Vie de famille
Mes enfants se chicanent presque tout le temps!
Mes enfants se chicanent presque tout le temps!
Photographe : Anne Villeneuve
Routine du matin, une journée d’école comme tant d’autres.
Ma plus jeune pousse sa soeur: «Maman! Maman! Elle m’empêche de mettre mes bottes!
— Heille! Pousse-moi pas! C’est quoi, ça? Ce sont mes gants! Maman! Maman!»
Elle lui arrache les gants (qu’elle ne portait plus depuis deux ans) et s’empresse de les enfiler. «Ce sont mes préférés! Voleuse!
— Maman me les avait donnés! T’es méchante! Méchante!»
J’interviens et propose les vieux gants de l’autre soeur aînée.
«Elle les a beaucoup aimés. Tu seras bien, ils sont tout doux.
— C’est pas juste! Moi aussi, je veux des gants doux!»
Aucune solution possible.
Comment se fait-il que deux petites soeurs complices, qui dorment dans la même chambre par choix et qui ne peuvent vivre l’une sans l’autre plus de 24 heures, se chicanent autant? «La rivalité entre frères et soeurs est normale et inévitable, me rassure la psychoéducatrice Solène Bourque, auteure du livre 100 trucs pour les parents d’enfants de 6 à 12 ans. Si elle est bien encadrée, elle peut même jouer un rôle intéressant dans la construction de l’identité de l’enfant. Les chicanes leur permettent d’apprendre les règles nécessaires pour vivre en société. Elles leur enseignent à se différencier les uns des autres, à s’affirmer et à faire leur place dans la famille et à l’école.»
«Avant l’âge de cinq ans, poursuit-elle, le partage est quelque chose de très difficile. Par la suite, les raisons des conflits sont plus complexes. Nos enfants peuvent avoir des personnalités plus ou moins compatibles, désirer attirer l’attention d’un parent ou vouloir être rassurés sur l’amour qu’on leur porte. Pour réduire les rivalités, on évite de les comparer entre eux et on encourage leurs différences, leurs personnalités, leurs talents et leurs goûts. Dans la mesure du possible, on les laisse gérer leurs conflits eux-mêmes, mais face à la violence, c’est tolérance zéro. S’ils ne réussissent pas à résoudre seuls un différend, on s’assure d’entendre les deux versions, sans prendre parti, en faisant très attention à ne pas toujours demander à l’aîné d’être celui qui fait les compromis.»
Curieusement, la rivalité fraternelle favoriserait la complicité. Du moins, c’est ce qu’a écrit la psychologue Suzanne Vallières dans son livre Les psy-trucs, pour les enfants de 3 à 6 ans. Une affirmation qui s’est confirmée lorsqu’un matin de décembre, l’une de mes filles a découpé le divan de cuir de notre salon. Même si elles se chicanent (presque) tout le temps et nous rapportent des trucs sans importance («Maman, elle met le doigt dans son nez!»), nous ne savons toujours pas, trois ans plus tard, laquelle des deux a fait le coup!
Malgré tous nos efforts pour adopter les bonnes attitudes et les bons comportements parentaux, nos enfants se chicanent encore et encore. En attendant qu’ils deviennent des adultes, nous essayons, mon conjoint et moi, de ne pas trop culpabiliser et de lâcher prise vis-à-vis de certains petits conflits.
Par contre, quand mes filles jouent dans la cour avec les voisins et qu’un enfant frappe à ma porte en se lamentant: «Madame, ma soeur décide toujours tout», je donne un avertissement et, la fois suivante, je les renvoie chez eux. Arbitrer les conflits de mes propres enfants est un emploi à temps plein. Faire des heures supplémentaires? Non merci.
Danielle Verville est maman de quatre filles, âgées de 5 à 15 ans.