Pouce

Avoir un enfant prématuré est éprouvant pour les parents. Dans son livre, Respire, bébé, respire, Annie Janvier, raconte leur combat, en toute connaissance de cause.

Annie Janvier et Keith Barrington sont tous les deux néonatalogistes. Leur métier, c'est de réparer les bébés arrivés trop tôt. En 2005, les rôles s'inversent: Annie Janvier accouche d'une petite fille à 24 semaines de grossesse. De médecin spécialiste, elle passe de l'autre côté du miroir et devient la mère d'un bébé prématuré, la mère de Violette.

Dans son livre, Respire, bébé, respire, elle raconte l'épopée des premiers mois de la vie de Violette, mais aussi les combats d'autres petits patients et de leurs familles croisés au fil des années. Des histoires parfois tristes, parfois lumineuses qui démontrent que chaque bébé est unique. Il y a, dans la plume d'Annie Janvier, une tendresse peu commune qui se marie étonnamment à un langage très cru (attention, le texte est généreusement saupoudré de sacres, comme ça arrive, parfois, quand la vie nous prend de court et qu'on est découragée!) Entrevue avec un médecin de cœur.

Qu'est-ce qui vous a le plus surprise quand Violette est née?

Je vois des bébés prématurés tous les jours et je connaissais toutes les machines qui l'entouraient, mais d'être la mère d'un bébé sur une machine, c'était quelque chose de tout à fait nouveau. Ça a été un si grand choc que, pendant deux ans, on a fêté l'anniversaire de notre fille à la date de sa sortie d'hôpital, en septembre. Pendant un certain temps, le véritable jour de sa naissance, le 22 mai, n'évoquait pas un souvenir très heureux.

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Et comme médecin, qu'est-ce qui a changé?

Avec les parents, je discute systématiquement de culpabilité. Dans notre société de performance, on croit que, si on fait tout ce qu'il faut faire, tout va bien aller et que si ça va mal, c'est parce qu'on n'a pas fait la bonne chose. La très grande majorité des mères (et des pères) que je rencontre se sentent responsables de ce qui est arrivé: elles ont trop marché, elles n'ont pas assez marché, elles ont fait l'amour ou n'ont pas mangé bio. Même moi, quand j'ai vu mon bébé branché sur une machine qui fait le travail que mon ventre n'arrivait pas à faire, je me suis sentie coupable. Je leur répète que leur bébé est chanceux d'avoir des parents aussi merveilleux et qu'ils doivent arrêter de chercher un coupable.

J'aborde aussi beaucoup la question de l'allaitement. Comme médecin, je savais que le lait maternel était bon pour les bébés. Mais tirer son lait, jour après jour, ce n'est vraiment pas évident. Nourrir un prématuré au sein non plus. Il faut arrêter de dire que c'est toujours facile, que si on veut, on peut. Je félicite maintenant toutes les mamans qui tirent leur lait, même quelques gouttes, et je les remercie d'aider ainsi leur bébé.

Quels conseils donnez-vous aux proches d'une mère qui vient de donner naissance à un bébé prématuré?

Aux parents comme aux proches, je recommande de prendre des photos du bébé. En grandissant, ces enfants auront envie de connaître leur naissance malgré les tubes et les machines. J'ai beaucoup de gratitude envers mon mari d'avoir photographié notre bébé. La photo de la couverture du livre vient de lui. Il avait glissé son alliance autour du poignet de Violette. Je ne sais pas ce qui l'a inspiré à ce moment-là, s'il trouvait Violette belle et qu'il avait voulu conserver ce souvenir-là, mais notre fille, qui a maintenant 10 ans, aime beaucoup cette photo.

Respire, bébé, respire, par Annie Janvier, Québec Amérique, 2015, 356 p., 28,95 $.

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