Vie de famille
La belle-galère
La belle-galère
Mon amoureux venait en package deal avec une fille qui a maintenant huit ans.
Belle-Fille et moi avons une belle relation. Je ne complote pas contre elle avec mon miroir maléfique et elle ne me crie pas « T’ES PAS MA MÈRE » quand je lui demande de se ramasser. Je suis fière de ses réussites et je l’encourage à ne pas abdiquer devant les obstacles. Elle alimente mes recherches Google de ses questions fascinantes et m’applaudit quand je flippe une crêpe sans l’échapper (et m’aide à ramasser les neuf autres). Je fais ma place dans sa vie en respectant celle de sa mère. Nous sommes la preuve qu’une famille reconstituée peut bien fonctionner.
Mais, il y a un mais. /prend un air grave Je ne l’aimerai jamais comme ma propre fille. Mon fils me pousse à bout régulièrement alors que Belle-Fille, elle, a un caractère plus doux. Ma résilience est pourtant exponentielle quand c’est de mon fils qu’il s’agit. Cette réalisation a amené son lot de culpabilité, jusqu’au jour où, récemment, Belle-Fille m’a dit « je t’aime » pour la première fois. Elle a poursuivi en disant, « c’est sur que j’aime ma mère plus. Mais c’est normal, c’est ma mère.». Dans ses mots d’enfant, elle venait de remettre en perspective toute la patente. Elle n’est pas ma fille. Je ne suis pas sa mère. On s’aime sincèrement, d’un amour moins viscéral, plus à-même d’être affecté par les défis du quotidien.
Crédit : Marie-Pier Valiquette
Quand je suis tombée enceinte de Fiston, la sagesse des déjà-parents s’est garrochée sur moi comme la misère sur le pauvre monde. Attention à ci ; voici comment faire ça ; tiens, prends mon vieux stock que je n’ai pas réussi à vendre sur Kijiji. Le rôle de beau-parent en est un ingrat. Il n’est pas célébré et n’a pas de section dans les librairies. Parce que la famille recomposée, même armée de toute sa bonne volonté, est en quelque sorte le rappel que la famille nucléaire a mangé une volée en cours de route.
Il arrive à Belle-Fille de trouver difficile de se faire trimballer entre deux adresses ou de me partager avec son papa, tout comme il m’arrive de me sentir dépassée, prise pour acquis ou laissée pour compte sous mon toit. On parle volontiers des travers de la parentalité, mais le ras-le-bol des beaux-parents se fait discret de peur d'être confondu avec du mépris. Les sacrifices des beaux-parents passent souvent inaperçus parce qu’ils nous viennent tellement naturellement comme parent qu’on ne réalise pas ce que ça représente de les faire pour l’enfant de quelqu’un d’autre.
Mine de rien, je limite mes opportunités de carrière, mon lieu de résidence et même l’école de mon fils à la ville où l’ex de mon conjoint habite. Je dois planifier mes vacances en fonction de son horaire et accepter que ses valeurs soient en background de mon quotidien. Mine de rien, je veille à ce que Belle-Fille ait des fruits dans son lunch, du plomb dans la tête et du linge sur le dos. Je fais pour elle ce que je fais pour mon fils, en échange d’une fraction de la reconnaissance, en composant avec des décisions qui m’affectent mais sur lesquelles mon avis n’est pas sollicité. Ce que les beaux-parents ne disent pas, c’est que dans l’absence de gratitude nait le ressentiment.
J’ai la chance d’avoir un conjoint réceptif à mes frustrations et respectueux de mes limites. Il me rappelle souvent que mon implication auprès de sa fille lui est précieuse. À force de communication, on se rapproche de l'équilibre. L’amour et la résilience d’un parent tout court sont inégalables. Mais il y a une bonne main d’applaudissement qui se perd pour les beaux-parents qui font le CHOIX, chaque jour, de s’investir dans la vie d’un enfant, pour le meilleur et pour le pire.