Vie de famille
En deuil de mon sommeil
Photographe : Annie Villeneuve
Avant la naissance de ma fille, j’étais un oiseau de nuit. Je travaillais souvent le soir ou encore je sortais, m’offrant ensuite le luxe de dormir le matin d’un sommeil profond, imperturbable. Neuf ans plus tard, le confort de ce sommeil réparateur n’est toujours pas revenu.
Bébé Charlotte a mis du temps à faire ses nuits. Elle se réveillait souvent pour boire et elle avait du mal à se rendormir. Le jour, alors que les poupons de mes copines dormaient trois heures, la mienne alignait à peine 20 minutes. Malgré mes cernes, je m’accrochais au fait que cela ne durerait qu’un temps...
Et là, j’entends vos commentaires! Évidemment qu’on a lu sur le sujet, mon chum et moi, et qu’on a suivi les conseils de différents experts, mais comme la petite était enjouée et énergique, nous avons décidé d’accepter le fait que notre petit lapin Energizer n’avait juste pas besoin d’autant de sommeil que les autres enfants. «Nous recommandons aux parents d’établir le plus tôt possible un cycle adéquat d’exposition à la lumière et à l’obscurité, dit la Dre Diane B. Boivin, professeure en psychiatrie et auteure. Et il est vrai que les bébés n’ont pas tous les mêmes besoins de sommeil», précise-t-elle. Chez nous, malgré tous nos efforts, le lever se faisait souvent à la belle étoile, voire avant même le générique d'ouverture de Salut Bonjour!
Heureusement, notre petit trésor glisse maintenant sans problème dans un profond sommeil qui dure de longues heures. Désormais, c’est moi que le sommeil fuit. «La naissance d’un enfant perturbe l’organisation du sommeil d’une femme, affirme la Dre Boivin. La mère, surtout si elle allaite, reste constamment en état d’alerte. Elle entretient donc un état de tension, elle ne dort que sur une oreille, comme on dit, et son sommeil s’en voit fragilisé. Cette nouvelle réalité peut malheureusement perdurer.»
J’avoue aujourd’hui avoir recours à quelques artifices pour mieux dormir. Je parle ici de bouchons pour les oreilles, d’un loup pour ne pas voir le jour se lever, d’un générateur de bruit blanc et parfois de mélatonine. «Si les béquilles aident, c’est correct, mais attention aux produits vendus sans ordonnance dont on ne connaît pas les effets à long terme!» met en garde la médecin.
Malgré tout, je garde espoir. J’aurai peut-être le temps de récupérer un peu avant que l’angoisse de voir ma fille emprunter ma voiture pour faire la fête m’empêche à nouveau de dormir. «Il faut accepter le fait qu’avec l’âge, le sommeil a tendance à s’alléger. Dès la trentaine, il n’est déjà plus le même, et ça ne s’arrange pas avec la ménopause», conclut l’experte. Bon... Quand je me sentirai épuisée, je songerai au nombre indécent de siestes que je ferai à ma retraite!